Fin décembre, la première secrétaire fédérale du Parti socialiste (PS) bas-rhinois, Pernelle Richardot, était on ne peut plus claire :
« L’année 2017 est déterminante pas seulement pour le PS, mais aussi pour notre modèle démocratique. Mais je ne suis pas sûr que tout le monde l’ait bien compris. »
Car de nombreuses échéances attendent le PS cette année, et le Parti n’est pas très bien placé. La première échéance délicate arrive très vite, dès les 22 et 29 janvier avec l’élection présidentielle primaire, ouverte à tous les électeurs moyennant 1€ ou plus, pour désigner le candidat de l’alliance socialiste à l’élection présidentielle. La campagne sera donc très très courte.
Tant mieux pour l’organisation, qui peine à mobiliser des militants socialistes essorés après cinq années de gouvernement parfois loin de leurs convictions, mais tant pis pour la mobilisation des électeurs qui auront sans doute du mal à reprendre le chemin des urnes après des mois de campagne intense à droite. Néanmoins, les électeurs seront attendus dans 74 bureaux de votes dans le Bas-Rhin. Il y en avait 90 en 2011, mais à Strasbourg, ce nombre reste identique avec 33 bureaux de vote.
Premier enjeu, la mobilisation pour la primaire
Les cadres locaux comme nationaux du PS espèrent évidemment que cette élection primaire soit « une réussite », autrement dit, qu’elle affiche une « belle mobilisation ». C’est essentiel car la campagne pour l’élection présidentielle suit immédiatement et l’élan du candidat socialiste dépendra directement de l’impulsion de l’élection primaire. Rares sont les objectifs chiffrés, même si Manuel Valls a parlé de « succès entre 2 et 3 millions d’électeurs ».
Elle sera en tout cas comparée aux 2,7 millions de votants de la primaire socialiste de 2011 et aux 4,3 millions de votants qui se sont déplacés pour la primaire de la droite et du centre, fin novembre 2016. Secrétaire de la section Bourse – Esplanade – Krutenau, Thomas Risser est très inquiet :
« Tout était prévu depuis des mois pour soutenir une candidature unique de François Hollande… Maintenant évidemment, on se retrouve avec une pré-campagne éclair et de grosses interrogations sur la participation. En novembre 2011, nous avions 25 militants sur le dispositif. Sur ceux-là, 20 ont quitté le parti entre temps ! On est parvenus à trouver une dizaine d’assesseurs, mais ce sera tendu. Il ne faut pas qu’une grippe survienne ! »
Au moins, note Pernelle Richardot, laisser choisir les citoyens non-encartés est devenu « un principe incontournable » :
« C’est vrai pour les présidentielles et j’espère que ce sera le cas pour les prochaines élections municipales, notamment à Strasbourg. Je plaide en ce sens. Mais ce n’est pas un congrès avant l’heure. L’objectif, c’est de décider l’homme ou la femme la mieux à même de porter les couleurs socialistes pour le scrutin suprême. »
Sept candidats, pas toujours évidents à départager
Pour rappel, sept candidats sont en lice : l’ancien Premier ministre Manuel Valls, le député européen Jean-Luc Benhamias, le député François de Rugy, la présidente du Parti radical de gauche Sylvia Pinel, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Benoît Hamon, l’ancien ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg et un autre ancien ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon.
Les candidats ont du mal à faire émerger des idées fortes, se concentrant surtout sur la mise en avant de leur personnalité. Néanmoins, Voxe.org essaie tout de même de comparer les programmes des candidats, thématique par thématique (voir le comparateur ici).
Manuel Valls fraîchement accueilli à Strasbourg
Après Vincent Peillon, Manuel Valls est venu à Strasbourg le 22 décembre. L’ancien Premier ministre s’est promené dans les rues du Marché de Noël. Il a été accueilli par plusieurs élus locaux, dont le président de l’Eurométropole Robert Herrmann (PS) et le député Éric Elkouby (PS), soutiens de la première heure, mais aussi le maire Roland Ries (PS), aperçu en juillet au premier meeting d’Emmanuel Macron avant de ne plus soutenir l’ancien ministre de l’Économie et affirmer sa loyauté au PS.
