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« Si cette loi passe, des enfants vont mourir » : manifestation contre la transphobie samedi 4 mai

Alors qu’un projet de loi veut interdire les transitions pour mineurs et qu’un livre transphobe vient d’être publié, La Station LGBTQ+ organise une manifestation pour les droits des personnes transgenres à Strasbourg le samedi 4 mai à 17h

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« Si cette loi passe, des enfants vont mourir » : manifestation contre la transphobie samedi 4 mai
Flora Giros, présidente de La Station LBGTQIA + Alsace, lors de la manifestation de visibilité lesbienne le 27 avril 2024.

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Pour la première fois à Strasbourg, le samedi 4 mai à 17h, une marche est organisée pour répondre à l’offensive réactionnaire contre les droits des personnes trans en France. Au niveau national, 800 personnalités et collectifs ont appelé à un mobilisation le 5 mai pour répondre aux « attaques contre les droits trans et reproductifs » :

« La question des droits reproductifs (avortement, contraception, PMA) et des droits liés à la transition sont indissociables puisqu’ils relèvent de la revendication historique de nos mouvements sur le droit à disposer librement de son corps : ils doivent être défendus de façon conjointe. »

Tribune publiée dans Politis, 29 avril 2024

À Strasbourg, la présidente de l’association La Station LGBTQIA+ Flora Giros est à l’initiative de cette mobilisation.

Rue89 Strasbourg : Quels sont les évènements qui ont déclenché cette manifestation ?

Flora Giros : Habituellement, les manifestations trans à Strasbourg prennent la forme de commémorations ou de rassemblements comme la journée de la mémoire trans, le 20 novembre. Cette fois-ci, la marche est une réponse contre une proposition de loi déposée par Les Républicains et le Rassemblement national, qui veulent interdire les transitions de genre chez les mineurs. Elle fait suite à un rapport qui préconisait d’interdire les transitions aux moins de 25 ans. Il y a aussi eu la publication d’un livre intitulé Transmania et écrit par Marguerite Stern et Dora Moutot (cette dernière est visée par une plainte pour « injure publique et incitation à la haine » suite à des propos tenus à l’encontre de la maire transgenre Marie Cau, sur le plateau de Quelle Époque, ndlr). L’affichage publicitaire de ce livre a été retiré de l’espace public à Paris.

« Le recul de nos droits aux USA a commencé par le même type de législation »

Flora Giros, présidente de l’association La Station LGBTQIA+

Cette proposition de loi et la sortie de ce livre dépeignent toutes deux une vision fantasmée de l’identité trans et tentent de faire pencher l’opinion publique dans cette direction. Pourtant, la transphobie est interdite par la loi (et punie jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, ndlr).

Nous en avons marre de n’être jamais représentées dans les médias et les espaces de débat. Et nous avons peur que nos droits soient de plus en plus réduits comme ça a été le cas aux États-Unis. Là-bas désormais, il est interdit d’être trans dans certaines situations, pour travailler avec les enfants par exemple. Le recul de nos droits aux USA a commencé par le même type de législation que celle de la proposition de loi. C’est pour cela que nous voulons prendre la parole et l’espace public.

Cette proposition de loi consiste en un article unique, qui modifie le code de la santé publique et interdit pour les mineurs « tout traitement médical et hormonal de transition de genre ». Très concrètement, quelles seraient les conséquences de ce texte ?

Interdire les traitements médicaux et hormonaux signifie condamner les médecins qui le feraient malgré tout. Cette loi vise non seulement à réduire nos droits mais également à punir le corps médical qui voudrait aider un ou une mineure trans. C’est pour cela que nous encourageons les médecins à nous rejoindre dans la contestation de cette proposition de loi.

« Si cette loi passe, des enfants vont mourir »

Il faut savoir que les mineurs de moins de 16 ans peuvent uniquement prendre des bloqueurs de puberté, qui portent mal leur nom car si le mineur arrête le traitement, sa puberté reprend. Il faudrait les appeler des retardateurs de puberté. Avoir accès à ces médicaments diminue le risque de dépression et le risque de suicide des mineurs trans.

Entre 16 et 18 ans, seule une opération de transition est autorisée (la mammectomie ou ablation des seins) et des traitements hormonaux. Mais c’est très rare, en France seuls 300 mineurs ont recours à ces traitements, sur 300 000 enfants trans. Pas de quoi parler d’une « épidémie » de transition de genre…

Si cette loi passe, des enfants vont mourir. Dans ma génération, nous sommes beaucoup à avoir tardé à transitionner faute d’information et d’accès aux soins. Les enfants, si on leur enlève ce droit, seront moins bien dans leur identité et transitionneront plus tard, ce qui serait un retour en arrière.

La plupart des jeunes font uniquement une transition sociale, qui est aussi essentielle pour les enfants. C’est-à-dire qu’on les genre de la bonne façon et qu’on utilise leur prénom choisi, à l’école par exemple. Ce sont des choses qui participe au bien-être des personnes trans.

Enfin il est important de noter que les traitement hormonaux utilisés pour les transitions n’ont pas été inventés pour les personnes trans. Ils sont utilisés par exemple pour les enfants intersexe, sans leur consentement. C’est le comble que ces médicaments soient donnés de force à quelqu’un qui n’en veut peut-être pas et interdits à ceux qui en ont besoin.

On comprend qu’une partie du fantasme autour de l’identité trans est nourrie par l’absence des personnes concernées dans les espaces de débat.

On parle tout le temps de nous, mais sans nous. Ça a toujours été comme ça pour les minorités en général. Il y a 30 ou 40 ans, peu de gays et de lesbiennes étaient représentées. Il y eu une évolution et il y en aura encore mais ce n’est pas simple pour autant. D’autant plus que les personnes trans qui arrivent au pouvoir, en politique par exemple, auront tendance à être conservatrices pour compenser le fait qu’elles viennent d’une minorité.

« J’aimerais seulement qu’on puisse être entendues »

Dans la sphère médiatique nous sommes rarement invitées, même sur le service public, et je ne pense pas qu’on sera un jour représentées sur des chaînes comme Cnews qui sont pourtant très regardées. J’aimerais seulement qu’on puisse être entendues, répondre à tout ce qui est dit sur nous. Nous sommes les seules en mesure de dire ce que c’est, d’être trans, de le vivre.

Plus largement, les personnes trans devraient être invitées pas uniquement pour parler de leur identité mais même sur d’autres sujets. On peut aussi avoir un point de vue intéressant, comme n’importe qui.

Vous revendiquez également de nouveaux droits lors de la marche du 4 mai. Quels sont-ils ?

À Strasbourg, nous avons choisi de faire référence à la proposition de loi de Mélanie Vogel (sénatrice EE-LV des français de l’étranger, nblr), qui veut faciliter le changement de genre à l’état civil. Pour le moment, une personne qui veut changer de genre sur ses papiers doit passer par le tribunal. C’est une procédure particulièrement humiliante et lente, pendant laquelle on peut nous demander des preuves médicales de notre transition. Souvent, nous n’avons pas les moyens d’être accompagnées par un avocat. La sénatrice aimerait faire en sorte qu’on puisse changer de genre directement à la mairie, comme c’est le cas pour un prénom par exemple.


#discrimination

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