Les réseaux antifascistes strasbourgeois se sont mobilisés samedi contre l’installation d’un local du « Bastion social » à Strasbourg, appelé l’Arcadia. Ils étaient 350 selon les forces de l’ordre à manifester contre l’ouverture du bar associatif à l’idéologie proche de l’extrême-droite identitaire et néofasciste, prévue le même jour rue Vauban, dans le quartier de l’Esplanade (voir ici une vidéo sur le début du cortège).
La manifestation antifasciste, suivie par presque autant de gendarmes mobiles que de participants, est partie du quartier gare pour se diriger vers la Krutenau, en passant par les Halles, la place de la République et la place de Zurich. À la fin de la manifestation, les organisateurs ont demandé à la foule de se disperser rapidement pour éviter toute rencontre avec les membres du « Bastion social. »
Pour le collectif Justice et Libertés, le Bastion Social « n’hésitera pas à organiser (…) des distributions de soupe au cochon ou des apéritifs saucisson-vin rouge, dans le but d’exclure des citoyens en détresse de confession musulmane ou juive. »
« Pas de facho dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos » ont scandé les manifestants. Parmi eux, Bastien et Mathieu ont tous les deux 21 ans et rappellent qu’au centre de Lyon, les groupes identitaires comme le GUD, dont la section strasbourgeoise s’est dissoute dans le Bastion Social, sont à l’origine de violences et de manifestations discriminatoires.
À la tête du cortège, il y a les jeunes communistes et les membres de la Brigade Anti Fasciste (Baf). Mickaël en fait partie et trouve scandaleux de laisser L’Arcadia s’installer :
« On nous parle souvent de la liberté d’expression et on justifie ou on accepte l’ouverture de ce bar grâce à ça. En fait, avec ce discours on protège ceux qui souhaitent couper la tête à la République. Ils organisent des actions très violentes et racistes ; à la sortie des stades par exemple, on en a déjà vu. Ce sont des agressions. Dans le vieux Lyon, des commerçants se sont fait agressés. »
La municipalité appelée à s’impliquer
Les manifestants scandent « Alerte antifasciste » et essaient d’attirer l’oeil des passants. Mais pour Frédérique, 40 ans, il ne s’agit pas seulement de mobiliser les habitants de Strasbourg, mais aussi la municipalité :
« Je m’oppose à l’installation du local fasciste à Strasbourg. Sous couvert de vouloir combattre la misère, ils répandent des idéologies racistes, antisémites, homophobes, etc. Le rejet. Quand j’ai entendu parler de cette histoire, je n’ai pas vraiment eu peur, j’avais envie d’agir, de militer. On aimerait interpeller la municipalité, les Strasbourgeois, que chacun se rende compte. La position officielle de la mairie ne me parait pas assez ferme. Ils devraient faire plus ! Le fascisme est un fléau. Aujourd’hui, je suis curieuse de voir si ce local va tenir. J’ai peur, vu la précarité qui touche nombre de personnes, que cette idéologie raciste se développe. Je suis là pour défendre les valeurs de la République. »
François a 49 ans, lui aussi est présent pour défendre les valeurs républicaines :
« Lutter contre le fascisme a sa place sur la place publique. En une semaine, cette manifestation a réussi à mobiliser largement. Pour moi, l’ouverture de cette salle, c’est de la connerie autorisée. Nous sommes ici dans un rôle préventif. Dans la manifestation, il y a de tout, toutes les instances politiques, intergénérationnelles. On représente le beau Strasbourg, celui qui doit perdurer. Je reste confiant pour l’avenir, confiant dans notre capacité à réagir. »
Roland Ries, maire de Strasbourg a dénoncé dans un communiqué « l’idéologie du rejet » prôné par le Bastion Social. Mais pour les manifestants interrogés, la réaction du maire n’est pas à la hauteur de la menace.
