Le 27 juin 2016, Éric Senet, élu de l’opposition à Strasbourg propose de profiter du fait que Strasbourg soit le siège de la Pharmacopée, (Direction Européenne de la Qualité du Médicament et soins de santé) pour que la capitale européenne et alsacienne accueille, dans la suite du Brexit, le siège de l’Agence européenne des médicaments.
Comme beaucoup d’élus des communes de l’Eurométropole et de nombreux chefs d’entreprises, je me suis réjouis de l’idée, d’un dossier renforcé naturellement par le label Medtech dont dispose l’Alsace, mais également par des initiatives comme Alsace BioValley, le Hacking Health Camp coorganisé par Alsace Digitale et par l’investissement novateur porté par le Pr Jacques Marescaux.
De l’eau a coulé sous les ponts tant du Rhin que de l’Ill et nous voilà en octobre.
Des candidatures françaises avancées…
Entre temps, j’ai été contacté sur différents réseaux sociaux pour soutenir des candidatures d’autres villes françaises, comme chaque personne active sur des réseaux sociaux, peut l’être…
Ainsi, j’ai appris que Lille faisait un intense lobbying. Martine Aubry, maire de Lille, Damien Castelain, président de la communauté urbaine et Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts de France ont écrit directement au chef de l’Etat afin qu’il soutienne la candidature de la ville, qui fut déjà candidate malheureuse face à Londres en 1993.
Toulouse voit un député PS, Gérard Bapt, relever le gant et proposer que la ville rose profite du Brexit pour candidater. Lyon est très active, la ville voit son maire Gérard Collomb et le président de la Région Auvergne Rhône Alpes Laurent Wauquiez se mobiliser ensemble, en appeler également à l’Etat. Une députée européenne lyonnaise a rejoint le mouvement. Ainsi on lit sur le site de la région Auvergne Rhône Alpes :
« Siège mondial du géant du médicament Sanofi, des laboratoires Bio-Mérieux, du bureau européen de l’OMS mais aussi centre mondial de la fabrication de l’aspirine par le chimiste Novacap , autre spécialité de la métropole lyonnaise, Lyon a des arguments solides pour défendre sa candidature. »
Autant de candidatures officialisées en France… La candidature de Strasbourg, est-elle, elle-même, officielle ? Je n’en sais rien, et ça m’inquiète.
Des candidatures européennes officielles
Européen, un minimum de veille informative me permet de comprendre aussi ce qui se passe ailleurs. En Allemagne, Berlin n’attend pas pour faire du lobbying en sa faveur. Ce siège, la CSU le promet à Munich, selon deux ministres du Land :
« Munich se distingue comme un lieu privilégiant une recherche soutenue tout comme des unités de productions reconnues dans le domaine de la biotechnologie, de la pharmacie et de la médecine. »
En Espagne, cela bouillonne également ! Barcelone, Alcalá de Henares, Alicante, Malaga, Grenade, Santa Cruz de Tenerife, Léon, Saragosse et la Galice font les yeux doux à l’EMA, ses 335 millions d’euros de budget, ses 900 fonctionnaires et son réseau de 4 000 experts. La Catalogne et son secteur pharmaceutique sont en pointe mais aucune des « Autonomias » n’est en reste… À Madrid, le PSOE en appelle même à une « diplomatie de conquête » pour que l’Espagne attire le siège de l’EMA.
En Italie, la ville de Milan, verrait bien l’agence du médicament pour reconvertir le site de l’Exposition Universelle de 2015. Son maire n’a pas hésité à faire le voyage à Londres. Le dossier milanais serait même prêt, pouvait-on lire récemment.
L’Europe du Nord n’est naturellement pas en reste, pas plus que l’Europe de l’Est qui rappelle que de trop nombreuses agences ont leur siège à l’Ouest et qu’une telle installation pourrait appeler certains pays à revoir leur hostilité à Bruxelles.
Quelle ambition pour Strasbourg ?
Nous revoilà à Strasbourg… Des « groupes de travail » discrets ont-ils su faire avancer ce dossier, sa faisabilité ? Si oui, il serait peut-être temps de les élargir au-delà des étiquettes partisanes et de mobiliser tous les réseaux ! Les collectivités sont-elles prêtes à unir leurs énergies pour défendre Strasbourg ? Je veux le croire, mais alors il faudrait le faire savoir !
Faute de quoi, Strasbourg n’a aucune chance d’accueillir le siège de l’Agence Européenne du Médicament.
Au final, Strasbourg ne restera pas capitale européenne si l’on ne revoit pas les modes de communication que sont le lobbying digital, l’engagement des élus et les stratégie d’influence adoptées aujourd’hui par les grandes villes d’Europe. Il est temps de se demander vraiment quelle est l’ambition que nous souhaitons partager pour Strasbourg. Car si elle existe, elle est inaudible et s’il n’y en a pas, Strasbourg finira par ne plus rayonner.
Et là, nous aurons tout perdu.
Stéphane Bourhis
Chef d’entreprise, conseiller municipal LR de Hoenheim
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