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À Stimultania, une exposition mêle science et art photographique pour dénoncer des contaminations planétaires

Jusqu’au 15 septembre, Stimultania expose « L’île naufragée » de Richard Pak et « Les particules » de Manon Lanjouère. Par un travail photographique et scientifique, ces deux séries mettent en lumière deux pollutions désastreuses.

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Jusqu’au 15 septembre, le pôle photographie Stimultania plonge ses visiteurs dans les œuvres des deux derniers lauréats du prix Photographie et Sciences. Le projet « L’île naufragée » de Richard Pak met en lumière la contamination au phosphate de l’État insulaire de Nauru. L’exposition de Manon Lanjouère, « Les particules », révèle une pollution indiscernable à l’œil nu mais tout aussi dramatique : les micro-plastiques qui peuplent l’océan et qui menacent ses micro-organismes. La photographe imagine un scénario où le plastique aura remplacé ces êtres vivants essentiels à la survie de l’espèce humaine.

Richard Pak emplit une partie de ses négatifs d’une solution phosphorique : une image elle-même contaminée, à l’image de l’île de Nauru. Photo : Richard Pak

Un paradis ravagé par sa richesse

Après avoir bataillé pour obtenir un visa, Richard Pak a pu se rendre sur l’île de Nauru pour raconter l’histoire la plus petite république du globe (21 km²) située en Micronésie dans l’océan Pacifique. Avec la série photographique « L’île naufragée », le lauréat du prix Photographie et Science en 2021 pose ce petit pays comme une « allégorie du monde ».

Cet État insulaire de Nauru a connu la prospérité avant de devenir l’un des pays les plus pauvres au monde. Ses terres étaient gorgées de phosphate, un élément essentiel pour les engrais utilisés dans l’agriculture intensive. Mais aujourd’hui, l’exploitation du phosphate a cessé. L’exposition nous fait ainsi entrer dans l’île par le biais d’un panneau flouté où se devine tout juste la silhouette de quelques palmiers et la couleur turquoise de l’eau, surplombé par des portraits de Nauruanes à la longue chevelure ornée de fleurs tropicales.

Au milieu du fléau, une série de portraits d’enfants semble flotter au-dessus de l’eau, grâce à une vitesse d’obturation maîtrisée à la perfection Photo : Stimultania

L’aspect paradisiaque n’est qu’un leurre. Très vite, la série photographique dépeint un tout autre tableau. Les paysages sont affadis, dévastés, et les formations rocheuses semblent crier au désespoir. En face de ces horizons désolés, une succession de clichés rend compte de l’aspect désertique de Nauru : des carcasses de voitures laissées sur les bas côtés, des commerces qui ont mis la clé sous la porte, une myriade de stations-essences qui ne sont plus approvisionnées depuis longtemps.

Mise en abîme du désastre écologique

Le phosphate, devenu part entière du décor insulaire, se répand jusqu’aux négatifs de Richard Pak. Ceux qui ont capturé les gisements de son ancienne exploitation sont plongés dans une solution d’acide phosphorique. La technique du trempage emplit le cliché d’un rouge vermillon. En renversant des gouttelettes d’acide, le résultat est tout aussi bluffant, avec l’apparition sur le cliché d’un dôme de taches écarlates flottant au-dessus de l’État insulaire.

Le rouge désoriantant de l’acide phosphorique semble faire saigner la terre de Nauru Photo : Richard Pak

La saisie de l’insaisissable

Manon Lanjouère, lauréate du prix Photographie et Sciences 2022, s’est passionnée pour un tout autre univers. Par des discussions avec des scientifiques et une exploration visuelle, la photographe a appris la composition du phytoplancton – son ADN et ses mécanismes de photosynthèse – et son rôle dans l’organisation de notre écosystème.

Certains modèles de phytoplanctons photographiés par Manon Lanjouère font partie de l’exposition au Stimultania Photo : Stimultania

Ces peuples invisibles sont à l’origine de 40% de l’absorption du dioxyde de carbone et 60% de la production d’oxygène. Aujourd’hui, ils cohabitent avec les micro-plastiques, plus nombreux encore que les étoiles de notre galaxie. En récupérant des matériaux plastiques sur les plages ou dans les poubelles, l’artiste compose avec le monde de demain et imagine un plastique qui aurait remplacé la structure de ces phytoplanctons. Un voyage dans les limbes océaniques qui jongle entre le sublime et le fléau.


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