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1 000 logements Airbnb à Strasbourg, parfois bien loin du bon plan entre particuliers

Louer son appartement, c’est tendance. À Strasbourg, plus de 1 000 logements sont proposés sur le site de location entre particuliers Airbnb. Mais des professionnels ont adopté ce service pour proposer leurs services aux touristes. La plateforme inquiète les hôteliers et pourrait faire grimper les prix du marché locatif.

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[Lire la carte: en vert: de 0 à 50€; en orange: de 50 à 100€; en rouge: 100€ et plus]

Une courte description, une photo de son logement et le tour est joué. Il ne reste plus qu’à attendre une demande de réservation. Les particuliers sont toujours plus nombreux à succomber aux charmes et à l’efficacité d’Airbnb. Le site de location entre particuliers leur permet d’accueillir un voyageur chez eux le temps d’une nuit ou plus. L’internaute, à la recherche d’un lieu où crécher, a l’embarras du choix sur Airbnb. Plus de 1 000 logements sont proposés à Strasbourg et alentours. Une offre qui ne cesse de s’étoffer avec des prix allant de 10 à 500 euros la nuit. Cela va du canapé chez l’habitant jusqu’au loft luxueux en passant par la « péniche cosy ».

Selon les données que nous avons recueillies (voir la carte ci-dessus), les annonces sont logiquement concentrées dans le centre de Strasbourg, 86% d’entre elles sont des appartements. Certains utilisateurs y voient un moyen d’arrondir leurs fins de mois comme le raconte Nicolas (tous les prénoms ont été changés), un utilisateur régulier et habitant du Neudorf. Sur Airbnb, Nicolas a posté trois annonces sur son profil qui correspondent toutes au logement dont il est le propriétaire.

27€ la nuit sur le canapé

Le voyageur peut s’offrir son canapé pour 27€ la nuit, sa chambre pour 35€ ou l’appartement complet de 55 m² pour 50€. Petit plus, Nicolas fournit draps et serviettes à ces invités. Les « hôtes » sont nombreux à multiplier les annonces afin d’être plus visibles sur le site et augmenter leurs chances d’accueillir une personne pendant quelques jours. Irène, elle, a posté pas moins de cinq annonces pour son appartement situé à quelques pas du quartier de la Petite France. Elle propose à chaque fois l’une des chambres de sa demeure.

Les hôtes bénéficient des atouts touristiques de la capitale alsacienne et de l’activité du Parlement et des instances européennes. Strasbourg attire chaque année touristes et professionnels en masse. Pour accueillir ces visiteurs temporaires, la CUS comptait près de 12 000 emplois dans le secteur du tourisme en 2009 selon l’Insee. Un important marché principalement détenu par la soixantaine d’hôtels que compte Strasbourg et les diverses chambres d’hôtes. Mais Airbnb bouscule l’univers bien établi de l’hébergement temporaire. La start-up, née en 2008 à San Francisco aux États-Unis, développe son business sur Internet avec à son compteur pas moins de 800 000 logements à travers le monde dont 70 000 en France.

À Strasbourg, le logement le plus cher est proposé à 500€ la nuit. Il s’agit d’un vaste loft situé au pied de la cathédrale.

Le site d’hébergement collaboratif est fondé sur le principe de l’économie du partage. Ses créateurs souhaitaient, au départ, mettre en contact des personnes qui voulaient louer leur logement durant leurs vacances. Sauf que la pratique a dépassé la belle idée, entraînant des abus qui posent plusieurs problèmes, à la frontière entre la fraude, la concurrence déloyale et l’activité dissimulée. Un utilisateur parisien a été condamné le 13 février 2014 pour avoir sous-loué son appartement sans l’accord de son propriétaire. Dans certaines grandes capitales, des propriétaires d’immeubles les ont intégralement mis à la disposition des touristes via Airbnb. Le site interdit pourtant les annonces « à but commercial ».

1 800 euros par mois et par logement

Sur Airbnb, on ne trouve pas que des annonces de particuliers en manque de compagnie (et d’un peu de sous). Certains utilisateurs profitent de la notoriété du site Internet pour faire tourner leur petite entreprise. À son échelle, Anne-France a fait de la location de studios son activité principale. Elle a créé des annonces sur Airbnb pour deux de ses trois studios. Elle indique clairement sur son profil que la gestion de logements fait partie de son « travail »:

« J’ai les mêmes annonces sur le site de l’office de tourisme de Strasbourg et j’ai le label Clévacances mais la visibilité des annonces est très faible sur ces sites. Quand j’ai commencé mon activité en 2011, je n’ai eu aucune réservation pendant les trois premiers mois. Ça a vraiment décollé avec mon inscription sur Airbnb et Booking.com, un site où les réservations se font automatiquement. Depuis mon inscription en octobre 2014, Airbnb m’a permis d’enregistrer quatre réservations soit près de 400 euros. C’est encore peu mais Airbnb est surtout tourné sur la convivialité et moins sur le business. »

Sandrine est sur le même créneau. Elle propose six logements rénovés sur Airbnb, du studio au F3, dont quatre à Strasbourg. Après avoir testée la location traditionnelle, elle s’est vite intéressée à la location saisonnière via Le Bon Coin et Airbnb:

