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25 choses que vous ignoriez sur le Centre européen de la consommation

Le Centre européen de la consommation souffle ce lundi 10 septembre ses 25 bougies. À cette occasion, il organise aujourd’hui sa soirée d’anniversaire au Parlement européen. Mais ce centre, késako ? Beaucoup ignorent tout de l’existence de cet organisme franco-allemand qui peut pourtant se révéler très utile dans la vie quotidienne des Européens.

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1) Qu’il existe (et ce, depuis 1993) !

En 1993 a été créée l’association « Centre européen de la consommation », spécialisée dans les litiges transfrontaliers pour la région. Cette association propose des consultations juridiques. Des avocats et notaires franco-allemands y travaillent, par exemple pour aiguiller les Français et les Allemands qui ont un projet immobilier de l’autre côté du Rhin. En 2005, cette association a été choisie par Berlin et Paris pour accueillir les Centres européens des consommateurs (CEC) France et Allemagne, qui sont spécialisés dans les litiges à l’échelle européenne. Ainsi, le CEC France et son pendant allemand, « das europäisches Verbraucherzentrum », partagent aujourd’hui les mêmes locaux, les mêmes équipes, les mêmes prérogatives et la même envie d’épauler les consommateurs européens dans toutes leurs démarches. Et une croyance y prévaut : « Avec des droits, c’est bien, les connaître, c’est mieux ! »

2) Qu’il est basé à Kehl

À deux pas du jardin des Deux-Rives, mais déjà du côté allemand du Rhin, le Centre européen de la consommation est situé sur la place de la gare (Bahnhofsplatz 3) et donc accessible en tram depuis Strasbourg (ligne D, arrêt Kehl bahnhof).

3) Qu’il n’est pas tout seul

Chaque État membre de l’Union européenne (28 pays, donc, mais bientôt plus que 27 à cause du Brexit), ainsi que la Norvège et l’Islande, compte un Centre européen des consommateurs. Au total, il y a en a donc 30, même si le CEC France et le CEC Allemagne sont regroupés. En 2005, le réseau ECC-Net (European Consumer Centre-Network) a été créé par la Commission européenne pour permettre à toutes les structures pré-existantes de travailler en bonne intelligence, encore plus qu’auparavant.

Le Centre européen des consommateurs à Kehl aide les Français et les Allemands à faire en sorte que leurs droits soient bien respectés, notamment quand ils achètent en ligne. (Photo CEC / DR)

4) Qu’il peut se révéler franchement utile

Le Centre européen de la consommation (CEC) ambitionne d’informer et de conseiller chaque consommateur quant à ses droits en Europe, ainsi que lui apporter l’assistance juridique nécessaire en cas de litige qui l’opposerait à un professionnel établi dans un autre pays membre de l’UE, en Norvège ou en Islande. La commissaire européenne Vera Jourova, commissaire européenne à la Justice, aux consommateurs et à l’égalité des genres, précise :

« Au cours des 25 dernières années, les Centres européens des consommateurs ont travaillé sans relâche pour permettre aux consommateurs de bénéficier de la protection qu’ils méritent. Sur le marché européen, ils ont aidé à construire la confiance des consommateurs au delà de leurs frontières nationales. De son côté, la Commission européenne s’attelle à augmenter encore ce niveau de confiance, notamment avec sa proposition de « New deal » pour les consommateurs, qui leur donnera encore plus d’outils de recours, individuellement ou collectivement, et permettra de faciliter l’obtention de compensations. »

La Commissaire européenne Vera Jourova, ici au Parlement européen à Strasbourg, est depuis toujours convaincue par l’action des Centres européens des consommateurs en Europe. (Photo Genevieve Engel / EP)

5) Qu’il a le même âge que le marché unique

… Ce bon vieux marché unique, tel que façonné par le traité de Maastricht entré en vigueur en 1993, celui-là même qui, petit à petit, a dévoilé toujours plus d’avantages, comme les deux ans de garantie légale de conformité en cas d’achat d’un produit défectueux ou un délai de rétractation de 14 jours, partout en Europe, pour revenir sur un achat si le produit ne convient pas. Le genre de petits « plus » toujours appréciables.