Plusieurs adjoints au maire sont présents lors de la manifestation, dont Eric Schultz (La Coopérative). Il scrute les aspects légaux de l’ouverture du bar associatif :
« Pour l’instant, on en est à une déclaration d’intention. S’ils venaient à enfreindre la loi, nous pourrons avoir d’autre arguments que la protestation qu’on a aujourd’hui. On suivra cela de près, jusqu’à ce que le problème disparaisse. »
Julie et Lola, 21 et 22 ans, sont présentes pour demander la fermeture claire et nette de l’Arcadia. Julie l’affirme :
« Ce n’est pas juste une manifestation comme ça. Je suis sûre qu’il y en aura d’autres. »
Pour un membre du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), l’installation de ce bar est une augmentation de violence assurée :
« Il faut alerter la préfecture, les citoyens. Aujourd’hui vers 13h50, des fascistes sont venus rue du Faubourg-National. Nous avons tendu une corde pour y accrocher des messages contre l’ouverture de ce bar. Ils sont venus et ont tout décroché, ils ont déchiré les messages affichés. Ce n’est pas grand chose mais ça montre leur état d’esprit. Lors d’une manifestation en mai, ça avait mal tourné avec eux. S’ils restent, ce n’est que le début. »
« Aujourd’hui, les fascistes ne se cachent plus »
Julien et Jeanny, 37 et 38 ans, sont venus en famille avec leurs deux enfants. Ils sont là pour militer contre fascisme, à Strasbourg comme ailleurs :
« Ma fille a 4 ans et demi, c’est important pour nous de lui montrer ce que c’est que le fascisme. Nous habitons dans le quartier gare et elle me pose beaucoup de questions sur les personnes dehors, le racisme, etc. J’essaie de lui expliquer. Moi je suis en colère. Je ne suis pas d’origine alsacienne et quand je suis arrivée ici, j’ai ressenti une ambiance raciste. Je travaille avec des enfants, et parfois ils ont des réactions douteuses en ce qui concernent les personnes qui n’ont pas la même couleur de peau qu’eux. Je sais que cette manifestation ne changera pas grand chose, mais c’est important de sensibiliser la population et la municipalité. »
Un autre slogan est lancé : « les fachos au fond du Rhin, » suivi de »Elsass frei, facho rauss ». Les drapeaux des jeunes communistes et de la Baf sont toujours à l’avant du cortège. Plus loin, la France Insoumise et la CGT, ainsi que nombre de drapeaux noirs des mouvements anarchistes. Christian et Alain, 70 et 72 ans, font partie de la trentaine de militants insoumis présents. Pour Christian, c’est l’incompréhension:
« Je n’arrive pas à comprendre que des gens puissent dire qu’il y a des différences entre les êtres humains. »
Alain quant à lui, est un ancien professeur d’allemand, il dresse un parallèle entre les deux pays :
« Je suis allé à Dresde en Allemagne. Là bas nous somme allés voir la maison des Jeunes qui est prise en main par des fascistes. Je n’ai rien inventé, ils s’en revendiquaient ouvertement. Aujourd’hui, ils ne se cachent plus. »
Christine Kaïdi a été candidate aux élections législatives pour la France Insoumise à Strasbourg. Elle continue son combat contre l’extrême-droite qui tend à s’installer en Alsace selon elle :
« Ma première réaction en entendant cette affaire de « Bastion Social » était la colère. Ces gens diffusent leur idéologie raciste grâce à la misère sociale. Malheureusement, je suis sûre que beaucoup de gens tomberont dans leur panneau avec ces actions en faveur de personnes défavorisées. C’est très dangereux. »
Au fur et à mesure de l’avancée de la manifestation, les slogans deviennent de plus en plus violents. On entend : « les fascistes, on les cramera, l’Arcadia on n’en veut pas ».
Après moins de deux heures, les militants sont invités à se disperser et à ne pas chercher à tomber sur les membres du Bastion Social dans les bars en soirée. Jules, qui fait partie du collectif qui a créé la page Facebook Fermons l’Arcadia, local fasciste à Strasbourg, 28 ans affirme :
« Je suis satisfait de cette manifestation. On le sent, c’est un début. On voit qu’on peut travailler ensemble entre associations, syndicats et groupes politiques. On a réussi à réagir rapidement. Selon moi, les personnes ne sont pas assez au courant de l’ouverture de ce local, c’est pourquoi il était important de défiler dans les rues. Nous avons fait entendre notre voix pour montrer qu’on était là et qu’on arrêterait pas. En manifestant contre cela, nous n’agissons pas simplement pour une cause locale. Le fascisme est bien là, il faut lutter. Cette manifestation a montré que nous pouvons rassembler. »
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