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Respirer des poils et des pollens pour 150€, ça vous dit ?

Comment traiter les allergies respiratoires ? Dans l’enceinte du Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg, Alyatec est un dispositif unique en France : une chambre d’exposition aux allergènes. Dans une salle stérile, une vingtaine de volontaires participeront à des études pour valider les produits de désensibilisation et de nouveaux traitements médicamenteux. Le premier protocole, portant sur les acariens, devrait être lancé courant février.

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Respirer des poils et des pollens pour 150€, ça vous dit ?

Les volontaires peuvent passer jusqu'à 4 heures dans la chambre d'exposition (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)
Les volontaires peuvent passer jusqu’à 4 heures dans la chambre d’exposition (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)

Sur le papier, l’idée peut paraître saugrenue, voire complètement masochiste. Des asthmatiques allergiques et autres sujets aux rhinites et conjonctivites s’enferment de leur plein gré dans une chambre. Des médecins les y exposent à un air où pullulent leurs ennemis invisibles : acariens, pollens, poils de chats… Pas de panique : ceci n’est pas une expérience sadique, c’est pour la bonne cause.

Co-pilotée depuis 2011 par les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) et Alsace Bio Valley (pôle de compétitivité dans le domaine de la santé), financée à hauteur de 2,8 millions d’euros avec un partenariat privé/public, Alyatec a ouvert ses portes le 22 janvier, après un an de travaux. Le but de cette infrastructure : répondre à la demande de laboratoires pharmaceutiques et avancer dans la recherche sur les allergies respiratoires.

Grâce à la libération contrôlée d’allergènes, la chambre à provocation allergique de 65 m2 pourra tester l’efficacité de nouveaux traitements à un stade précoce. Qui plus est, en étudiant ainsi les réactions et symptômes d’un grand nombre de volontaires, les médecins s’affranchissent des contraintes en extérieur (comme la météo ou les épisodes saisonniers de pollens) qui peuvent fausser les diagnostics.

Des études commerciales pour générer des fonds

Une première batterie de tests, portant sur les allergies aux acariens, est prévue pour février, sur une quarantaine de sujets. Par la suite, le choix des allergènes étudiés sera dicté par l’importance de l’allergie dans la région et par la demande des laboratoires pharmaceutiques. Dans un premier temps, Alyatec compte se consacrer aux études commerciales pour valider de futurs traitements.

Lorsque suffisamment de fonds auront été générés, l’équipe du professeur Fréderic de Blay, chef du pôle de pathologie thoracique aux HUS, espère se consacrer à la recherche académique… qui paye un peu moins. Nathalie Domis, directeur des opérations, explique le déroulé des expériences pharmaceutiques :

« Divisés en deux groupes, les volontaires ingéreront un placebo ou la molécule proposée par le laboratoire. Dans la chambre d’exposition, les médecins observeront si les symptômes sont retardés ou bloqués. Il faut bien préciser qu’il ne s’agit pas d’un endroit pour les malades qui veulent se faire soigner, mais pour des patients volontaires afin d’avancer dans la recherche scientifique et académique. »

Le professeur Fréderic de Blay, chef du pôle de pathologie thoracique, porte le projet depuis 2011 (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)
Le professeur Fréderic de Blay, chef du pôle de pathologie thoracique, porte le projet depuis 2011 (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)

Trois passages sinon rien

Pour des résultats précis, les volontaires effectuent trois passages dans la chambre, à un mois d’intervalle. Ils sont ainsi exposés à trois doses différentes d’allergènes, afin de déterminer laquelle déclenche les symptômes. Et chaque séjour dans la chambre se déroule avec un modus operandi très pointu.

Une fois passée la porte, le volontaire est pris en charge par la secrétaire, qui remplit un dossier médical. Il rencontre ensuite le médecin allergologue, et effectue une prise de sang avec l’infirmière. Après un détour au vestiaire, il entre dans le sas vert, une pièce en dépression équipée de filtres qui éradiquent les perturbateurs ramenés de l’extérieur. Il enfile une combinaison stérile et c’est parti.

Le patient pénètre alors dans la zone dite d’exposition : dans une grande pièce bleue, en arc de cercle, vingt fauteuils qui rappellent la chaise de torture des cabinets dentaires, « mais bien plus confortables », assure Nathalie Domis. Il vaut mieux : le test peut durer de 10 minutes à 4 heures. Face aux sièges, en hauteur, un diffuseur déverse un brouillard de particules d’allergènes, qui ont été lyophilisées, puis diluées et enfin vaporisées.

Le sas est l'ultime étape avant d'affronter le brouillard de particules (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)
Le sas est l’ultime étape avant d’affronter le brouillard de particules (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)

Les volontaires sont équipés de petits appareils connectés pour mesurer leur souffle. À l’extérieur de la salle, les médecins contrôlent l’état de tous les participants sur deux grands écrans. Chaque siège est également équipé de capteurs qui enregistrent la taille des particules et leur concentration dans la pièce. Ces capteurs fonctionnent en permanence : pour le professeur Fréderic de Blay, c’est l’un des aspects innovants d’Alyatec :

« Il y a dix chambres d’exposition dans le monde, mais celle de Strasbourg est la seule qui assure un contrôle ininterrompu. Au Canada, par exemple, une salle accueille plus de 120 volontaires : la concentration peut être différente d’un bout à l’autre de la chambre, les sujets ne reçoivent pas la même exposition, et l’étude est faussée. »

Quand la question « ça va ? » prend tout son sens…

Sur des tablettes tactiles individuelles, chaque volontaire répond toutes les dix minutes à une série de questions : comment vous sentez-vous sur une échelle de 1 à 10, avez-vous les yeux qui piquent… Si le patient présente des symptômes gênants, ou souffre d’une baisse de souffle trop importante, il est aussitôt évacué par le sas, pris en charge par les médecins et envoyé en salle de repos pendant 6 heures.

Dans le cadre des allergies respiratoires, le risque le plus grave est de subir une crise d’asthme sévère, quand le souffle diminue de moins 50%. Dès qu’un volontaire chute à moins 20%, les médecins le sortent de la chambre. Le but de l’expérience n’est pas de mettre les patients en danger, précise Nathalie Domis :

« Nous sommes un véritable bloc opératoire, tout est sous contrôle. Et, dans le cas rarissime d’un vrai problème, nous avons une porte communicante avec le service de réanimation de l’hôpital. Respirer des particules allergènes pendant des heures, ça peut faire peur, mais ce n’est pas plus dangereux que de rester dans le grenier poussiéreux de votre grand-mère ou que de faire une sieste sous un tilleul sans son inhalateur. Les concentrations diffusées ici seront celles que l’on trouve à l’extérieur. Le but n’est pas de surexposer les gens. Alors oui, il faut être un peu masochiste, peut être, car on tousse, c’est désagréable… mais c’est pour la science ! »

Un défibrillateur est prêt à pallier toute situation d'urgence (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)
Un défibrillateur est prêt à pallier toute situation d’urgence (Photo NM / Rue89 Strasbourg / cc)

Deux médecins, un externe et une infirmière seront présents en permanence. Si les études se multiplient, l’équipe pourra inclure jusqu’à dix personnes. Quant aux volontaires aux yeux qui pleurent et à la gorge irritée, ils recevront une compensation financière, en fonction du temps passé dans la chambre et du nombre de tests réalisés. Une journée classique parmi les particules d’acariens ou de poils de teckel sera indemnisée à hauteur de 150 euros.


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