À l’hiver 2017/2018, la Ville de Strasbourg a transformé ses paroles en actes. En décembre, 500 000 euros ont été débloqués pour financer 100 places supplémentaires d’hébergement d’urgence. Tout s’est enchaîné rapidement. La date limite du dépôt de dossier étant le 5 février. Deux associations ont été choisies à la suite de l’appel à projets : Alsace Terre d’Accueil (30 places) et Caritas Alsace (70 places).
Les premiers bénéficiaires sont entrés dans leur appartement au mois d’avril. La dernière famille a été hébergée en juin. Finalement, 107 personnes ont pu être logées en respectant le budget.
Beaucoup d’enfants sont concernés par ce projet, sur les 77 bénéficiaires de Caritas, on compte 17 hommes, 20 femmes et 40 mineurs. Les situations sont variées : couples, familles, personnes seules et familles monoparentale… Le 27 juillet, un bébé a rejoint l’une des familles. L’habitant le plus âgé a 71 ans. Le seul point commun des personnes est d’avoir été à la rue, sans domicile ni solution d’hébergement d’urgence.
Être vulnérable, seule condition pour bénéficier de ces hébergements
Ce projet s’adresse à toutes les personnes vulnérables, sans aucune distinction de situation ou de pays d’origine. Sur les 107 personnes accueillies, 9 relèvent de droit commun et tous les autres de l’asile. Le choix de cette centaine de personnes s’est fait en coopération avec les travailleurs sociaux. Les orientations ont été ensuite discutées et validées avec la Ville de Strasbourg et le 115-SIAO (services intégrés d’accueil et d’orientation). Des contrats d’hébergement sont valables trois mois et renouvelables avec les personnes.
Les 26 foyers de Caritas Alsace sont dispersés dans les quartiers gare, au centre-ville, au Neuhof et à Illkirch-Graffenstaden. La résidence des arts, située à côté du Molodoï, comprend 13 appartements. La répartition des logements s’est opérée en fonction du quartier d’origine des personnes et de l’école des enfants. Les appartements sont meublés et équipés en matériel électro-ménagers. Ils appartiennent au bailleur social Sedes (ex-Socolopo) ou à des propriétaires privés.
Germain Mignot, responsable de l’une des permanences d’accueil de l’association Caritas, explique :
« L’objectif reste que ces personnes puissent être autonomes et accéder à un logement avec un bail à leur nom. Pour cela, nous avons la possibilité de faire des baux glissants, une fois l’autonomie financière retrouvée. Ainsi, cela permettra à de nouvelles personnes de pouvoir rentrer dans ce dispositif. »
Un suivi régulier
L’accompagnement proposé par Caritas Alsace est global : santé, scolarisation, démarches administratives, sorties et loisirs, aides matérielles et financières, transport, recherche d’emploi… L’association propose aussi des activités sociales, des temps d’échange et de rencontre. Lundi 23 juillet, un premier atelier était présenté. Au programme ce jour-là, comment fabriquer soi-même ses produits ménagers.
Anaïs Puertolas, conseillère en économie Sociale et familiale et Elena Istrati, assistante sociale, tiennent des permanences et rendent régulièrement visite au domicile des bénéficiaires. Une réunion de coordination avec les services de la Ville a lieu tous les mois afin de suivre les situations des bénéficiaires. Leur besoin d’accompagnements varie beaucoup selon les personnes. Germain Mignot détaille la diversité des cas :
« Il y a des personnes qui ne nécessitent pas un accompagnement renforcé quand d’autres ont besoin d’être vus au moins deux fois par semaine. Pour certaines personnes, aller dans une administration pour refaire sa carte vitale peut se révéler déjà extrêmement complexe. Mais le but, c’est que de plus en plus vite, elles accèdent à l’autonomie : soit qu’elles puissent rester dans leurs appartements, soit qu’on les accompagne dans la recherche d’un nouvel appartement. »
L’objectif des 500 places en question
Lors de la mise en place du dispositif à l’hiver, le maire de Strasbourg Roland Ries (PS) indiquait que « l’objectif est de parvenir à 500 places d’hébergement » par différentes manières, soit le nombre estimé de personnes dormant dehors.
Cette nouvelle étape, qui doit passer par une « conférence de consensus », n’est pas à l’ordre du jour. Marie-Dominique Dreyssé (EELV), adjointe au maire en charge des solidarités et de la gestion du dispositif d’hébergement d’urgence, demande de l’aide de la part de l’État :
« C’est à l’État de prendre ses responsabilités. L’hébergement et tout ce qui dépend de l’immigration relève de l’État. Or, la nouvelle loi Asile et Immigration ne prend pas du tout en compte la problématique de l’accueil. De plus, on ne peut pas créer de nouvelles dépenses à Strasbourg. Aujourd’hui, on est bien embêtés par le pacte financier qui a été voté et nous empêche d’augmenter les dépenses de fonctionnement et donc de débloquer un budget pour ouvrir d’autres places. »
L’annonce de Roland Ries s’est faite en pleine vague de froid, le 14 décembre 2017, le lendemain du décès d’une SDF de 44 ans dans les rues strasbourgeoises. Syamak Agha Babaei, vice-président à l’Eurométropole en charge du logement, avait déjà proposé un plan d’hébergement lors du conseil municipal du 20 novembre 2017. Il avait chiffré sa proposition à 2,5 millions d’euros par an pour héberger 500 personnes, ou 2 millions pour 400 personnes.
Le « succès » du dispositif dès l’été n’a ainsi pas pu empêcher la formation d’un camp de migrants demandeurs d’asile au square des Canonniers dans le quartier du Neuhof, où une quarantaine de personnes se sont installées sous tente pendant plus d’un mois.
Un changement de logique
L’association Caritas Alsace est globalement satisfaite du projet mis en place par la Ville de Strasbourg :
« Cent places, cela fait peu par rapport à la demande, mais il faut bien commencer par quelque chose. Et disposer de plus de places aurait été plus difficile à gérer. Là, ça nous permet d’expérimenter avec les personnes et d’évaluer les besoins en personnel. »
Monique Maitte, membre du collectif SDF Alsace, relate la satisfaction de certains bénéficiaires qu’elle connait :
« Pour eux, les contacts avec les professionnels sont satisfaisants. Pour la première fois, ils envisagent l’avenir, c’est un signe de réussite. On voit la différence surtout sur les enfants. Ils sont plus calmes, moins anxieux. »
Pour cette ancienne sans abri, une des avancées du programme est le changement de l’ordre des priorités : d’abord trouver un logement aux individus, puis se soucier des situations administratives ensuite. Elle note néanmoins ce qui reste à améliorer :
« Par rapport à la résidence des arts, l’accompagnement est parfois plus distant en ce qui concerne les logements les plus éparpillés. Et puis la barrière de la langue reste ce qu’il y a de plus problématique. Il faudrait plus de cours de FLE (Français Langue Etrangère). Mais c’est compliqué car ça implique plus de bénévoles… »
L’association Alsace Terre d’Accueil n’a pas souhaité s’exprimer sur son implication et les situations suivies.
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