Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Sur les champs de captage de l’Eurométropole, les pesticides ne sont pas interdits

Peut-on répandre des herbicides sur les champs qui alimentent les points de captage d’eau potable de l’Eurométropole ? Eh bien oui, la réglementation, qui date de 1978, permet l’emploi de tous les produits phytosanitaires autorisés ailleurs. Sur les futurs champs qui entoureront le point de captage de Plobsheim en revanche, l’Eurométropole espère pouvoir les confier à des agriculteurs qui ne traitent pas.

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L’image a de quoi interloquer. Passant à quelques mètres des installations de pompage d’eau potable d’Oberhausbergen, à l’ouest de l’agglomération de Strasbourg, un agriculteur répand un produit phytosanitaire sur des champs situés dans le périmètre de protection (voir la photo ci-dessous). Habitant la commune, Julien s’approche de l’exploitant :

– « Qu’est ce que vous mettez comme produit, pour savoir si c’est dangereux pour mon chien et moi  ?
– C’est du désherbant, faut faire gaffe oui, surtout pour les animaux !
– Ha bon c’est costaud alors ?
– C’est plus aussi costaud qu’il y a 30 ans, mais faut quand même faire attention…
– Ha oui quand même donc c’est dangereux pour nous aussi ?
– Oui un peu, mais ça dépend des personnes et des sensibilités. »

Peut-on répandre des produits phytosanitaires si près des installations de captage d’eau potable ? Oui. (Doc remis)

Mais si c’est dangereux, ce produit ne devrait-il pas être interdit sur un champ qui alimente directement une partie de l’eau potable consommée dans l’Eurométropole ? Eh bien non. Dans la réglementation des périmètres de protection des zones de captage autour de Strasbourg, qui date de 1978 (voir ici), il est précisé (point 2.5) que l’épandage ou le stockage de tout produit fertilisant ou destiné à la « lutte contre les ennemis des cultures » est autorisé, dans la mesure où ces produits sont homologués par le ministère de l’Agriculture.

Une qualité de l’eau irréprochable…

Contactée, l’Eurométropole indique qu’il n’y a aucun souci à se faire sur l’eau potable consommée à Strasbourg et que les analyses effectuées autour du point de captage d’Oberhausbergen sont excellentes. Jean-Marc Weber, responsable qualité au service de l’eau, précise :

« Chaque mois, une analyse fine de l’eau captée est effectuée et celle qui sort d’Oberhausbergen est l’une des meilleures qu’on ait. Elle contient environ 15 mg de nitrates par litre, une valeur proche de la teneur naturelle de l’eau. Par ailleurs, les terres du périmètres de captage sont régulièrement contrôlées aussi, par l’intermédiaire de piézomètres qui nous alertent si des concentrations de produits phytosanitaires dépassent les valeurs autorisées à différentes profondeurs. »

Fertilisants employés sur les champs entourant le point de captage d’Oberhausbergen (doc remis)

… mais une volonté de sortir des pesticides quand même

Pour autant, les temps changent et Françoise Buffet, conseillère de l’Eurométropole en charge des relations avec la chambre d’agriculture, rappelle que sur le nouveau champ de captage de Plobsheim, la collectivité va ajouter une « clause environnementale » :

« Dans le cadre de notre convention avec la Chambre d’agriculture, les exploitants qui interviendront dans le périmètre du point de captage de Plobsheim seront soumis à une clause environnementale. C’est à dire qu’ils seront incités à mener une agriculture biologique. Il s’agit là de notre premier critère de choix de l’exploitant. »

Quant aux exploitations en cours, Françoise Buffet précise :

« On ne peut pas changer les baux d’exploitation du jour au lendemain. Les agriculteurs ont besoin de visibilité sur les terres qu’ils exploitent. Mais on a triplé les surfaces exploitées en bio depuis que nous sommes en charge de ces questions à l’Eurométropole. »

Pour l’instant, la Chambre d’agriculture ne peut que « déconseiller » aux agriculteurs d’utiliser certains produits. Mais s’ils sont autorisés par la réglementation, ni l’Agence régionale de santé, ni la Chambre d’agriculture n’ont les moyens d’intervenir. De son côté, l’agriculteur qui cultive une partie des champs près du point de captage d’Oberhausbergen, André Roth, indique :

« On est dans la réglementation, on ne nous vend rien d’autre de toutes façons. Chaque année, des produits sont retirés de la liste autorisée. Il n’y a pas d’autres restrictions liées au point de captage. Tout le monde veut commander les agriculteurs, tout le monde a son idée sur la façon dont il faut cultiver. Mais est-ce que tous ces gens sont prêts à venir lorsqu’il faut biner les betteraves ? »

Selon l’Agence de l’eau Rhin Meuse, 35% des points de surveillance de la qualité des eaux superficielles présentent au moins un pesticide en concentration excessive. Les indicateurs de suivi dans les eaux ne montrent « aucune baisse de leur présence ».


#agriculture urbaine

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