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1er-Mai : un cortège festif pour rendre les luttes plus inclusives

1 500 personnes ont décidé de ne pas suivre le cortège intersyndical du mercredi 1er mai. Le collectif Retour de Flamme souhaitait proposer une manifestation plus joyeuse et dans le centre-ville.

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Un cortège festif et jeune en moyenne s’est séparé de celui de l’intersyndicale ce 1er mai à Strasbourg.

Un mur de son crache devant de jeunes teufeurs, avenue de la Forêt-Noire. Scène peu habituelle pour ce quartier cossu de Strasbourg. Les riverains regardent depuis leurs balcons fleuris, l’air parfois amusés, parfois perplexes. Autour de 3 000 personnes se sont mobilisées pour participer à la manifestation du 1er-Mai, journée internationale des travailleurs et des travailleuses.

Le cortège est scindé en deux parties bien distinctes. Ambiance syndicale et traditionnelle devant, avec la FSU, l’Unsa, Solidaires, AES / FSE, FO, la CGT et la CFDT. Derrière, des militants, souvent plus jeunes, répondent à l’appel du collectif Retour de Flamme, créé pour l’occasion. Le groupe a déclaré un parcours alternatif, qui longe les quais. « On voulait être visibles et aller dans le centre-ville pour toucher plus de monde, donc on va bifurquer », explique simplement Léo :

« Il y a une volonté d’autogestion, de ne pas suivre des décisions prises par une intersyndicale si on n’est pas d’accord. C’est important pour nous d’organiser nos luttes. »

Léo souhaitait défiler dans le centre-ville.Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc

De son côté, l’intersyndicale se dirige vers le parc frontalier du Jardin des Deux-Rives, afin d’y rencontrer des homologues allemands. « Le droit des travailleurs est universel. Il faut construire des liens internationaux, notamment avant les élections européennes et dans ce contexte de montée de l’extrême droite », clame Mohamed Sylla, secrétaire général de l’Unsa 67.

Chloé, membre du même syndicat, gilet bleu sur le dos, assure que cette séparation des cortèges n’est pas un problème : « C’est leur volonté, ce n’est pas grave en soi que deux processions se forment au bout d’un moment. »

Une moitié choisit le cortège festif

Une interprétation confirmée par Lucille, du collectif Retour de Flamme. « On n’est pas contre les syndicats qui sont très importants dans les entreprises par exemple, ce n’est pas une opposition frontale. Mais je ne suis pas toujours d’accord avec leur stratégie, et je pense que c’est important qu’on ne soit pas obligés d’être encartés pour être écoutés », estime t-elle, un bonnet phrygien sur la tête.

Moult déguisements, pour ce carnaval engagé.Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc

Rue de l’Observatoire, des écolos, des associations, des étudiants, des Gilets jaunes, des militants propalestiniens, soit environ la moitié des près de 3 000 manifestants se laissent entrainer par les sonorités et les couleurs du cortège de Retour de Flamme.

Six chars carnavalesques dénonçant les Jeux olympiques ont été fabriqués les jours précédents. L’un d’entre eux intègre une effigie de Gérald Darmanin, siglée « pas de migrants, pas de pauvres », en référence aux déménagements forcés de demandeurs d’asile et d’étudiants pour faire de la place aux futurs spectateurs des JO.

Des activistes ont bricolé plusieurs chars. Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc

Emmanuel Macron est aussi représenté, entouré de policiers dans une péniche Batorama sur une Seine pleine de déchets. « Pas d’retraites, pas de JO ! », lancent des militants. Selon Léo, l’opposition aux Jeux olympiques pourrait devenir un motif de mobilisation majeur ces prochains mois, d’où la nécessité d’avoir des revendications sur ce sujet d’actualité.

Clarisse, salariée d’une association, a suivi ce défilé comme la plupart des personnes non adhérentes à un syndicat. Elle pense que ces derniers fédèrent un autre public :

« On se complète. J’ai tendance à croire qu’il faut avoir un côté sympa pour attirer du monde, et arrêter de demander une sorte de pureté militante qui nous rend élitistes, donc j’aime beaucoup ce côté festif. »

En traversant la foule, difficile de ne pas trouver une ambiance à son goût. Sam et Sacha tapent du pied au rythme des basses. La vingtaine, look de teufeuses, elles revendiquent de ne pas se prendre trop au sérieux et d’être accueillantes : « Avec la musique, on attire des gens qui ne sont pas politisés, on s’ouvre à plus de monde. »

Quand les travailleurs sont aussi des teufeurs

Dan souligne que la rave mobile compte « divers profils dont des ouvriers », qui trouvent ici « une manière de manifester qui leur plait ». Il tient à rappeler que ce jour de mobilisation est aussi l’occasion de se rassembler contre la répression des free-parties, comme la manifestation avait été annulée quelques semaines plus tôt à cause de restrictions imposées par la préfecture.

Dan milite aussi contre la répression des free-parties.Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc

Plus loin, dans un autre registre, une fanfare fait danser plusieurs dizaines de personnes au son de la désormais célèbre chanson À bas l’État policier. Des chorales enchainent leurs partitions, encouragées par les applaudissements des autres participants. Revenus sur les quais par le boulevard de la victoire, les manifestants scandent « Siamo tutti antifascisti », nous sommes tous antifascistes en italien.

Tom, par ailleurs activiste d’Alternatiba, analyse l’importance de la création de coordinations hors des syndicats. « Pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, on savait dès le départ que manifester ne suffirait pas et qu’il fallait organiser plus de blocages. Donc on doit savoir agir indépendamment et revendiquer une certaine autodétermination », expose t-il.

De multiples fumigènes et feux d’artifices sont allumés sous un soleil de plus en plus chaud à l’approche de midi. Nurcan, membre d’une association kurde et turque, est ravie « de manifester avec la jeunesse, dans une bonne énergie » : « Ils sont vraiment contre le capitalisme et le fascisme, et on veut aussi insister là-dessus. »

Arrivés place Henri-Dunant près de la Petite France, les manifestants se dispersent rapidement, sans doute en partie attirés par le repas préparé au Molodoï, où un après-midi d’animations et de concerts les attend. « C’est dans ce genre de moments, en dehors des mouvements sociaux, qu’on doit se rencontrer, pour mieux se coordonner ensuite », se réjouit Tom.


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