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À Hautepierre, les candidats rencontrent les habitants sans convaincre

Jeudi 20 février, les candidats aux élections municipales ont rencontré les habitants de Hautepierre. Le but : permettre aux citoyens d’exprimer leurs besoins, leurs envies, leurs idées. Reportage.

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Alors que la sono crache du rap américain, une odeur de barbecue envahit le parvis du centre-social et culturel Le Galet, à Hautepierre. Ce jeudi 20 février, il est presque 18 heures et un bonhomme imposant s’affaire derrière son grill : « On fait griller quelques guezmer (merguez), vous en voulez ? » Le petit point de vente de sandwiches et de boissons, mis en place par l’association du quartier ASSJ 67, crée un peu d’animation et attire les curieux, les plus jeunes notamment, avant la rencontre qui se tient ce soir-là entre les habitants de Hautepierre, et les candidats aux élections municipales.

L’ASSJ 67 a mobilisé les habitants et a animé le parvis du CSC avec un point vente
de boissons et sandwichs. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Un « world café » précisément, organisé par la fédération des centres socio-culturels strasbourgeois, l’association D-Clic et l’ASSJ 67. Intitulé « J’ai des choses à dire », le dispositif propose aux habitants d’exprimer leurs envies et leurs besoins directement face aux candidats. Depuis le 7 février, quatre rencontres de ce types ont déjà eu lieu à Koenigshoffen, à la Robertsau, à la Montagne-Verte et à l’Esplanade. Le principe : pendant quinze minutes, les candidats écoutent les habitants sur un thème tiré au sort. Si un candidat souhaite s’exprimer ou répondre, il dispose d’une minute puis change de table. Un modérateur de l’association D-Clic anime les débats à chaque table, contrôle le temps et retranscrit les propositions de habitants et celles des candidats. Le but : remettre au futur maire de Strasbourg toutes les idées sorties de ces rencontres.

Promesses politiques et murmures blasés

Les candidats des sept listes, ou leurs représentants arrivent. Guillaume Libsig (pour la liste Strasbourg Écologie & Citoyenne), Alain Fontanel (LREM), Serge Oehler, (l’élu PS du quartier, deuxième sur la liste de Catherine Trautman), Patrick Arbogast (Égalité active), Jean-Philippe Vetter (LR), Khadija Arratbi (Citoyens Engagés) et Kevin Loquais (Strasbourg en commun). La candidate RN Hombeline du Parc n’a pas été conviée, pour causes de « valeur incompatibles avec l’esprit de la soirée », explique Camille Timmerman, chargée de mission de D-Clic.

Devant les portes du centre-socio culturel, des riverains observent les prétendants au poste de maire. À Hautepierre, un habitant sur deux a moins de 25 ans. Le quartier de 17 000 habitants est aussi marqué par un fort taux d’abstention aux élections, qu’elles soient locales ou nationales. Ici, les promesses des politiques ne font plus rêver et des murmures blasés circulent : « De toute façon, les politiques, il n’y a que dans les moments d’élections qu’on les voit venir dans le quartier ».

Pendant plus de deux heures, au moins 200 personnes ont suivi les débats organisés
autour de cinq thèmes. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Emploi et logement : les principales préoccupations

18h30, le top départ de la soirée est lancé. Et pendant plus de deux heures, les habitants et les candidats vont échanger sur cinq thèmes : emploi, jeunesse, logement, sécurité, cadre de vie et environnement. Un sixième thème, intitulé « je rêve de », laisse libre cours à l’imagination.

À la première table, Patrick Arbogast (Égalité Active), chemise blanche et lunettes relevées sur la tête, se présente. Un thème est tiré au sort : « cadre de vie et environnement ». Un jeune homme dégaine très vite ses observations : « On des pistes cyclables à Hautepierre. Pourquoi on n’a pas droit à des stations de vélos comme au centre-ville ? ». « On manque d’arceaux pour accrocher les vélos aussi », rebondit une dame aux cheveux blancs. « Certains logements sont indignes, il faudrait un meilleur suivi des bailleurs sociaux », lance un jeune quadra dont les parents vivent à Hautepierre. « Pourquoi ne pas impliquer les jeunes d’ici dans les travaux de rénovation urbaine ? Ça leur ferait du travail », interroge le jeune homme du début. Patrick Arbogast, chef d’entreprise bien connu au Neuhof (dont il sponsorise le club de Futsal) hoche la tête et prend des notes dans un carnet noir. Adrien, le modérateur recentre le débat autour de l’environnement et de l’écologie mais les préoccupations de logement et d’emploi, dans un quartier où le taux de chômage avoisine les 40%, sont trop fortes.

Jean-Philippe Vetter (LR) a discuté des conditions d’attribution des logements avec une dizaine de riverains. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Au bout de quinze minutes, le candidat de la droite Jean-Philippe Vetter prend sa place. Le thème : le logement. Une aubaine pour le conseiller municipal d’opposition de 39 ans qui en profite pour taper sur Ophea (ex Cus-Habitat), le principal bailleur social du quartier, présidé par Philippe Bies (adjoint au maire sortant, socialiste). « Vous trouvez qu’il y a une transparence dans l’attribution des logements vous ? », lance Jean-Philippe Vetter. Il poursuit : « Ce sont les réseaux, le fait de connaître un tel ou un tel qui vont vous permettre d’avoir un logement plus vite ». Les habitants parlent d’une rénovation urbaine de façade, qui n’a pas réglé les problèmes de chauffage, d’isolation ou de canalisations. Dans les quartiers, ouest, Jean-Philippe Vetter sait que la droite a une carte à jouer. « Si vous m’élisez, je choisirais moi-même le président d’Ophéa », lance solennellement le candidat LR. « Entre ce vous dites et la réalité… », lui rétorque un trentenaire qui fait un geste d’écart entre ses mains.

