Huis-clos situé dans un bunker, oeuvre paranoïaque et confinée, cette suite déguisée du found footage Cloverfield tourné par Matt Reeves en 2008 trouve son intérêt dans sa petitesse et dans sa modestie.
Après un accident de voiture, le personnage de Michelle y est séquestrée par un adepte du survivalisme joué par l’immense John Goodman. La menace qu’il évoque, qui les forcerait à vivre sous terre, est-elle ou non réelle ? Les semaines passent et le comportement du maitre des lieux apparait de plus en plus erratique.
Certains ne manqueront pas de comparer 10 Cloverfield Lane à l’un ou l’autre épisode de La Quatrième dimension, la célèbre anthologie de Rod Serling diffusée dans les années 60. Le film intrigue dans la mesure où il s’agit d’un objet solide, admirablement écrit et interprété, une sorte de mini blockbuster qui ne verserait pas dans la destruction massive mais s’attacherait simplement à suivre le destin d’une poignée de survivants et à vivre l’apocalypse dans un mouchoir de poche.
Mais ces qualités (et ce semblant de classicisme) ne doivent pas occulter le fait que 10 Cloverfield Lane est une oeuvre connectée, une pièce dans le vaste réseau d’Abrams, producteur visionnaire obsédé par les mythologies modernes.
Abrams, producteur moderne et centre de la toile
J.J Abrams tisse des liens, développe des univers préconçus. Son nom est déjà lié à Star Wars, Star Trek, Mission : Impossible. Il capitalise sur les franchises et incarne le fan boy absolu de la sphère geek. Dans sa conception, un film isolé semble un gâchis. Aussi, il prend le parti de corréler ce huis-clos mystérieux à un précédent succès : le film de monstre Cloverfield. Le seul lien, c’est ce nom qui fera, dans la conscience cinéphile, écho au film de 2008, à ses créatures mystérieuses venues anéantir New-York.
Cette démarche, de prime abord enrichissante puisqu’elle offre un cadre à ce récit minimaliste, a bien sûr ses limites. Le titre du film, 10 Cloverfield Lane, évente le mystère. La protagoniste interprétée par Mary Elisabeth Winstead doute d’une menace que le spectateur sait être réelle dans la mesure où le premier film l’y a préparé.
Les affres de la paranoïa
Oeuvre chorale écrite à quatre mains, ce Cloverfield Lane porte en lui une obsession majeure du cinéma américain contemporain.
Comme le Romero de Diary of the dead, comme le Shyamalan de Phénomènes, Dan Trachtenberg met en scène un long-métrage qui donne à voir la terreur immédiate face à une menace non identifiée. Ces oeuvres, nées d’une obsession sécuritaire post 9/11, explorent la réaction d’individus face à un chaos dont ils ne comprennent pas la source.
Et Abrams, producteur-cinéaste polymorphe dont on ne saurait nier la dimension d’auteur, creuse ce sillon, encore et encore, en faisant dérailler des trains dans Super 8, son film sorti en 2011, ou en crashant des avions dans Lost, série télévisée mythique qu’il a contribué à créer. Il s’attache ainsi à l’écho des catastrophes. Michelle, héroïne de 10 Cloverfield Lane, pourrait d’ailleurs n’être qu’un reboot du personnage de Desmond dans Lost, lui aussi enfermé dans un bunker et persuadé que dehors, au contact de l’air vicié, plus rien ne subsiste.
Le film, sorti en France le 16 mars 2016, est actuellement projeté à l’UGC Cinécité Strasbourg Etoile.
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