Si Manuel Valls a pris beaucoup de photos avec les passants, le moment retentissant a été son enfarinage devant le Café Broglie. Lors de ses imitations sur Europe 1, Nicolas Canteloup fait répéter à tue-tête « Je suis sympa » à Manuel Valls sur un ton martial. Les sketchs de l’humoriste illustraient bien sa réaction : « c’est de la farine sans gluten, un hommage à mon régime alimentaire », a plaisanté le candidat avec un second degré qu’on lui connaissait peu. Après tout, François Hollande avait bien subi le même sort en 2012 avant d’être élu président.
Reste que l’accueil strasbourgeois n’a pas été des plus chaleureux et ce n’était pas seulement dû aux températures. Lors de sa déambulation, beaucoup de passants sont restés indifférents, voire hostiles. Peu l’ont sincèrement encouragés. Certains ont été discrètement écartés par le service d’ordre. En fin de journée, un moment d’échange n’a réuni que quelques dizaines de militants et d’élus au café Rive gauche. Il n’y a pas eu de meeting ou d’annonce particulière.
Manuel Valls en campagne à #strasbourg . Pas de meeting, mais une petite rencontre avec des militants. #PrimaireGauche pic.twitter.com/ruQxtFMyx0
— Jean-François Gérard (@jeanfrancgerard) December 22, 2016
Valls préfère ignorer les pronostics
Si le PS n’est pas présenté comme favori de cette élection présidentielle, il pourrait même être absent du second tour, Manuel Valls a tenu à rassurer les quelques militants présents :
« Il y a quelques mois tout le monde pensait qu’Alain Juppé non seulement gagnerait la primaire de la droite, mais qu »il serait président. Et nous aussi on faisait cette erreur, car on avait cette grille de lecture. Je suis convaincu que la candidature de François Fillon représente un danger pour la France. Je respecte l’homme, mais la mise en cause de notre modèle social est dangereuse. »
Autrement dit, les positions radicales de François Fillon, sur la Sécurité sociale ou les fonctionnaires notamment, pourraient peut-être réveiller une gauche anesthésiée par cinq années de politique plus sociale-libérale que socialiste. Pendant ses années comme Premier ministre, Manuel Valls a plusieurs fois brusqué la gauche de la gauche, et il a eu recours à l’article 49-3 de la Constitution six fois, notamment pour que la loi réformant le Code du travail soit avalisée sans vote.
Pour remobiliser les militants, merci la droite !
Au sein du PS, ces épisodes ont laissé des traces, un courant « frondeur » s’est solidement constitué et de nombreux électeurs de gauche ne veulent plus entendre parler de Manuel Valls, ni même du Parti socialiste. Le PS se réjouit donc que François Fillon porte les couleurs de la droite, ses déclarations et l’évocation de son programme ont au moins eu le mérite de rappeler les différences qui peuvent exister entre les deux grands partis de gouvernement.
Si les règles de l’élection primaires stipulent que les participants devront tous soutenir « le vainqueur, quel qu’il soit », on ne peut pas forcer les sympathisants à s’enthousiasmer pour un candidat qui a piétiné une partie de leur idéaux pendant cinq ans. Tous ont encore en tête l’épisode sur la déchéance de nationalité, que Manuel Valls a défendue. Or dans une campagne, surtout très courte comme celle-là, la mobilisation des militants de base est déterminante.
À Strasbourg, beaucoup d’élus derrière Manuel Valls
Parmi les élus socialistes strasbourgeois en revanche, la plupart soutient Manuel Valls. Outre le maire de Strasbourg Roland Ries, le président de l’Eurométropole Robert Herrmann et le député Éric Elkouby, on compte aussi l’ancienne maire Catherine Trautmann. Conseillère régionale et première secrétaire fédérale, Pernelle Richardot a aussi rejoint Manuel Valls, après avoir œuvré en vain à Bondy avec Martine Aubry pour pousser Christiane Taubira à une candidature.
