Des camions sanitaires en travers de la chaussée, des blocs de béton maladroitement recouverts de branches de sapins, des trous dans les pavés du tram et des barrières, beaucoup de barrières, c’est la première image qu’ont de nombreux touristes lorsqu’ils arrivent au centre-ville de Strasbourg pour se rendre au Marché de Noël.
Il faut reconnaître que ce n’est pas très glorieux mais le check-point festif est un concept encore à inventer, peut-être qu’il a de l’avenir. Juché sur mon vélo, je me suis demandé si les contrôles et les palpations promis lors des multiples conférences de presse seraient de nature à casser l’ambiance. Mardi en milieu d’après-midi, j’approche du point de contrôle pont du Corbeau, deux vigiles en gilets jaune fluo me regardent du coin de l’oeil mais ils me laissent passer sans me fouiller.
Un peu frustré, et vexé, je ressors. Je longe la Grande Île par le sud pour retenter ma chance par le pont Saint-Nicolas. Je prends mon meilleur air conspirateur et là, une paire similaire de vigiles m’arrête. L’un d’entre eux regarde rapidement dans mon sac : un carnet de notes, un stylo… Ça va, je ne suis pas une menace contre la sécurité nationale. Je passe en notant que ce contrôle a eu lieu sous le regard de deux policiers. Malgré l’exiguïté du point de passage, aucun d’entre eux ne m’a demandé de descendre de mon vélo.
Mousqueton et calissons
Me voilà place Saint-Thomas où quelques touristes flânent entre les chalets illuminés. Il n’y a pas foule mais la première semaine du Marché de Noël est connue pour être la plus calme. Je ne vois aucun policier à l’horizon. Les commerçants sont détendus, et les litres de vin chaud partent bien alors que la température flirte avec le zéro degré. Je croise une patrouille de trois CRS. L’un d’entre eux porte un mousqueton en bandoulière. La vue du fusil d’assaut pourrait impressionner mais le policier est plutôt occupé à négocier des boules de Noël. L’histoire ne dit pas s’il a eu un bon prix grâce à son armement…
Est-ce qu’ils font partie de ces policiers qui défilent à la nuit tombée pour protester contre leurs conditions de travail ? Mystère mais ils admettent qu’après des mois de castagne autour de la « Loi Travail », patrouiller en calot dans les rues illuminées du centre-ville de Strasbourg n’est pas la plus désagréable des missions.
Direction la Cathédrale. En passant par le village du Portugal, place Gutenberg, je croise une autre patrouille de CRS. Les forces de l’ordre sur le parcours sont très présentes mais pour autant, pas envahissantes. De nombreux policiers sont en fait en attente dans leurs camionnettes stationnées un peu partout aux abords des marchés, plus ou moins discrètement. Je croise aussi plusieurs patrouilles de militaires de l’opération Sentinelle, alors que le préfet avait pourtant indiqué qu’ils seraient confinés à l’extérieur du périmètre.
La bonne opération du marché des délices
Place de la Cathédrale, une rangée de chalets tourne le dos à Notre-Dame. Ce n’est pas du meilleur effet mais le nombre de chalets a été réduit pour permettre les manœuvres des véhicules… de policiers. Là, leur présence est nettement plus visible. Deux camionnettes stationnent devant la Poste, une demi-douzaine de policiers municipaux et nationaux devisent des avantages comparés de leurs fonctions. Un vigile avec une thermos de café leur en propose. Refus poli. Je croise à nouveau deux policiers, mais d’un autre genre cette fois, avec une arme longue portée, des casques et des gilets pare-balles.
Toujours à vélo, je me rends sans problème place du Château. Les commerçants du marché des délices de Noël, auparavant installés place d’Austerlitz, apprécient leur nouvel emplacement. Ils ne sont plus « trop tôt ou trop tard » dans le cheminement des touristes. En voilà qui ne voient que du positif dans les contraintes de sécurité ! On entend toutes les langues du monde parmi les amateurs des délices, mais surtout de l’allemand et des pays de l’Est.
Vigiles, 10 heures dans le froid
Place Broglie, deux vigiles en gilets jaunes regardent passer les touristes nonchalamment. Il faudrait vraiment avoir l’air belliqueux pour que ceux-là prennent l’initiative de vous arrêter. C’est qu’ils entament leur huitième heure de veille statique, transis par le froid. Salariés intérimaires de GVS (Groupe Valliance sécurité) payés au smic, ils doivent assurer leur mission de 10h30 à 20h, avec 2 pauses royales de 30 minutes. Plus de 150 vigiles sont mobilisés pour cette 446ème édition du Marché de Noël.
Aksil n’en peut déjà plus de ce boulot, c’est, dit-il, « le métier le plus difficile que j’ai fait jusqu’à présent. Et ça ne vaut pas le coup à la fin du mois ». Son bonnet enfiché, il passe son temps à renseigner les touristes en fait. La Cathédrale, c’est tout droit, la Petite-France, sur votre droite, les toilettes ? Vous en avez un peu plus loin… Depuis le début du Marché de Noël, Aksil n’a fouillé que trois personnes. Ses cibles, ce sont surtout les « bandes de jeunes » et les pickpockets.
Deux grand-mères belges arpentent le Christkindelsmärik. Les mesures de sécurité ? Quelles mesures ? « Oh oui, on voit beaucoup de gendarmes », répond l’une d’elle. « On se sent vraiment en sécurité. » C’est l’essentiel.
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