Sur les 271 782 habitants de Strasbourg, seuls 109 sont inscrits à LaPrimaire.org, soit 0,04%. C’est peu mais il en faudrait plus pour décourager Thibauld Favre et David Guez, les deux cofondateurs de ce site qui ambitionne de propulser un candidat issu de la société civile à l’élection présidentielle de mai 2017. Devant 150 personnes jeudi soir à la Maison des Associations, ils ont répondu aux mille questions du public : est-ce qu’il y a un programme, est-ce que vous allez vous présenter, vous deviendrez un parti politique comme les autres, comment allez-vous échapper aux tentatives de récupérations, etc.
Après des mois de décembre et de janvier particulièrement remplis par des rencontres de ce type à Lyon, Nantes, Marseille, Bordeaux… David Guez commence à bien connaître le profil des participants :
« À chaque fois, l’audience est composée pour 2/3 de déçus de la politique, des anciens encartés dans un mouvement politique qui n’y ont pas trouvé leur compte ou qui ont tenté les mouvements comme Nouvelle Donne ou Nous Citoyens, et d’1/3 de curieux. »
Une salle déjà proche de la politique locale
Et effectivement, de nombreux Strasbourgeois parmi ceux qui se sont déplacés jeudi soir étaient des habitués de la politique locale ou au moins des observateurs attentifs. Certains élus étaient même présents tels Éric Senet, conseiller municipal (sans étiquette mais élu sur une liste « Les Républicains ») de Strasbourg ou Valérie Wackermann, conseillère municipale (PS) de Lingolsheim. Mais tous étaient très curieux. Une plate-forme sur Internet pourrait-elle vraiment apporter une solution à l’actuelle misère démocratique ?
Éric Senet en doute :
« J’ai rencontré Nicolas Sarkozy la semaine dernière, et j’ai bien vu à quel point il fallait être préparé pour se présenter à une élection présidentielle. »
Valérie Wackermann espère de son côté que LaPrimaire.org permettra de ramener une partie des citoyens vers la politique. Car elle partage le constat, terrible, sur lequel s’appuient Thibauld Favre et David Guez : 85% des Français n’ont plus confiance dans la politique pour régler leurs problèmes.
Devant une assistance attentive, ils déroulent leurs concepts : une interface de tchat dotée d’un puissant algorithme, des systèmes de votes multiples, dit d’approbation à plusieurs étapes et qui devraient permettre de faire émerger une dizaine de candidats en septembre pour en soutenir un seul au final en novembre.
Les bonnes blagues de Thibauld Favre
Ce dernier bénéficiera de 500 parrainages d’élus et d’une cagnotte, abondée par des dons, pour mener sa campagne. Face aux quelques 22 millions d’euros que vont dépenser chaque parti, n’est-ce pas perdu d’avance, demande une personne dans l’assistance ? Thibauld Favre, qui veut faire de la politique avec le sourire, a toujours une bonne blague :
« On n’aura sûrement jamais cette somme. Mais elle sera dépensée par les partis pour convaincre les gens de voter pour des candidats dont ils n’ont pas envie ! De notre côté, nous aurons un candidat nouveau et l’enthousiasme sera de notre côté. »
La première étape est de réunir 100 000 inscrits sur LaPrimaire.org, les deux cofondateurs estiment que si cette barrière est franchie, la plate-forme sera à l’abri des manipulations. Le site affichait un peu plus de 14 000 inscrits au moment de publier cet article. Officiellement, Thibauld Favre espère 500 000 inscriptions, ce qui dépassera le nombre total d’adhérents aux partis politiques, mais secrètement, cet ingénieur issu de l’univers des start-ups cible un million de personnes.
Et après, demande quelqu’un dans le public, qu’allez-vous faire de cette plate-forme ? Thibauld Favre répond calmement :
« Même si nous sommes bénévoles, nous sommes là pour rester. Si nous parvenons au bout de l’élection présidentielle, nous proposerons le même système pour une alternative citoyenne lors des élections législatives. Et notre objectif est de se déployer partout en Europe pour que des candidats émergent de la plate-forme aux élections européennes de 2019. »
Déjà une première tentative de rachat
Beaucoup de questions ont tourné autour de la sécurisation et de la sincérité du processus de sélection. Les deux cofondateurs évoquent qu’à Lyon, ils ont reçu une offre de 500 000€ pour développer LaPrimaire.org à condition de modifier les règles actuelles. Ils ont refusé.
Dans l’assistance, beaucoup veulent y croire mais tout autant sont sceptiques. Catherine Siffermann fait partie des premiers :
« J’ai vu ça sur Facebook, je suis 100% fan. On râle beaucoup en politique, j’ai beaucoup râlé mais à un moment, il faut prendre les choses en main et c’est ce que propose cette plate-forme. J’ai bien l’intention de mener mon petit lobbying autour de moi pour que les gens s’inscrivent et fassent connaître ce site. On ne peut plus supporter ceux qui détournent l’engagement et les idées au profit de leurs carrières. »
À l’issue de la réunion, les participants sont repartis avec une boite de Démocratol, ce médicament pour la politique, et au moins l’intention de s’inscrire. Une dizaine est restée pour évoquer avec les deux cofondateurs comment ils pourraient s’impliquer dans l’équipe de bénévoles de l’association. Mais les cofondateurs espèrent aussi qu’une bonne part des personnes intéressées participeront au financement de cette opération. Pour sa première phase, les organisateurs estiment avoir besoin de 100 000€. Au moment de rédiger cet article, ils avaient déjà reçu plus de 42 000€.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Avec une « primaire citoyenne », un Alsacien veut réenchanter la présidentielle
Sur Rue89 : Peut-on réenchanter la politique grâce à des sites participatifs ?
Sur laprimaire.org : le site de la primaire citoyenne
Chargement des commentaires…