Parmi les élus de la majorité strasbourgeoise, deux adjointes au maire non-encartées (Christel Kohler et Nawel Rafik Elmrini) soutiennent Emmanuel Macron. Les adjoints dits de « l’aile gauche du PS », Paul Meyer et Jean-Baptiste Gernet, soutiennent Benoît Hamon, Le député Philippe Bies et l’adjoint au maire et conseiller départemental Mathieu Cahn ont choisi de soutenir Vincent Peillon. D’autres ne se sont pas prononcés comme le sénateur Jacques Bigot ou le premier adjoint au maire de Strasbourg Alain Fontanel. Quant à Arnaud Montebourg, il a le soutien de militants locaux, mais beaucoup ont quitté le parti depuis 2012.
Le délicat problème des législatives
De plus, le PS doit déjà se préparer à une autre échéance délicate, celle des élections législatives, les 11 et 18 juin. Le nombre de députés socialistes élus dépendra fortement du résultat de l’élection présidentielle, et aussi de la capacité d’Emmanuel Macron de proposer des députés « En Marche ».
Dans le Bas-Rhin, les trois circonscriptions « gagnables » par le PS (les 1-2-3 qui concernent Strasbourg et ses environs) sont attribuées à des hommes : Philippe Bies et Éric Elkouby, les deux sortants et l’adjoint au maire et conseiller départemental Serge Oehler. Éric Elkouby a pris ses distances avec la municipalité et Serge Oehler sera plutôt outsider dans le nord. Il dispose déjà de deux autres mandats. Pour Philippe Bies qui a toujours gardé un œil très attentif sur les affaires locales, une défaite serait plus fâcheuse pour son positionnement. Il resterait néanmoins conseiller municipal et de l’Eurométropole.
Pour les six circonscriptions à la campagne, peu favorables à la gauche électoralement, les investitures sont repoussées après les primaires, explique Pernelle Richardot :
« L’enjeu n’est pas juste trouver un candidat pour trouver un candidat, mais de trouver quelqu’un de durable, qui puisse se projeter jusqu’aux municipales de 2020. Et je ne crois pas aux parachutages. »
Bonne chance.
Des Socialistes prêts à tendre la main ?
La première secrétaire fédérale a lancé des discussions avec le Parti radical de gauche, Europe Écologie – Les Verts (EELV) et le Parti communiste. Prenant exemple sur la « gouvernance » initiée par Robert Herrmann à l’Eurométropole (des maires de droite et indépendants ont rejoint une majorité socialiste), elle estime que « le bloc contre bloc n’a plus de sens » :
« À la Région Grand Est (où elle est élue conseillère, ndlr), sur des sujets comme les transports, l’Université ou les lycées, on peut avoir des différences mais ce sont des ajustements. On peut partir chacun sous ses couleurs aux élections et ensuite discuter. À Strasbourg, on a plus de discussions stratégiques au bureau de l’Eurométropole, avec les maires issus de différentes sensibilités politiques, qu’en réunion d’adjoints. »
Est-ce déjà envisager un PS minoritaire mais toujours présent dans les décisions, malgré une extrême droite forte ? Les succès ou les déboires électoraux mèneront au congrès du PS, à l’automne, lors duquel les militants voteront sur des motions, sensées définir les orientations du Parti.
Pour la première secrétaire, le PS aura surtout besoin de se réformer, en s’appliquant le principe de la décentralisation dans ses décisions et en laissant plus de place aux militants pour proposer un programme aux candidats des primaires, « car pour l’instant, on n’y est pas. » Mais un parti peut-il débattre sans imploser ? Ce sera une intéressante question que les militants qui resteront pourront se poser… en 2018.
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