Place Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg, samedi, 11 heures 15. Arnaud et sa femme garent leur voiture. Savent-ils qu’il vont devoir payer le stationnement pendant la pause méridienne ? « Super nouvelle ! Vous me l’apprenez ! » Tout comme Arnaud, nombreux sont les Strasbourgeois qui découvrent amèrement cette nouvelle politique du stationnement.
En effet, depuis le 1er janvier, se garer est désormais payant au centre-ville de 9h à 19h, du lundi au samedi. Les tarifs varient en fonction des zones rouge, orange ou verte, mais toutes sont concernées. De même, le tarif pour les résidants a été augmenté de 50%, pour passer de 10 euros mensuels à 15, et ce dans les dix zones. Comme beaucoup, Alain, habitant du quartier des Halles, l’a découvert au moment où il renouvelait son abonnement :
« 50% d’augmentation d’un coup comme ça sans prévenir, c’est trop ! Surtout quand on voit l’état des trottoirs et des chaussées. J’ai écrit un courrier à la Ville pour avoir des explications, mais je n’ai jamais eu de réponse. »
Étonnante discrétion
Et pour cause ! Cette mesure qui impacte pourtant fortement la vie quotidienne des Strasbourgeois n’a pas fait l’objet de communication spécifique de la part de la municipalité, ni auprès des habitants, ni auprès de la presse. Membre du conseil de quartier centre, une habitante se creuse les méninges pour se rappeler si ces questions ont même seulement été évoquées. Elle note, résignée :
« Le groupe de travail « mobilité » a surtout planché sur l’extension de la zone de stationnement payant. Mais la question du stationnement payant entre midi et deux n’a, dans mon souvenir, pas du tout été évoquée en assemblée plénière. Ce que je peux dire par contre, c’est que l’augmentation du forfait résidants est intervenue en pleine campagne de réabonnement annuel. Mon compagnon et moi avons payé l’ancien tarif, tandis que mes beaux-parents, qui se sont réabonnés deux semaines plus tard, ont payé le nouveau forfait ! Bien sûr, ni eux ni nous n’avons été prévenus en amont… »
C’est lors du Conseil municipal du 14 décembre 2015, alors que tous les regards étaient tournés vers les résultats du second tour des élections régionales, que l’augmentation des tarifs a été discrètement signifiée aux élus strasbourgeois, dans le cadre de la présentation du budget primitif de l’année 2016. La décision a été actée dans un arrêté tarifaire 2016, signé le 21 décembre 2015, soit une semaine à peine après la présentation de cette mesure aux élus.
Motivations environnementales mal comprises
Selon cet arrêté, cette hausse des tarifs doit « permettre une meilleure rotation des véhicules sur la voirie », tout en contribuant « au report modal vers des moyens de déplacement plus respectueux de notre environnement (transports en commun, vélos, autopartage, marche à pied) ». Ce serait donc une mesure visant à faciliter le quotidien, prise au nom du développement durable, une mesure réfléchie et responsable en ces lendemains de Cop 21.
L’ennui, c’est qu’il est difficile de plaider en faveur de cette interprétation. En effet, d’habitude prompt à tweeter compulsivement, le service communication de la ville n’a pas cru bon de le faire à ce sujet pourtant « concernant ». De même, selon les DNA, les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), ceux-là même qui sont chargés de dresser les PV et de verbaliser les contrevenants, n’avaient pas été informés des nouvelles règles.
Une information que les équipes d’ASVP, croisées au siège rue d’Ingwiller, ce samedi matin, tempèrent sous couvert d’anonymat. « Nous avons certes été prévenus tardivement, mais nous avons été prévenus avant son entrée en vigueur », disent-ils en substance.
Une pétition recueille plus de 3 000 signatures
Incapable de sortir du registre politicien « les autres ont fait pareil ou pire », Pernelle Richardot, adjointe au maire (PS) en charge de la circulation et de l’éclairage public, est bien seule pour défendre la mesure auprès des usagers, des commerçants et restaurateurs, très remontés. En effet, une pétition ayant recueilli un peu plus de 3 000 signatures, une page Facebook suivie par 4 000 personnes et un site Internet ont été lancés en quelques jours par Stéphane Bourhis, conseiller municipal (LR) à Hoenheim, pour dénoncer « un impôt qui ne dit pas son nom ».
Sur la même ligne, l’opposition strasbourgeoise de droite dénonce aussi le secret et le précipitation. Fabienne Keller en tête. Dans un communiqué, l’ancienne maire de Strasbourg souligne « l’absence de débat transparent mettant devant le fait accompli l’ensemble des personnes concernées sans aucune annonce ou explication a priori ». Son collègue Jean-Emmanuel Robert surenchérit sur sa page Facebook :
« Je préférerais que la majorité explique que les caisses sont vides et qu’ils ont besoin de trouver un peu d’air, plutôt que d’avoir droit à cet argument fallacieux comme celui d’ailleurs de l’environnement pour le stationnement… Mais cette honnêteté les obligerait alors à devoir expliquer pourquoi les caisses sont vides. »
Grappiller quelques millions supplémentaires
Difficile en effet de ne pas pas voir dans cette mesure une volonté de grappiller quelques millions pour présenter un budget 2016 équilibré, dans un contexte tendu, la hausse des impôts locaux ne comblant pas la baisse des dotations de l’État. En effet, à en croire le budget primitif, la hausse des tarifs du stationnement devrait rapporter 2,3 millions d’euros en 2016. Ce qui permettrait d’engranger 10,8 millions d’euros au total et ferait du stationnement la septième source de revenus de la ville.
À quoi serviront ces deux millions ? C’est l’une des questions que s’est posé le groupe local d’Europe écologie – Les Verts. Dans un communiqué, les militants plaident :
« Notre position est d’encourager les gens à prendre les transports doux, et progressivement de grandement limiter l’usage de la voiture dans le centre-ville, à la fois pour des raisons sanitaires, mais aussi économiques. [Mais] la seule punition ne peut être acceptable, en effet elle doit s’accompagner d’aides conséquentes aux transports doux. L’argent récupérée par cette augmentation tarifaire devra donc nécessairement être utilisée dans ce sens. »
Difficile néanmoins de savoir à quoi sera affectée la recette, de même que de comprendre pourquoi ces mesures tarifaires ont été noyées dans le budget, la municipalité ayant choisi de ne pas répondre à nos questions.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : au conseil municipal, un budget avec une hausse d’impôts de 2,5%
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