Après le 21 mars, il n’est plus possible de réserver un vol entre Strasbourg et Londres. Ryanair proposait 5 vols et easyJet 4 chaque semaine. Les compagnies avaient ouvert ce vol en 2013. La ligne avait pourtant enregistré une hausse de 38% de la fréquentation en 2015, soit 91 305 passagers (7,7% du trafic total de l’aéroport). Mais il est difficile de savoir si ces arrêts sont définitifs.
Ryanair « n’a pas encore de confirmation quant à la reconduction de la ligne Londres Stansted – Strasbourg » (comme pour une centaine de lignes en France), car elle « finalise son programme », tandis qu’easyJet semblait plus péremptoire sur sa seule ligne au départ de Strasbourg lorsque nous les avons contactés :
« La ligne easyJet entre Strasbourg et Londres-Gatwick cessera à partir du 21 mars 2016, compte tenu d’une baisse de la demande sur cette route. EasyJet a adapté son offre en conséquence. Strasbourg était un point du réseau easyJet en France et non une base. L’arrêt de cette route n’aura donc pas d’impact sur l’emploi local direct. La compagnie orange continuera cependant de desservir la région alsacienne via l’aéroport de Bâle-Mulhouse, d’où elle propose 53 destinations. »
En attendant, après mars, des vols vers Londres sont seulement disponibles depuis Baden-Baden via Ryanair et Bâle-Mulhouse pour easyJet. Les billets sur Strasbourg-Porto par Ryanair (2 allers-retours par semaine) sont, eux, déjà en vente jusqu’à octobre.
Pour le directeur de l’aéroport de Strasbourg Thomas Dubus, on « ne peut parler de fermeture » :
« Les négociations n’ont pas abouties pour des raisons opérationnelles et commerciales. Ces compagnies ont une activité volatile, parfois elles arrêtent quelques semaines puis reviennent. Pour ce qu’on appelle la saison “été” de l’aéroport, c’est-à-dire à partir du 26 mars, ce sera difficile d’avoir des vols, mais nous avons bon espoir d’avoir de nouveau des trajets vers Londres prochainement. Nous avons un fort potentiel sur cette ligne. »
Il explique en partie ce désintérêt par le renouvellement de la taxe d’aéroport qui tarde à être publié :
« La baisse des taxes aéroportuaires, qui sont indiquées dans le contrat triennal pour défendre l’accessibilité de Strasbourg en tant que capitale européenne, ne sont pas encore publiées par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Le contrat porte sur 2015-2017 mais court du 1er avril 2016 à 2018 en ce qui nous concerne. Je le regrette, mais comme c’est signé je n’ai pas d’inquiétude sur le fait que cela sera bientôt connu, le plus tôt sera le mieux. »
8,6 millions d’euros pour attirer ces compagnies
Depuis quatre ans, les collectivités dépensent beaucoup d’argent public pour redynamiser l’aéroport, qui a perdu la moitié de ses passagers avec l’arrivée du TGV Est en 2007. Depuis le 1er juin 2012, des baisses des taxes consenties par l’Eurométropole, le Département du Bas-Rhin et la Chambre de Commerce et de l’Industrie représentent 8,6 millions d’euros sur trois ans. Pour la période 2016-2018, la Région Alsace (devenue ACAL) a ajouté 2,4 millions d’euros, l’Eurométropole et le Bas-Rhin ont maintenu leur participation et la CCI a même augmenté la sienne, soit un total de 11,31 millions d’euros. Dans le contrat triennal, le budget consacré à l’aéroport est l’un des rares postes dont le montant des subventions n’a pas diminué depuis le précédent contrat.
Cette baisse permet d’aligner les taxes d’aéroport avec les cotisations des deux rivaux régionaux. Il faut dire que la situation est ubuesque. À Baden-Baden, c’est l’État français qui, en raison de vieux accords de l’époque où l’armée française y était implantée, paie le contrôle aérien.
Les objectifs revus à la baisse ?
Cette stratégie a permis d’attirer plusieurs compagnies : Volotea, Vueling, Ryanair, EasyJet, SunExpress et Transavia. Mieux, la comapgnie espagnole Volotea a même implanté sa troisième base française, soit une cinquantaine d’emplois. Mais il s’agit de compagnies « low-cost » comme à Baden-Baden et à Bâle-Mulhouse. L’aéroport franco-suisse a vu sa fréquentation passer de 3,3 millions de passagers à plus de 7 millions entre 2005 et 2015. La fréquentation du Baden Airpark oscille autour du million de passagers, comme Strasbourg.
