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À Schiltigheim, un collège se mobilise contre une « ghettoïsation programmée »

Les enseignants du collège Leclerc à Schiltigheim cherchent à sensibiliser les parents d’élèves et leur administration sur une modification de la carte scolaire, décidée par le Conseil départemental, qui vise à concentrer les élèves d’un quartier populaire dans un collège voisin.

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Les 45 enseignants du collège Leclerc à Schiltigheim n’ont pas fait cours vendredi 11 mai. Et depuis des semaines, ils alertent leurs collègues, les parents d’élèves, leur administration et les élus d’une modification de la carte scolaire, qui va répartir les enfants différemment entre leur établissement et le collège Lamartine à Bischheim.

Cette évolution programmée par le Conseil départemental du Bas-Rhin et appliquée par l’académie dès la rentrée de septembre 2018, vise à mieux répartir la charge prévisible entre les deux collèges, afin que les effectifs totaux avoisinent les 400 élèves par établissement.

Plus précisément, les élèves des écoles Mermoz et Leclerc, issus du quartier populaire des Écrivains, soit environ 120 élèves, seront désormais affectés au collège Lamartine. Conséquence selon les enseignants du collège Leclerc : « on va ghettoïser Lamartine. »

Car si les effectifs seront mieux répartis entre les deux collèges, cet afflux d’enfants provenant de familles aux revenus modestes, voire très modestes, à Lamartine va s’ajouter à ceux issus de l’école des Pruneliers, qui recrute sur le même quartier.

En bleu, le périmètre du quartier des Écrivains. Les trois écoles du quartier enverront leurs élèves au collège Lamartine (doc remis)

En REP, un maximum de 24 élèves par classe

Les enseignants du collège Leclerc voient surtout dans cette opération une manoeuvre pour réaliser des économies. Car actuellement, le collège Leclerc et le collège Lamartine sont classés parmi les établissements du réseau d’éducation prioritaire (REP), en raison d’une forte proportion d’élèves provenant de familles à bas revenus. Ce classement en REP donne plus de moyens aux collèges, notamment pour qu’ils puissent accueillir un maximum de 24 élèves par classe, contre 30 dans les collèges classiques. Les collèges REP bénéficient d’assistants d’éducation supplémentaires, d’un adjoint au principal, de plus d’heures de conseillers principaux d’éducation, etc. À cela s’ajoute une « dotation horaire globale » de 12 heures par semaine en dehors des cours, afin de permettre aux professeurs d’assurer un meilleur suivi des élèves.

En envoyant les enfants du quartier des Écrivains de Leclerc à Lamartine, le collège Leclerc pourrait perdre son précieux statut REP. Une enseignante du collège résume :

« À Lamartine, ils vont se retrouver avec 90% d’élèves boursiers… C’est une bombe à retardement. On sait très bien que sans mixité sociale, les élèves décrochent. Et les profs décrochent aussi en quelques années… ce qui aura des répercussions sur tout le quartier des Écrivains car le collège est un facteur important de stabilité, à condition qu’il puisse jouer son rôle ! Déjà chez nous, c’est très difficile de maintenir un niveau correct des études et une certaine tenue des classes. On ne pourrait pas y arriver sans les renforts du REP, on sait donc que ce sera intenable à Lamartine avec une proportion d’élèves en difficulté supérieure. »

Depuis mai, les enseignants du collègue Leclerc se mobilisent contre « la fin de la mixité » (doc remis)

Adieu les dotations horaires globales

Le premier changement mis en place par l’Académie de Strasbourg est la suppression des 12 heures de dotation horaire globale hebdomadaires des professeurs du collège Leclerc, dès la rentrée de septembre 2018. À la place est prévue la création d’un poste à temps complet de soutien aux élèves en difficulté, mais pour une durée d’un an seulement.

Une « hérésie » selon des enseignants pour qui la qualité de ce travail vient avant tout de la connaissance des difficultés que l’on a de l’élève. D’autant que les missions de ce nouveau poste doivent encore être rédigées par les professeurs eux-mêmes.

« Touche pas à mon REP »

Pour rassembler un maximum de parents, les professeurs du collège Leclerc ont créé le collectif « Touche pas à mon REP ». Outre la journée du 11 mai, ils ont mis en ligne une pétition, expliquant leur démarche et leurs inquiétudes. Conseiller départemental du canton de Schiltigheim et maire de Bischheim, Jean-Louis Hoerlé (LR) se défend de toute accusation de ghettoïsation :

« Il s’agit d’une logique facile à comprendre. Le collège Lamartine a été refait à neuf. Il peut accueillir une centaine d’élèves supplémentaires. Quant au collège Leclerc, il nécessite des travaux de réhabilitation. Sa capacité d’accueil a été dépassée. En plus il n’y a pas de cantine à Leclerc, les élèves quittent l’établissement pour déjeuner à Lamartine et revenir ensuite à Leclerc. »

Enseignant au collège Leclerc et membre du collectif « Touche pas à mon REP », Julien Helary précise :

« Il est vrai que notre capacité d’accueil est atteinte. Mais chaque élève a aujourd’hui une chaise et une table pour travailler. Concernant la cantine, cela concerne au maximum vingt élèves sur 546. Le trajet vers la cantine de Lamartine prend à peine dix minutes. »

Les professeurs du collège Leclerc prévoient de prochaines actions jusqu’en décembre au moins. L’objectif du collectif « Touche pas à mon REP » étant de « se battre jusqu’au bout pour garantir un suivi de qualité aux élèves les plus défavorisés du collège Leclerc. » Le Conseil départemental du Bas-Rhin et le rectorat de l’académie de Strasbourg n’ont pas souhaité répondre à nos questions sur ce dossier.


#Quartier des Écrivains

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