« Dans ma tête j’allais finir mes examens et rentrer chez moi », explique Ana, étudiante salvadorienne. En août 2019, la jeune femme de 17 ans arrive à Strasbourg pour commencer sa licence en sciences de la vie et de la Terre. Mais le 11 mars, les autorités locales salvadoriennes décident d’interdire l’entrée sur le territoire national à tous les voyageurs et ce pour 30 jours. Début mai, malgré la réouverture des frontières, son billet pour rentrer au Salvador est annulé. Ana se résigne à passer son été en France.
À 18 ans, C’est la première fois qu’Ana part si loin et si longtemps de son pays. Elle n’a pas vu ses parents depuis août dernier. Ils ont préféré qu’elle reste en France au début de l’épidémie. Ils avaient peur qu’elle « attrape le virus à l’aéroport ».
La jeune femme tente de se rassurer en se disant qu’elle n’est pas la seule dans ce cas : « Avec d’autres étudiants internationaux de ma licence on s’est promis que si on ne pouvait pas rentrer chez nous, on passerait l’été ensemble », déclare-t-elle. « Je me sens triste mais j’essaye de me dire que ça peut être une opportunité pour découvrir un peu plus la ville de Strasbourg », conclut l’étudiante.
Bloqué dans 9 mètres-carrés
Jean-Christophe est originaire de Taïwan. Il est arrivé à Strasbourg en septembre dernier pour intégrer un master à Science Po. L’étudiant est actuellement « bloqué » en Cité Universitaire, dans sa chambre de 9 mètres-carrés.
Pour pouvoir rentrer, Jean-Christophe attend d’abord le retour de la libre circulation des personnes sur le territoire français. « J’avais prévu de rentrer début juin après les examens, explique-t-il, mais je vais devoir décaler à fin juillet-début août, suivant l’évolution de la situation. » Avec un seul avion hebdomadaire pour Taïwan au départ de Paris Charles de Gaulle, le départ de l’étudiant relève du casse-tête : « Il faut que les transports en commun et les trains concordent avec les horaires du vol, et puis il y a encore l’interdiction de se déplacer à plus de 100 kilomètres… », soupire-t-il.
Jean-Christophe espère aussi que les mesures mises en place par l’État taïwanais s’assoupliront : « Si je rentre maintenant il y a le risque de devoir attendre 14 jours dans un hôtel avant de pouvoir voir ma famille, et je n’ai pas envie d’être encore isolé pendant deux semaines… », déclare l’étudiant. Depuis le 17 mars, Taiwan impose une mise en quarantaine à domicile de 14 jours aux voyageurs autorisés à entrer sur le territoire. Les personnes qui présentent des symptômes de la covid-19 doivent passer deux semaines isolées dans des centres publics dédiés.
La peur d’être contaminé
Ce qui empêche l’étudiant de rentrer, c’est aussi la peur d’être infecté par le coronavirus. Sa famille est elle aussi, très inquiète de la situation en Europe : « À chaque fois que je les appelle, ils me disent de sortir le moins possible et de mettre un masque quand je vais dehors. » Mais le fait de ne plus sortir renforce aussi l’isolement. « Je me sens assez seul, le plus dur c’est en fin de journée et le soir… » déclare Jean-Christophe. Depuis que les cours et les examens sont terminés, les soirées dans sa chambre du Crous paraissent parfois très longues.
« Est-ce que si je pars je pourrais revenir ? »
Islam est en troisième année de licence économie gestion à l’Université de Strasbourg. Arrivé dans la capitale il y a 4 ans pour ses études, le jeune Algérien est désormais bloqué en Alsace « jusqu’à nouvel ordre ». Il ne sait toujours pas s’il pourra rentrer cet été. Les autorités locales ont suspendu, depuis le 17 mars « toutes les liaisons aériennes et maritimes à destination et en provenance de l’Algérie, à l’exception du transport des marchandises« .
Il y a deux semaines, Islam a rempli un formulaire de l’ambassade algérienne pour se faire rapatrier. Depuis il attend une réponse. « Au début, je n’ai pas pensé à partir, je ne voulais pas prendre de risque pour ma santé et celle de mes parents, j’ai préféré rester seul », explique-t-il.
Mais aujourd’hui la solitude lui pèse. Habituellement, Islam rentre l’été en Algérie pour voir sa famille et pour travailler dans l’entreprise de son père. Il peut ainsi mettre de l’argent de côté et réduire ses dépenses de loyer. L’étudiant espère donc trouver rapidement un job étudiant en France. Il souhaiterait reprendre son travail de livreur en vélo. En attendant, pour tenir ce mois-ci, ses parents lui ont envoyé de l’argent.
En septembre prochain, Islam aimerait poursuivre ses études en gestion des entreprises industrielles. Mais s’il arrive à rentrer en Algérie, l’étudiant sera toujours inquiet : « Si je pars, est-ce que je pourrais revenir en France ? »
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