Au printemps, le conseil d’administration d’Adidas était une nouvelle fois saisi de la délicate question de son siège français, à Landersheim près de Saverne.
D’abord, les locaux construits en 1967 par Horst Dassler souffrent d’une certaine vétusté et sont surdimensionnés. Après avoir abrité jusqu’à mille employés, ils ne sont plus que 200. Ensuite, les équipes de direction sont réparties entre l’Alsace et la région parisienne, où Adidas dispose de bureaux depuis le rachat de Reebok en 2005, ce qui n’est guère pratique. Mais surtout, Landersheim, personne ne sait où c’est et ça ne véhicule pas une image très positive pour un groupe qui fait de la qualité de vie sur le lieu de travail l’un de ses atouts.
Adidas emploie environ 800 personnes en France mais les implantations historiques alsaciennes ont subi des reculs successifs à Steinbourg et Dettwiller. À Landersheim, la réduction des effectifs est constante malgré les bons résultats du groupe, surtout depuis le départ de la logistique en 2000 avec 139 employés.
Le spectre d’en finir avec l’Alsace
Le conseil d’administration propose donc d’en finir avec l’Alsace et de tout regrouper à Paris, ça claque quand même plus que Landersheim. Panique à la direction alsacienne, qui pense que la majorité des employés ne suivront pas le déménagement : trop de salaires d’appoint, trop de personnes plutôt en fin de carrière… On se dirigeait tout droit vers un plan social déguisé. Les cadres demandent aux dirigeants du groupe un délai pour faire une contre-proposition.
Et c’est le branle-bas de combat. Le directeur du site, Guillaume de Montplanet, alerte les élus, les agences économiques et tout ce que l’Alsace compte comme forces vives pour trouver une solution.
De son côté, la Ville de Strasbourg venait de boucler l’achat des terrains du Wacken pour son quartier d’affaires avec Cirmad (une filiale de Bouygues Construction) pour les bureaux et Altarea Cogedim pour les logements.
Après les péripéties qui ont vu, en juillet 2012, la municipalité reprendre à zéro l’aménagement de ce quartier, les travaux ont débuté à la fin de l’hiver et deux lots devraient être livrés fin 2017. Dans le premier lot, un immeuble de bureaux (6 800 m² de surface de plancher) est prévu ainsi qu’un autre de 35 logements (2 700 m²) et dans le second lot, encore des bureaux (9 660 m²) avec des commerces en rez-de-chaussée (820 m²) et 88 logements (6 200 m²). Et avec tout ça, le tramway, des stations vélhop, des parkings mutualisés sur deux niveaux (336 places), des normes environnementales ultra-pointues, etc.
Une aubaine pour le quartier d’affaires Wacken-Europe
Oui mais voilà, personne n’était volontaire pour occuper ces futurs magnifiques bureaux, en tout cas rien de concret et c’est d’ailleurs ce qui a planté le premier montage du projet en 2012. Strasbourg, c’est bien, mais ce n’est pas Paris et la métropole perd plus de sièges sociaux qu’elle n’en attire.
C’est donc peu dire que lorsque le dossier Adidas est arrivé sur le bureau des élus strasbourgeois, la nouvelle fût bien accueillie ! Strasbourg tient enfin son entreprise phare, locomotive espère-t-elle, pour ce projet pharaonique de bureaux de prestige à proximité du Parlement européen. Les élus et la direction d’Adidas se rendent compte ensuite que ces bureaux seront juste à côté de nombreux terrains de sports, c’est presque trop beau.
Le déménagement vers Paris est stoppé en juin, le conseil d’administration accepte que des négociations soient entamées avec Cirmad. Les équipes de l’Eurométropole sont sollicitées pour « faciliter » l’implantation, ce dont elles se sont acquittées bien volontiers.
Résignation à Saverne
À Saverne en revanche, on fait grise mine car même si le site de Landersheim n’était plus que l’ombre de lui-même, Adidas est une implantation historique dans la vallée et ce déménagement est un coup dur, un nouveau signe de la concurrence des métropoles sur leurs territoires. Stéphane Leyenberger, le maire de Saverne, soupire :
« La famille fondatrice d’Adidas, les Dassler, ont habité à Saverne et ils ont toujours une maison dans la ville. C’est un emblème industriel dans la région, le coup est rude. Néanmoins, on peut se féliciter que les tractations entre les élus et Adidas aient permis de garder l’activité en Alsace. »
Bien que les bruits de couloirs sur ce déménagement soient devenus récurrents à Landersheim depuis quelques jours, surtout depuis le dernier comité d’entreprise, l’ensemble des salariés doit être informé officiellement de cette décision ce jeudi par Adidas.
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