6) Que face à lui, Ryanair ou easyJet ne font pas le poids

Vol annulé à la dernière minute ? Ne restez pas les bras croisés ! Si les e-mails ou lettres de réclamation directement adressés par les voyageurs restent parfois sans réponse, face à un CEC, une compagnie peut difficilement faire le mort. Concrètement, si un consommateur français contacte le CEC France pour une annulation de vol easyJet, les juristes de Kehl transmettent le dossier à leurs homologues outre-Manche, qui communiquent directement avec la compagnie. Ensuite, le dossier revient au CEC France et est traduit. « Cela peut aller assez vite », expose Elphège Tignel, responsable de communication, avant d’ajouter : « En fait, tout dépend de la réponse du professionnel ». Visiblement, les contacts avec easyJet sont relativement bons ; avec Ryanair un peu moins. Au CEC France, on l’avoue volontiers :

« En Europe, Ryanair ne fait franchement pas office de bon élève. Cette compagnie est perpétuellement dans la provocation… Mais les règles sont aussi valables pour elle. »

7) Qu’il milite pour un droit des passagers aériens tout nouveau, tout beau

À en croire le CEC France, il n’y a pas que dans les terminaux d’aéroport avec Booba dans les parages que règne la pagaille. Dans les textes européens qui encadrent le droit des passagers aériens, c’est pareil. En la matière, un règlement existe depuis 2004. Beaucoup appellent à sa révision depuis bientôt quatre ans, mais la réforme patine. « Il devient urgent de mettre certains éléments noir sur blanc, comme la taille des bagages en cabine, les montants d’indemnisation en cas de retard, » insiste Elphège Tignel, animée par la volonté de « simplifier la vie des gens. » Les règles en vigueur actuellement découlent le plus souvent d’arrêts de la Cour de justice de l’UE, mais plutôt que d’avoir à s’appuyer sur la jurisprudence européenne, les membres du CEC France aimeraient pouvoir compter sur des textes législatifs à part entière.

8) Qu’internet n’a pas de secret pour lui

L’autre gros secteur d’intervention du CEC France, à côté du droit aérien, est celui du commerce électronique. Depuis le second trimestre 2018, l’organisme a constaté une explosion de plaintes liées à des meubles dits « design » achetés en ligne. Elphège Tignel raconte :

« Il y a pas mal de fraudeurs qui se sont mis sur ce créneau, avec des promotions d’enfer, sur des meubles qui ne sont finalement que des fausses copies venues de Chine de pièces originales, jamais conformes aux standards en vigueur, et souvent franchement affreuses. »

Le plus fréquemment, pour la livraison, un délai de 12 semaines est annoncé, qui s’allonge, s’allonge et s’allonge encore. Si le consommateur veut faire machine arrière, l’entreprise lui demande alors de s’acquitter de 150 euros. Et Elphège Tignel de résumer : « Au niveau du droit de la consommation, c’est n’importe quoi ! » Mais comme tous ses homologues en Europe, le CEC France n’intervient qu’à l’amiable, et dans les cas de fraude avérées, il ne peut que rediriger les consommateurs malheureux vers la justice pour engager une procédure.

9) Qu’il a une dent contre la contrefaçon

Au volet de la lutte contre la contrefaçon, le CEC France joue un rôle de prévention important. Plus généralement, tous les types de fraudes sont dans le viseur de l’organisation. Parmi les plus fréquentes : les abonnements cachés ou les offres de smartphones à un euro qui ouvrent la voie à des prélèvements automatiques tous les mois, évidemment non désirés. Depuis bientôt deux ans, Sarah Abitbol est l’une des juristes du CEC France. Elle regrette :

« Nous avons eu des milliards de dossiers d’abonnements cachés… C’est fou le nombre de gens qui vont donner leurs coordonnées bancaires sur des sites d’arnaques… »

10) Que ses employés sont des champions hors catégorie du droit

Le Centre européen de la consommation, à Kehl, c’est 45 personnes au total, dont une vingtaine de juristes du côté allemand, et huit pour la France. Bardés de diplômes, ils maîtrisent le droit hexagonal, allemand et européen. Ils ne confondent pas un règlement européen et une directive européenne, savent que les conclusions d’un avocat général de la Cour de justice de l’UE ne sont pas forcément « suivies » quand l’arrêt est rendu, n’ont pas peur de plancher des heures durant sur des amendements de compromis mis sur la table par les eurodéputés…

11) … et des langues

La juriste Sarah Abitbol, 31 ans, parisienne devenue strasbourgeoise, témoigne :

« Je crois que plus que ma connaissance des textes juridiques, ce qui impressionne mes proches, ce sont les langues. J’en parle trois couramment, car j’ai grandi aux États-Unis et ai habité en Allemagne. Connaître le vocabulaire courant et, en plus, le vocabulaire juridique, ça peut impressionner ! Même si un de mes collègues parle six langues ! »

Ce dernier connaît en effet le français, l’italien, le grec, le néerlandais, l’espagnol et l’allemand. Être à l’aise dans cette dernière langue est impératif pour travailler dans l’équipe.

