Sale temps pour les poulets ! L’enseigne de fast-food KFC va racheter le fonds de commerce de pâtes italiennes Francesca à l’entrée de Schiltigheim, à côté du McDonald, au nord de Strasbourg. Pour accompagner l’arrivée du géant américain de poulet frit, la Ville de Schiltigheim vend une partie de ses terrains (pour 109 650€), afin de lui permettre d’agrandir la maison alsacienne et d’ajouter un parking privé de 24 places.
Le maire de Schiltigheim Jean-Marie Kutner (UDI) se félicite de l’opération :
« L’arrivé de KFC va entraîner la création de 60 emplois qui seront suivis par le service insertion de la mairie. Beaucoup de jeunes de la commune me le demandent. Certains sont de confession musulmane, or McDonald ne propose pas de viande halal (le site de KFC indique ne pas proposer non plus ce type de viande, NDLR). Je sais que certains s’agitent, mais personne n’est contraint d’aller y manger. »
Un intérêt qui remonte à 2011
L’enseigne du Kentucky avait déjà manifesté son intérêt dès 2011 en voulant racheter ces terrains dont le parking public. La municipalité, à l’époque socialiste et écologiste, n’avait pas souhaité accéder à cette « dégradation de l’espace public », raconte Nathalie Jampoc-Bertrand (PS), élue d’opposition :
« Le parking public à côté avait été horodaté pour qu’il y ait une rotation des voitures pour Francesca. Il y a toujours de la place dessus, il n’y a pas de nécessité de créer un nouveau parking. C’est une privatisation de l’espace public, un des rares espaces verts de la commune, qui n’est pas acceptable. »
Le maire répond que les espaces vendus ne seront pas uniquement remplacés par du béton :
« Ce sera un parking arboré et avec des espaces végétalisés. Je me suis aussi intéressé au bilan carbone et, de tête, 16 arbres absorbent environ 120 kilogrammes de carbone de CO2, soit plus qu’un hectare de prairie, environ 60 kilos. »
Coté écologistes, Danièle Dambach s’inquiète aussi de l’avenir du secteur où le parc de l’Aar est « le seul grand parc ouvert à toute heure » :
« Il n’y a eu aucune réunion d’information sur le sujet. C’est l’omerta. »
Cette implantation et le réaménagement n’est pas le seul projet à l’étude autour de ce petit espace vert.
Un pont pour voitures ?
Le plus imminent serait celui d’une « passerelle automobiles », autrement dit un pont, histoire de raccorder les bureaux et les parkings du Crédit mutuel à Schiltigheim. La rue du Tribunal se termine en impasse à cet endroit. Le point 13 du conseil municipal de novembre 2016 annonce clairement un déclassement de parcelles dans cette optique.
Quelques mois plus tard, le maire indique qu’il s’agit d’une maladresse des services :
« La délibération était une erreur de l’administration où plusieurs terrains avaient été mélangés avec l’arrivée de KFC. C’est un projet de l’Eurométropole (dont Jean-Marie Kutner est l’un des 20 vice-président) et on n’a pas donné de réponse, ni positive ni négative. On va regarder quel impact cela aura sur le trafic pour se prononcer. »
Il faut dire que la rue du Tribunal est un double sens simple qui ne peut pas être élargi, car le parc avec la statue du baigneur est protégé par la trame verte, ces espaces naturels continus autour de Strasbourg. La passerelle donnerait sur le carrefour Mendès France, traversé par le tramway et déjà congestionné aux heures de pointe.
Ces explications ne convainquent qu’à moitié Nathalie Jampoc-Bertrand :
« Il y a des choses écrites dans une délibération et après on nous dit l’inverse. Il y a un besoin de clarification. Du côté du Crédit mutuel, le projet semble concret, même si ça peut être une manière de mettre la pression. »
Quant à Danièle Dambach, elle estime que les jalons sont déjà posés pour sa construction :
« L’artificialisation autour du KFC est la porte ouverte à la future passerelle. »
L’accessibilité en voiture du futur quartier d’affaires au Wacken, déjà difficile aux heures des pointe a souvent été questionné. Les porteurs du projet, la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg y voient là une manière de fluidifier les arrivées de voitures via le nord, bien que la majorité des accès se fassent par l’autoroute, au sud.
Des terrains constructibles mais pas de projet
Enfin, à plus long terme, les documents du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) voté fin décembre pour toute l’Eurométropole interrogent. À l’exception des petits jardins partagés, les terrains du parc de l’Aar et des installations sportives jusqu’à la piscine du Wacken sont classés en zone UE, ce qui signifie des « secteurs dédiés au développement d’équipements publics ou d’intérêt collectif. » Un terme « vague » et « sans limite de hauteur » relève Danièle Dambach.
Cette zone était avant classée en espace naturel selon l’opposition socialiste. Il s’agit d’une réserve, c’est-à-dire que la commune ou l’Eurométropole sont prioritaires en cas de construction.
L’adjoint à l’urbanisme, Pierrick Poisbeau, assure que la municipalité de Schilitgheim n’a pas de projet et que les règles du PLU « ont renforcé la protection du parc ». Le document indique que, de manière générale, on ne peut pas construire à moins de 15 mètres des bords de l’Aar, qualifié de corridor écologique à préserver et en raison des risques d’inondations. « S’il n’y a pas de projet, pourquoi rendre les terrains constructibles ? La pression sur ce lieu est déjà assez forte, ce n’est pas la peine d’en rajouter. », s’interroge Nathalie Jampoc-Bertrand.
La classification des terrains dans le PLU
Extensions de terrains sportifs ?
Le tome 5 du document de présentation avance même un projet précis : « une extension des installations sportives riveraines de la rue de la Glacière et aménagement d’espaces verts et de loisirs le long de l’Aar et de l’Ill ». Le PLU pointe un avantage, »ces installations permettent de donner à voir le paysage de l’Ill », mais s’inquiète dans la partie inconvénient de son impact :
« Les emprises prévues risquent de de fragiliser les continuités écologiques en confortant les accès humains sur l’ensemble du linéaire de l’Ill. Risque d’imperméabilisation au sein des zones inondables par submersion et par remontée et débordement de nappe. »
La durée de vie du PLU est souvent estimée à une quinzaine d’années. La description fait penser à une extension de l’Île aux Sports non loin de là, entre le Wacken et la Robertsau.
Trame verte mais d’un seul côté
Sur le plan du zonage, la trame verte, c’est-à-dire les espaces naturels à préserver, est dessinée d’un seul côté de l’eau, comme si la nature investissait une rive mais pas l’autre. Ce qui fait dire à Nathalie Jampoc-Bertrand :
« Les objectifs du PLU sont sains, mais les projets immobiliers à Schiltigheim et leurs conséquences en déplacements le contredisent. »
À terme, le petit espace pourrait alors devenir stratégique et convoité. Au sud, le quartier d’affaires au Wacken, dont la commercialisation des premiers bureaux et logements a été rapide, tandis que sa deuxième phase est suspendue au déménagement des halls du parc d’exposition, elle-même reportée. À l’est, il ne manque que la piste en tartan et les abords du stade de l’Ill pour que « l’Île aux sports » soit complètement achevée.
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