À l’époque, la stratégie de l’aéroport avait été contestée. Ses détracteurs, notamment les écologistes, y voyant un dumping fiscal qui coûtait beaucoup d’argent public par passagers. Ils proposaient notamment de mieux connecter les aéroports à proximité de Strasbourg et de développer le rail. Si la décision de Ryanair et d’easyJet devait se confirmer, voire faire des émules, cela pourrait enrayer les objectifs de fréquentations annoncés. En 2014, le président du conseil de surveillance de la société gérant l’aéroport, Claude Liebermann, tablait sur 1,7 million de passagers en 2017.
Affluence à l’aéroport d’Entzheim
À cela s’ajoute l’argent dépensé dans le cadre contrat triennal, avec la subvention directes de trois lignes dites OSP (obligation de service public). L’État finance à hauteur de 12,8 millions d’euros trois lignes empruntées par les parlementaires européens (vers Amsterdam, Madrid et Prague). La même somme est reconduite dans le contrat 2015-2017. Ces lignes sont aussi en cours d’appels d’offres, qui seront réattribués en avril 2016.
Une autre explication, une fréquentation décevante ?
Lors de son arrivée, le P-DG de Ryanair Michael O’Leary expliquait qu’il fallait un taux de remplissage de 80% à 85% pour que ses vols soient rentables. Or avec 3 allers-retours puis 5 par semaine à partir de mars sur des avions de 189 places pour Ryanair, ainsi que 4 allers-retours sur des A19 (156 passagers) et A320 (180 passagers) d’easyJet, un rapide calcul donne 91 305 passagers pour 159 172 places au total, soit un taux de remplissage de 57% (voir méthodologie dans les commentaires).
Si les compagnies ne communiquent pas sur ces données qu’elles jugent confidentielles, une source à l’aéroport indique que le taux de remplissage était bien supérieur à 80%.
La priorité : rouvrir Roissy
Le silence des financeurs tranche avec les nombreuses prises de positions outragées des élus lors de la fermeture, annoncée en octobre, de la ligne Paris-Orly par Air France (à l’exception à nouveau des écologistes). Pourtant cette décision »était inéluctable » pour Thomas Dubus :
« On le savait depuis plusieurs années. Orly dessert surtout la France. Notre mission c’est de desservir l’international et pour cela, il faut être connecté à Roissy – Charles de Gaulle pour les correspondances. Le Strasbourgeois peut avoir le réflexe du train, mais pas ceux qui viennent d’ailleurs. »
Malgré l’agitation, la fermeture de la ligne vers Orly est actée pour le mois d’avril. Les parlementaires alsaciens ou la CCI expliquent qu’ils font du lobbying auprès d’Air France pour qu’en contrepartie, elle réouvre la ligne Strasbourg-Roissy, qui transportait environ 150 000 passagers par an lorsqu’elle a été fermé fin 2012.
Il y a beau avoir un TGV depuis Strasbourg qui arrive directement dans l’aéroport, cela n’est pas suffisant explique la sénatrice (LR) Fabienne Keller :
« Si on a un avion tôt le matin ou que l’on arrive dans l’après-midi, ce train n’est pas utile. Air France a perdu beaucoup de clientèle. La fermeture de la ligne a été une vraie perte de service. »
En attendant il reste l’Eurostar
Quant à la différence de l’intensité des réactions du monde politique, c’est peut-être Michael O’Leary, qui l’anticipait dès la conférence de presse du retour de Ryanair en 2013 comme le rapportait à l’époque le site Europolitique :
« Quand ils sont en voyage officiel, tous ces bureaucrates ne réservent jamais chez nous. Le prix du billet, ils s’en moquent. Leur contrat de management pour leurs voyages professionnels, avec American Express, ne les autorise pas à voler sur nos avions, parce que nous n’offrons pas de commission aux agences de voyages. Mais le week-end, quand ils décident de rentrer chez eux, c’est différent. »>
En attendant, les Strasbourgeois peuvent rejoindre la capitale anglaise par Baden-Baden, Mulhouse ou avec l’Eurostar via Paris.
Article mis à jour à 15h pour clarifier la non-publication des taxes aéroportuaires et sur le taux de remplissage.
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