Le CEC à Kehl compte 45 personnes au total, dont une trentaine de juristes. (Photo CEC / DR)

12) Que ses services sont totalement gratuits

Au lieu de recourir à un avocat et de payer des frais d’honoraires qui peuvent vite se compter en centaines d’euros, se tourner vers le CEC France (pour les Français) est une option à envisager en cas de pépin.

13) Qu’il a déjà aidé bon nombre de personnes

En 2017, ce sont pas moins de 4 600 plaintes qui ont été traitées par le CEC France (5 000 environ pour le CEC Allemagne). Les demandes d’informations occupent aussi largement leurs équipes. La même année, ce sont pas moins de 100 000 contacts qui ont été noués avec le CEC France, par des individus à la recherche de conseils divers.

Les CEC France et Allemagne traitent environ 10000 plaintes par an. Ici, une consultation avec juriste. (Photo CEC / DR)

14) Que le CEC France est un tantinet jaloux du CEC Allemagne…

Les subventions nationales allouées au CEC France ont atteint 195 300 euros en 2018. Le CEC Allemagne bénéficie de plus du double, soit 657 000€ en 2018. A cela s’ajoute, pour chacun, un financement européen (à la même hauteur que le budget national). Sans surprise, le CEC France a parfois du mal à faire le poids face au CEC Allemagne, ne serait-ce que parce que son effectif est de facto réduit. Et Elphège Tignel de constater :

« L’Allemagne donne beaucoup plus d’importance à la consommation que la France. Pour eux, c’est une partie très importante de l’économie, et nous, on le ressent vraiment. »

15) … et qu’il se sent parfois un brin boudé par Paris

La solution, selon le CEC France ? Que le ministère de l’Economie, et plus précisément sa Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), se montre un peu plus généreuse. Mais Alexandre Chevallier, directeur de cabinet adjoint de la DGCCRF, se défend :

« Les montants attribués au CEC France par la DGCCRF ne sont pas comparables car les systèmes de financements allemand et français sont différents. En Allemagne, le mouvement consumériste est très organisé alors qu’il existe en France une autorité de protection des consommateurs qu’est la DGCCRF qui n’existe pas, sous la même forme, en Allemagne. Dans les crédits alloués par les projets de loi de finances, année après année, il nous a fallu faire face à des baisses de crédits. Mais le CEC France en a été relativement été préservé. »

16) Qu’il manque un peu de visibilité

Elphège Tignel explique :

« Beaucoup de consommateurs s’adressent à nous parce qu’ils ont entendu parler du CEC France sur des forums. La première chose qu’ils nous disent, c’est qu’ils ne savaient pas qu’on existait ! Pourtant, ce n’est pas faute de mettre en avant nos activités ! »

Mais cinq juristes pour 66 millions de consommateurs, c’est peu. « Si on devient plus connu, il faudra aussi que les moyens suivent derrière », poursuit la responsable de communication. Le CEC France n’a pas vu son équipe s’élargir depuis douze ans. Par contre, le nombre de plaintes, lui, gonfle de 20% chaque année, pas moins.

17) Que son président n’a pas été choisi au hasard

Trois eurodéputés, Alain Lamassoure, Andreas Schwab et Evelyne Gebhardt, ont siégé à ce poste clef. Depuis juillet, c’est au tour de Vincent Thiébaut, député du Bas-Rhin, d’occuper ce rôle. Au sein du CEC France, beaucoup espèrent que l’engagement de l’homme politique en faveur des problématiques transfrontalières pourra permettre à la branche française de rattraper son retard par rapport au CEC Allemagne.

18) Que parfois, les plaintes qui lui sont adressées lui donnent du fil à retordre

La juriste Sarah Abitbol explique que parmi les affaires les plus ubuesques et les moins faciles à gérer se trouvent souvent celles qui concernent les animaux. Cette avocate de formation raconte :

« Récemment, je m’occupais du dossier d’un consommateur qui voulait se faire rembourser… un chat ! Selon le droit français, un chat est un bien. Mais au Portugal, où ce chat avait été acheté, cela n’est pas le cas. Dès qu’il est question d’animaux, c’est tout de suite du ressort du pénal. Donc il a fallu parlementer longtemps avec nos homologues pour savoir comment procéder. »

Sarah Abitbol est juriste au CEC depuis bientôt deux ans. (Photo CEC / DR)

19) Qu’il a sa propre appli

L’application « ECC-Net: Travel » est disponible sur iPhone et Android, et en 24 langues. Avant ou pendant un voyage, il peut être bon d’y jeter un oeil, car elle compile les démarches à effectuer si les bagages sont perdus, le vol retardé ou que la chambre avec vue sur mer réservée en ligne donne finalement sur un bloc de béton. L’application fonctionne dans les 28 pays de l’UE.

