1- L’Alsace va-t-elle rester un bastion de droite ?
L’Alsace a toujours été une région avec beaucoup de députés de droite, même lors des moments de gloire de la gauche. En 2012, trois de ses représentants ont même été élus dès le premier tour, malgré l’élection de François Hollande un mois plus tôt. Ces cinq dernières années, la droite et l’UDI ont cumulé 13 députés sur les 15 possibles. Seules deux circonscriptions strasbourgeoises avaient choisi le candidat du Parti socialiste (PS).
Mais depuis, il y a eu la montée d’autres formations, en particulier le Front national, mais aussi les régionalistes d’Unser Land, des percées inattendues de la France insoumise et de Debout La France au premier tour de l’élection présidentielle et bien sûr « La République en Marche » (LREM), le mouvement du président de la République.
De son côté, la droite a déçu en maintenant un candidat, François Fillon, empêtré dans les affaires, puis les invectives. La plupart des candidats alsaciens l’avaient soutenu jusqu’au bout, mais pas tous. Après la désillusion d’avril, la défaite a été mise sur le passif du candidat et n’a pas généré de remise en question profonde. Contrairement à d’autres formations (Debout La France, l’Union populaire républicaine, La République en Marche, La France insoumise), les candidats se sont bien gardés de poser aux côtés de leur ancien chouchou sur les affiches électorales.
Après un quinquennat dans l’opposition, tout le monde n’a pas envie de réitérer l’expérience à droite. Pour cette raison, les candidats se sont dits prêts à voter des lois lors du quinquennat. Mais comme les députés se disent aussi « loyaux » à leur famille politique, difficile de savoir si à l’Assemblée nationale les stratégies et la discipline de parti ne prendront pas le dessus. Lors des débats sur les lois Macron ou loi El Khomri, « Les Républicains » s’étaient dits prêts à voter ces textes, avant de les critiquer.
La question sera de savoir si les candidats de « La République en Marche » et de son allié le Modem bousculent ceux de la droite, implantés depuis des années. En Alsace, la plupart des « mini Macron » sont peu connus. Ils incarnent le renouvellement souhaité par le mouvement, à l’exception de Sylvain Waserman, élu régional Modem et maire de Quatzenheim, candidat à Strasbourg-sud, et de Christian Gliech, maire de Wissembourg. Le positionnement d’Emmanuel Macron pourrait convaincre une partie de l’électorat centriste, historiquement fort en Alsace.
Les scores du premier tour donneront une indication sur les duels de second tour et si les ballottages sont favorables ou défavorables.
2 – Le Front national aura-t-il toujours autant de voix en Alsace ?
Avec une campagne discrète et des déchirements internes sur la question de l’euro, on en oublierait presque que le Front national était arrivé largement en tête Alsace (25,7% des voix) lors de l’élection présidentielle. Si l’on projette ses résultats aux 15 circonscriptions alsaciennes, il arrivait en tête dans 9 d’entre elles. Est-ce que cela sera de nouveau le cas dimanche ?
En revanche, c’est au second tour que la partie sera plus compliquée pour les candidats frontistes. Le parti de Marine Le Pen pourra plus difficilement compter sur des reports de voix que ses futurs adversaires. Son électorat est réparti de manière assez homogène en Alsace. Reste que le parti a continué de progresser au second tour de la présidentielle et donc peut espérer s’approcher des 50% des voix.
À l’échelle de l’Alsace, notons qu’il sera difficile de comparer le nombre de voix « d’En Marche » au FN et aux autres formations présentes partout. Dans la sixième circonscription du Bas-Rhin (Sélestat), la candidate LREM s’est retirée pour problèmes de santé. Mécaniquement, la formation aura « un trou » dans ses scores.
Dans un registre similaire mais dans de plus petites proportions, il faudra garder un œil sur le score de Debout La France. En avril, Nicolas Dupont-Aignan était arrivée cinquième en Alsace avec 6,77% des voix, devant Benoît Hamon (PS).
Le vote de dimanche fera aussi figure de test, après le soutien du leader du parti souverainiste à Marine Le Pen lors du second tour, qui avait provoqué des démissions dans parmi les cadres de DLF. Les électeurs d’avril vont-ils valider ce choix ?
3 – La gauche va-t-elle se saborder ?
PS, Europe Écologie Les Verts (EELV), Parti communiste, France Insoumise… Il y a souvent quatre candidats à la gauche de « La République En Marche ». Quelle formation arrivera en tête dimanche ?
Les résultats des trois circonscriptions de Strasbourg et des environs seront particulièrement scrutés, car la gauche y est plus implantée. Les deux députés PS sortant à Strasbourg-centre (Éric Elkouby) et Strasbourg-sud (Philippe Bies) se représentent.
Le problème pour ces candidats est qu’en cas de duel face à un candidat en Marche, ce dernier pourrait profiter des reports de voix de la droite. Ainsi, un duel face à un candidat de droite, ou une triangulaire en cas de forte participation, serait peut-être plus favorable. Les résultats auront aussi des répercussions sur la majorité municipale de Strasbourg, notamment à Strasbourg-sud.
La disparition totale de la gauche en Alsace est possible, dès dimanche. Et si les candidats PS ont pour la plupart affiché des proximités avec « En Marche », il faudra aussi regarder quelle formation plus à gauche peut prendre la tête de d’une opposition à gauche au futur gouvernement.
4 – Quelle place pour les régionalistes ?
Le nouveau parti régionaliste Unser Land, à tendance écolo-centriste avait déjà un candidat aux législatives de 2012. Mais il a surtout connu un essor à partir de 2014, avec la contestation de la réforme territoriale et la création du Grand Est. Lors des élections départementales en 2015, il avait réuni entre 10 et 15% des voix dans certains cantons. Un beau score pour une première, mais qui n’a pas permis de se maintenir au second tour.
Quelques mois plus tard, aux élections régionales, Unser Land s’était imposé comme la troisième force politique en Alsace (11,1%), avec des pointes au-delà de 30% dans certaines communes. Mais là encore, il n’avait pu se maintenir car plombé par des scores faibles en Lorraine et Champagne-Ardenne. Les électeurs qui n’ont pas pu exprimer leur rejet du redécoupage des régions en avril pourraient le faire ce dimanche 11 juin.
Les scores de dimanche permettront de voir si le parti rouge et blanc a surfé un temps sur un sujet spécifique ou s’il s’ancre vraiment dans le paysage politique alsacien, au point de bouleverser certains équilibres, notamment en zone rurale. Lors des précédentes élections, il a toujours appelé à voter blanc au second tour. Son prochain rendez-vous devrait être les municipales en 2020, les européennes de 2019 étant peu propices. Le score par commune méritera une attention particulière.
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