À la fin de l’année 2014, Thibauld Favre, développeur web originaire d’Obernai, a voulu répondre à un sentiment qui se répétait à chaque élection. Comment cela se fait qu’à chaque élection, on vote par dépit ?
« Le point commun de tous les candidats, c’est qu’ils sont membres d’un parti politique, alors que 87% des français disent ne plus avoir confiance dans les partis. Seules 375 000 personnes sont adhérentes d’un parti en France et eux seuls invitent les autres à se prononcer. En France, on est certes très déçu, mais quand même très politisé. Du coup, une majorité de gens a besoin de la politique, mais ne s’y retrouve pas. Je voulais faire changer les choses, sans faire une révolution. Et comme je suis bien incapable de présenter un programme, j’ai décidé mettre mes compétences pour créer un outil qui sert à tout le monde. »
C’est alors que vient l’idée avec son associé David Guez, avocat à Paris, d’organiser une « primaire citoyenne » pour l’élection présidentielle de 2017. Un projet sur lequel ils travaillent depuis le début de l’année 2015. David Guez s’occupe de l’organisation, tandis que Thibauld Favre gère la partie informatique depuis New York, d’où il enchaîne les allers-retours vers la France lors des différents les événements de la primaire citoyenne.
Une primaire, c’est quoi déjà ?
Une primaire, c’est un processus sélectif qui sert à déterminer le candidat pour une élection. Les primaires sont souvent internes aux partis politiques, mais le PS avait innové en 2011 en laissant tous les Français voter (pour 1 euro et en signant une charte d’adhésion aux valeurs de gauche) avant la présidentielle en 2012.
À Strasbourg, le PS avait organisé une primaire interne avant les élections municipales de 2014, même si le but était surtout de se placer pour les municipales de 2020. Pour l’instant, ce sont les ambitions de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Bruno Le Maire et François Fillon pour la future primaire de la droite et du centre qui animent les discussions des observateurs politiques, tandis qu’à gauche certains intellectuels et personnalités aimeraient aussi une primaire. En 2011, François Hollande avait promis que même s’il était élu président en 2012, il se prêterait à l’exercice en 2017. Mais cela risque de rejoindre la liste des promesses enterrées.
La primaire citoyenne, mode d’emploi
L’ambition de la primaire citoyenne est simple : que n’importe quel Français, en dehors de tout cadre d’un parti politique, puisse participer pour ensuite concourir à l’élection présidentielle. Pour cela, il faudra convaincre. D’abord, 500 soutiens jusqu’au mois de juin. Ensuite, pendant l’été, « La primaire » proposera aux candidats de se rencontrer, voire de se rapprocher, notamment ceux qui s’engagent sur un sujet précis sans avoir un programme d’ensemble.
Si après cela plus de 15 candidats demeurent, une étape de pré-selection par les citoyens sera réalisée afin de sélectionner parmi eux la dizaine de candidats les plus représentatifs. Chaque inscrit rencontrera 10 candidats tirés au sort (pour éviter qu’un parti infiltre l’élection et fasse gagner son candidat) et aura 10 points à distribuer librement. Par exemple, 10 pour 1 candidat et 0 pour les autres ou 6, 3 et 1 pour les trois premiers, etc.
De cela, une poignée de candidats « crédibles » devrait émerger. C’est en tout cas l’espoir des organisateurs qui s’engagent à ne pas être candidat, ni de favoriser l’un ou l’autre. Tous les détails seront présentés lors d’une réunion d’information jeudi 4 février à 19h à la Maison des associations à Strasbourg.
L’appli la primaire.org en 1 minute, avec une musique qui donne la pêche !
Entre septembre et décembre, ce sera le temps des débats dans une quinzaine de grandes villes. Le vote, dont le mode de scrutin reste à définir, se déroulera en décembre 2016, soit après la primaire de la droite et du centre de novembre.
Pour diminuer les coûts, les principales démarches, dont le vote, se dérouleront sur l’application (encore en développement) et le site laprimaire.org, mis en ligne depuis octobre. Thibauld Favre se charge de garantir l’intégrité de l’élection numérique, en s’inspirant de logiciels utilisés par le mouvement Podemos en Espagne.
Une fois le candidat de la société civile désigné par ses pairs, l’association s’engage à obtenir les 500 parrainages auprès des maires, condition obligatoire pour se présenter à l’élection présidentielle en France. Pour le moment, l’association vit grâce à des dons, plus de 40 000 euros à ce jour, et le travail d’une dizaine de bénévoles.
12 000 personnes prêtes à participer
Plus de 12 000 personnes se sont pré-enregistrées, le lancement du site et les élections régionales ayant accéléré les choses. Mais pour que la primaire aille jusqu’au bout de son ambition, Thibauld Favre explique qu’il faudra convaincre beaucoup plus de monde :
« Notre seule condition pour la tenue de la primaire, c’est qu’il y ait 100 000 votants. L’idéal se serait environ 500 000, soit plus que le nombre d’adhérents à des partis politiques en France. Beaucoup de personnes issues des expériences Nouvelle Donne et Nous Citoyens (deux petits partis de gauche alternative et de droite libérale ndlr) se sont tournés vers nous, ainsi que des chefs d’entreprise, mais les profils sont très variés. La seule chose qu’on défend, c’est un lien de confiance entre citoyens et candidats.«
Le projet de la primaire citoyenne a déjà été présenté en 2015 à Lyon, Toulouse, Bordeaux et Nantes. Avec Strasbourg le 4 février, les autres villes prévues début 2016 sont Rennes, Lille et Marseille.
Y Aller
Présentation de la primaire citoyenne, jeudi 4 février à 19h à la Maison des associations, 1a place des orphelins à Strasbourg.
Aller plus loin
Sur Rue89 : Peut-on réenchanter la politique grâce à des sites participatifs ?
Sur laprimaire.org : le site de la primaire citoyenne
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