À Strasbourg, s’il y a un sujet avec lequel on ne plaisante pas, c’est la collection impressionnante de titres de « capitale ». Des attributions parfois décernées par d’autres, mais parfois auto-attribuées (citons pêle-mêle l’Europe, l’Alsace puis le Grand Est, les droits de l’Homme, l’Amour, le vélo, la biodiversité). Et parmi ces titres, il y en a un qui compte encore plus, c’est celui d’auto-proclamée capitale de Noël !
Sauf que cataclysme, un palmarès sur internet classe Strasbourg seulement 5ème « meilleur marché de Noël » en Europe. Il s’agit du classement European Best Destinations. Un palmarès comme il en existe des dizaines, mais celui-ci se base sur le nombre de votes des internautes.
Une association européenne de promotion du tourisme
Cette participation populaire et un très bon référencement sur les moteurs de recherche a fait de ce classement une référence, à l’heure où beaucoup de touristes se basent sur les recommandations internet. Les différents classements (ski, parcs, plages, etc.) ont aussi beaucoup de retombées médiatiques.
European Best Destinations est une association européenne basée à Bruxelles, qui vise à promouvoir le tourisme en Europe. Elle est composée d’un réseau de plus de 250 villes européennes qui choisissent d’y adhérer. Elle est adossée au réseau non-lucratif EDEN chapeauté par la Commission européenne, qui souscrit à cette vision de la mise en concurrence des villes.
Lauréate, puis 2e, puis 5e…
Dans l’Est, Strasbourg, Colmar, Mulhouse et Metz sont membres. C’est le cas de plusieurs grandes villes et destinations touristiques françaises, mais pas Lyon ni Rennes par exemple. Ainsi, le marché de Noël de Kaysersberg ne figure pas dans ce classement, alors qu’il est considéré par certains comme le plus beau d’Alsace.
Strasbourg l’avait emporté en 2014 et 2015. Mais fin 2016, Zagreb en Croatie l’avait déjà détrônée (33 607 votes contre 19 242). Simple accident de parcours avec cette deuxième place ? Cette année, c’est pire, puisque Strasbourg est surtout devancée par Colmar (2e) et talonnée par Montbéliard (6e), qui avait déjà battu Strasbourg dans un autre classement en 2016, par Paris Match.
Strasbourg « en désaccord avec cet esprit »…
Visiblement vexée, la Ville de Strasbourg a réagi via un communiqué de presse (!) dans la soirée de mardi. Pas de remise en question à l’horizon, « ce classement est devenu celui des moyens consacrés à la création de clics, et n’a plus rien à voir avec le ressenti réel des visiteurs. » Et pan, sur la tronche de European Best Destinations !
Le courroux de la Ville de Strasbourg ne s’arrête pas là. Elle balance au passage que la participation à ce classement est « désormais payante ». En désaccord avec « cet état d’esprit qui n’est pas celui de « Strasbourg Capitale de Noël », la Ville de Strasbourg indique avoir signifié à l’organisateur qu’elle « ne voulait plus participer ». Et donc pas question de payer les frais d’inscription.
… mais appelle quand même à voter
Strasbourg, pas candidat à un titre de capitale ? Voilà qui est fort étonnant. Le 1er décembre, c’est pourtant un certain Roland Ries, le maire de Strasbourg, qui appelait ses concitoyens à voter pour… Strasbourg, avec le bon lien, du bon classement…
C’est ballot, personne n’a semble-t-il pensé à prévenir le maire et son équipe qui gère son compte Twitter. Il faut dire que Strasbourg était un peu moins en désaccord avec cet « esprit » tant qu’elle était bien placée.
Il était accompagné par son adjoint aux Sports et de Hautepierre, Serge Oehler.
Un sujet grave !
La Ville assure qu’ »aucun moyen pour la promotion de votes » n’a été engagé. Après avoir dénigré le classement, Strasbourg « félicite » quand même Colmar, qui a réussi à mobiliser plus d’internautes qu’elle. Au moins, l’Alsace reste bien placée.
Contactée, l’association European Best Destinations (EBD) se déclare étonnée par la réaction de Strasbourg par la voix de son responsable, Maximilien Lejeune. D’abord, l’association assure que rien n’a changé dans son classement et que « les règles sont les mêmes depuis cinq ans. » La participation au concours est toujours payante, 468€, et Strasbourg a réglé ces frais en 2015 et 2016. Selon l’association, Strasbourg a été exonérée de ces frais en 2013 et 2014 car la ville avait mentionné « une situation budgétaire serrée. »
Quant à la participation de la Ville à ce classement, European Best Destinations n’a pas voulu prendre le risque d’enlever Strasbourg de la compétition faute de réponse de celle-ci, car « Strasbourg participait sans souci depuis cinq ans et que nous n’avions aucune réponse. » EBD n’obtient une réponse, de retrait, que le 2 décembre, mais trop tard car « les votes avaient commencé la veille et que 400 personnes avaient déjà choisi Strasbourg… »
Maximilien Lejeune conclut :
« Nous avons l’impression de traiter d’un sujet grave à Strasbourg quand nous parlons de Marchés de Noël. Certes ce classement est important mais être classé 5e est déjà très bien et de nombreuses villes se réjouissent juste de figurer dans le classement, les 20 premières sont promues tout au long de l’année à des millions de voyageurs. Les Américains, Anglais, Australiens, Irlandais qui visitent notre site ne vont pas se dire “Mon dieu Strasbourg est complètement out, nous filons à Vienne” ils voient des marchés, choisissent ceux qu’ils ont envie de découvrir, cela s’arrête là. »
Moralité : mieux vaut rester une capitale auto-attribuée, que de faire voter. Et si on arrêtait les classements pour tout ?
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