20) Qu’il n’est pas seul à prendre soin de vous

Pour protéger les consommateurs, les CEC dans toute l’Europe ne sont pas les seuls boucliers mis en place par l’Union européenne. En 2004, elle a aussi instauré un réseau, dont le nom conviendrait parfaitement à un dinosaure : Rapex. Il n’empêche, c’est bien ce système d’alerte rapide pour les produits dangereux (produits alimentaires exclus) qui a permis, en 2016, de faire retirer en vitesse les téléphones Samsung Galaxy Note 7 qui avaient une fâcheuse tendance à exploser en raison d’un défaut de conception de leur batterie.

21) Que travailler dans un réseau prend parfois des airs de casse-tête

Si faire partie d’un vaste réseau est le plus souvent une force, parfois, travailler avec une trentaine d’autres équipes n’est pas chose aisée, surtout quand il s’agit de s’intéresser à des points de détail des législations, qui peuvent, pour une raison ou une autre, se révéler très importants pour les consommateurs. « On ne vit pas en Autriche, on ne peut pas savoir si d’un jour à l’autre, les pneus neige sont interdits ! Et nos collègues à Vienne ne vont pas forcément penser à nous donner l’info », illustre Elphège Tignel, qui souligne toutefois que « travailler en multilingue, en multi-cultures est plutôt riche ».

22) Qu’il est souvent de bon conseil

Jeux en ligne, revente ou rachat de billets de concert, de pièces de théâtre, de matchs : voilà autant de domaines dans lesquels les textes en vigueur semblent toujours un peu troubles. Pour ne pas avoir à s’inquiéter d’être ou non dans la légalité, voire pour éviter de tomber dans un piège (faux tickets de train, arnaques en ligne, etc.), chercher conseil auprès du CEC France n’est certainement pas une mauvaise idée.

Le budget du CEC est décidé par le ministère de l’Economie, et plus précisément sa Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). (Photo CEC / DR)

23) Que les problématiques franco-allemandes l’occupent beaucoup

Problèmes de garage en Allemagne, questions autour de l’immatriculation d’un véhicule ou interrogations concernant l’achat d’un bien immobilier de l’autre côté de la frontière, signature d’un acte de vente sur l’autre rive du Rhin, incertitudes quant aux remboursements des soins de santé, ce sont le plus souvent de « soucis de la vie quotidienne » dont font part les Européens au Centre européen de la consommation. « Les différences de culture sont notoires entre la France et l’Allemagne, jusque dans la manière de consommer », ne cache pas Elphège Tignel, qui sourit :

« Les Allemands seront beaucoup plus dans la recherche d’informations préalables, alors que les Français viennent nous voir ensuite, une fois qu’ils sont dans la panade après avoir acheté je-ne-sais-quoi ! »

24) … et que celles-ci réservent parfois des surprises de taille

Sarah Abitbol, juriste au CEC France, sait depuis qu’elle est arrivée dans l’organisation qu’entre l’Hexagone et l’Allemagne, le droit applicable peut varier du tout au tout. Elle donne un exemple très parlant :

« Un truc très courant touche aux réservations de séjours par des consommateurs français sur des sites allemands, au motif que ces voyages seraient moins chers. Une fois sur le site, ils font une simulation… puis reçoivent une facture. Ils ne comprennent pas, ils disent qu’ils n’ont rien payé, n’ont pas donné leurs coordonnées bancaires. Or outre-Rhin, cliquer sur “accepter” sur un site est contraignant. Il faut le savoir. »

25) Qu’il se visite

Pour les groupes, des visites du Centre sont organisées régulièrement, avec un petit topo sur le droit des consommateurs à la clef. Ce sont notamment des lycéens et des étudiants qui en profitent. Du mardi au jeudi inclus, les consommateurs peuvent aussi se rendre directement à Kehl, pas vraiment pour « visiter » les lieux, mais pour échanger directement avec un juriste, si besoin.


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