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2015-2016, le passage

À l’aube de 2016, Doc Arnica revient sur le silence qui a suivi les attentats dans son cabinet de médecin. Et s’accroche à l’espoir pour s’engager dans la nouvelle année.

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Photo : Chloé Chevalier / Flickr / cc

2016, 1er jour de l’année. 2015 année terrible.

14 novembre 2015, travail dans un quasi automatisme

J’ai passé la nuit, comme beaucoup, scotchée voire collée à mon écran de télé à ressasser les images et les commentaires des attentats. La sensation de froid et de vide au cœur. La sensation d’être totalement inutile, assise sur mon canapé, les bras ballants.

La journée du 13 devait être une journée de grève pour les médecins. Un truc assez important. Je faisais grève pour la 2ème fois de ma vie. Balayée bien sûr cette grève devant la gravité des attentats.

Retour à la routine ce matin du 14. Je suis prête à affronter le premier patient qui me parlera des arabes comme de terroristes en puissance, prête à le remballer direct. Et puis les patients défilent, pas un mot, pas une allusion aux attentats. Pas de blague, pas de confidence, aucun propos raciste. La consultation est irréelle, inhabituelle.

Pourtant, j’aime bien les samedis d’habitude

On est samedi, je suis seule sans interne. Les samedis, pourtant, je les aime bien d’habitude. Les patients sont plus cool, ils ont pris rendez-vous et viennent en début de weekend sans stress. Et ce jour-là, tout est dans le non-dit. Personne ne s’attarde à parler de ses « petits » problèmes. Personne.

Je travaille dans un quasi automatisme, mais tout me pèse, tout.

Après le quinzième  patient, c’est moi qui craque et romps la routine de ces consultations quasi impersonnelles. Je n’en puis plus de toute cette chape de plomb et enfin à la fin de cette consultation avec un patient que je connais depuis dix ans : « c’était terrible hein ? » Rien d’autre, et l’homme me répond : « oui… Terrible… vraiment » et puis plus rien.

Trois mots qui me font entrer à nouveau dans la réalité, redescendre sur terre.

J’ai peu parlé de ces attentats depuis, les mots ne sont pas venus, le silence à la place. Je n’ai pas écrit une ligne non plus.

Le sentiment terrible de totale impuissance m’a été vraiment pénible et puis j’ai décidé de m’engager dans la réserve sanitaire. Je ne sais pas si je vais servir à quoi que ce soit, mais je n’ai rien trouvé de mieux à faire. Parler me semble vain, en débattre aussi.

23 décembre 2015, moi l’optimiste invétérée…

Dernier jour de travail de l’année 2015, mes patients me semblent toujours découragés et passifs, voire résignés à attendre la prochaine frappe des terroristes. Ils disent juste d’un air triste : « ça va continuer …. »  Et moi l’optimiste invétérée, je ne sais que leur répondre : « sûrement oui » .

Demain le réveillon…

31 décembre 2015, leçon d’humanité

Ce matin grâce @Vivet_Lili sur Twitter, je regarde le reportage sur la dame du 6. Une leçon magistrale d’humanité. Cette très vieille femme m’a irradiée.

1er janvier 2016

Décider, oui décider qu’ils ne nous prendront pas notre âme. La morosité ne vaincra pas.

2016

Que la force soit avec vous.

 


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