La regrettée police de proximité

Avec près de 200 personnes, c’est dans une salle pleine et une ambiance bruyante qu’à la table du candidat Kevin Loquais (Strasbourg en Commun), on parle sécurité. Une habitante du centre-ville raconte qu’elle a perdu sa fille dans un accident de la route et se dit préoccupée par le non-respect des automobilistes pour les piétons ainsi que par les rodéos de voitures et de scooters qu’elle voit dans les rubriques faits-divers.

Kevin Loquais (Strasbourg en Commun) fait partie des candidats qui ont pris des notes lors des tours de table. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Le candidat de 29 ans lui répond par un des points de son programme : « harmoniser les déplacements piétons et cyclistes » et rappelle le rôle de la police. « Mais elle est répressive ! », réplique un jeune homme qui regrette l’époque de la police de proximité, supprimée en 2003. Un homme pointe les vendeurs à la sauvette du marché de Hautepierre : « Ils bloquent les accès, vendent des contrefaçons. On appelle la police municipale, mais ils ne viennent pas ! ». Il donne à Kevin Loquais une charte établie par les vendeurs du marché à destination de tous les candidats.

Le besoin d’une salle d’accueil pour les 18-30 ans dans le quartier

Lorsque Guillaume Libsig, de la liste écologiste et citoyenne, s’assoit à la table, le thème « Je rêve de » est tiré au sort. À quoi rêvent-ils, les habitants ? Ils listent une ville moins polluée, plus d’espaces pour les enfants et les personnes âgées et davantage de petits commerces du quartier. « Les petites épiceries créaient du lien social », regrettent certains d’entre eux. Majid, de l’ASSJ 67, explique le projet de son association : ouvrir une salle à Hautepierre permettant de capter un public de 18-30 ans, qui ne se sent pas forcément concerné ou à l’aise dans les centre-sociaux culturels. « Dans notre programme, nous avons une vraie réflexion pour mettre en place un équipement global qui fasse du lien social », lui répond Guillaume Libsig.

Guillaume Libsig (Strasbourg Écologie et Citoyenne) a échangé sur le thème « Je rêve de ».
(Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Petite tension lorsque Zaza Menad remplace Alain Fontanel (LREM), qui s’est éclipsé au cours de la soirée. « Je trouve ça irrespectueux de ne pas rester jusqu’au bout », lance une dame. « Ce n’est pas honnête », ajoute un homme à la tête rasée. Le thème : jeunesse et éducation. Les habitants évoquent les orientations scolaires ratées de certains élèves, et le besoin de repères pour d’autres : « il faudrait une sorte de grand frère ou grande soeur qui les guident dans le chemin vers l’emploi. « On a des talents ici », répond Zaza Menad, qui a habité quinze ans à la maille Catherine. Elle évoque les problèmes de confiance en soi chez les jeunes. « Je suis sorti du collège sans diplôme », objecte l’homme au crâne rasé. « Ce n’est pas le talent qui compte, c’est la niaque ».

Au centre de chaque tables, un petit pot en fer contenant des lamelles de papier tirées au sort. (Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Jeunesse et frustration

Dernier tour de piste pour les candidats : trois minutes où chacun résume devant tout le monde ses observations et ses propositions. Serge Oehler ouvre le bal pour la liste socialiste, en mettant l’accent sur la gratuité des transports pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans, la jeunesse et le sport et la suppressions des contrats aidés.

Patrick Arbogast promet une baisse « considérable » du chômage, Jean-Philippe Vetter recycle un thème cher à la droite en évoquant non pas la sécurité, mais « l’insécurité ».

Intégrés en dernière minute à la soirée, les candidats dont les listes se sont clôturées plus tardivement (Pascale Hirn pour l’UPR et Clément Soubise pour la liste soutenue par le NPA) n’ont pas participé aux tables rondes mais ont également eu droit aux trois minutes.

Bras croisés sur sa chaise, Anouar Yerima, 20 ans, regarde défiler les candidats. Pour lui, la jeunesse est la seule absente du débat. Le jeune homme qui a fondé il y a six mois une association citoyenne, Feryel, s’interroge : « Que proposent les services publics à cette jeunesse qui entre dans la vie citoyenne et qui doit faire face à de nombreux enjeux, notamment l’enjeu climatique ? ».

Anouar (de dos), regarde le défilé des candidats. Ici, Patrick Arbogast (Égalité Active).
(Photo : OG / Rue89 Strasbourg)

Une fois, le défilé des candidats terminé, Majid de l’association ASSJ 67, prend la parole. Coiffé de son bonnet rouge, il lance aux candidats : « On aimerait pas vous voir que tous les six ans, au moment des élections ! ». Dans la salle, des gens sourient et font oui de la tête.

21 heures. Dehors, le petit point de vente de boissons et merguez a remballé son barbecue. Chacun repart en espérant avoir été écouté entendu. Anouar, lui repart frustré et ne sait pas encore pour qui voter.


#élections municipales 2020

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