« J’ai décidé de faire de la location saisonnière parce que la mise en location classique de mes appartements était trop compliquée, surtout quand un locataire malveillant ne paie pas son loyer. Avec Airbnb, le retour sur investissement est nettement supérieur. Ça peut monter jusqu’à 1 800 euros par mois pour des logements que je loue environ 60 euros la nuit. Après il reste l’eau et l’électricité à payer et l’entretien des appartements. »

Les professionnels derrière les profils de particuliers

Des entreprises se cachent aussi derrière certains logements Airbnb. C’est le cas d’un profil mystérieux avec pour pseudo Véronique. Cet avatar gère 13 « appartements de style » qui « combleront vos attentes pour vous offrir un séjour alsacien des plus agréables ». Une page des plus professionnelle tenue par Guesthouse Solen, une entreprise qui souhaite « rompre avec le schéma hôtelier ». Elle offre, en plus de ses logements et grâce à des sociétés partenaires, des prestations variées qui vont du babysitting à l’organisation de soirée avec cuisinier. La société a réalisé un chiffre d’affaires de 176 982€ en 2010, après un an d’exercice.

Sur Airbnb, on trouve aussi la page de Fanny qui ne précise pas sa profession sur son profil. Elle détient 6 appartements sur la plate-forme de locations entre particuliers. Sauf que les commentaires sous l’annonce d’un des logements indiquent qu’il est en réalité géré par une agence. Les voyageurs ont eu affaire à plusieurs interlocuteurs. L’un d’eux, globalement satisfait de son séjour, prévient:

« La gestion de l’appartement est réalisée par une agence professionnelle qui s’occupe de plusieurs appartements. Nous n’avons pas eu de chance avec le service car, à notre arrivée, nous avons du attendre 15 minutes en bas avant qu’on nous ouvre la porte. »

Des propositions d’hébergement bien loin du bon plan entre particuliers. Selon des utilisateurs réguliers d’Airbnb, une société serait prête à acheter un immeuble du centre de Strasbourg pour n’y mettre que des appartements en location sur Airbnb d’ici deux ans. C’est autant de biens qui sortent du marché locatif traditionnel alors que la CUS manque de logements. Le site est accusé de participer à la flambée des montants des loyers.

Une concurrence déloyale pour les hôteliers

Le phénomène Airbnb fait grincer des dents chez les professionnels du tourisme qui dénoncent une concurrence déloyale. Pierre Siegel, le président des hôteliers de Strasbourg, s’inquiète de cette arrivée soudaine et massive de nouveaux logements:

« Avec plus de 1 000 logements sur Airbnb, c’est un peu comme si du jour au lendemain on construisait 25 hôtels à Strasbourg. C’est très problématique car les règles de concurrence ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Les utilisateurs d’Airbnb ne sont pas soumis aux mêmes normes qu’un hôtel, ils n’ont pas de contraintes d’hygiène et de sécurité par exemple. Airbnb prend des parts de marché dans notre gâteau. »

L’association Tom’s Fair House profite de la visibilité d’Airbnb pour accueillir des voyageurs dans ses six appartements à Strasbourg.

Un constat que ne partage pas Thomas Hincker, enseignant et créateur de l’association Tom’s Fair House qui possède 35 annonces sur Airbnb:

« Entre un hôtel et Airbnb, ce n’est pas du tout la même cible qui est visé. Les voyageurs qui passent par ce site ne souhaitent pas séjourner dans les hôtels qu’ils trouvent souvent trop chers et standardisés. Avec nos logements, on propose un meilleur service, surtout sur l’accueil. »

Grâce aux six appartements qu’il sous-loue en accord avec les propriétaires, il propose une solution d’hébergement abordable (20€ la nuit dans une chambre partagée) et même solidaire car les bénéfices réalisés ont permis de financer la création d’une école de sport et de musique au Burkina Faso.

Une taxe de séjour obligatoire pour Airbnb

Sandrine va dans le sens de Thomas Hincker. Même si elle comprend l’inquiétude des hôteliers, elle estime que ses logements ne sont pas en concurrence avec ceux des professionnels du tourisme:

« On manque d’hébergement temporaire à Strasbourg. Quand il y a une cession parlementaire, tout est complet. Je pense qu’on n’est pas en concurrence, il y a une demande pour les hôtels et pour les logements Airbnb. Dans mes appartements, les voyageurs peuvent profiter d’une cuisine équipée par exemple. Airbnb nous donne aussi des conseils de sécurité et demande qu’on installe un détecteur de fumée. »

Mais les hôteliers persistent. Ils souhaitent que Strasbourg s’inspire des mesures prises par d’autres villes dans le monde pour contrôler l’utilisation d’Airbnb. À Paris, une équipe de la Ville est chargée de chasser les fraudeurs qui ne déclarent pas leur activité sur Airbnb. Le 3 novembre 2014, un amendement qui oblige Airbnb à demander une taxe de séjour à ses utilisateurs a été voté. Il doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Une mesure qui doit profiter aux collectivités locales. En attendant, la valorisation de la startup leader de la location entre particuliers est estimée à plus de 10 milliards de dollars.

Cet article est inspiré de l’enquête réalisée par le journal Le Temps sur les loueurs d’Airbnb à Genève.


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