Il était prêt à s’enchaîner aux barrières, à établir sur son trottoir une mini « zone à défendre » face aux assauts redoutés des policiers municipaux. Mais finalement et c’est heureux, Laurent Delahaye, le cireur de chaussures installé devant le Comptoir du cigare, rue du Vieux Marché-Aux-Poissons à Strasbourg, n’aura pas à déménager sa cariole ni ses brosses à reluire.
Car Laurent Delahaye revient de loin. Usé par des petits boulots sur les chantiers, où on lui expliquait « toi l’intérim tu es du consommable », il s’est retrouvé à la rue après des mois de galère financière. Mais il avait une farouche envie de travailler et il avait dans l’idée de lancer cette activité, désuète, de cirage de chaussures.
50€ pour passer de SDF à autoentrepreneur
Le patron du Comptoir du Cigare, Gilles, lui demande alors combien ça coûterait pour qu’il démarre : 50€ pour financer les premiers achats : brosses, cirages et crèmes. Il lui donne immédiatement.
Laurent Delahaye devient alors autoentrepreneur et décroche un prêt de l’Adie, 3 000€, qui lui permet d’acheter le vélo-cariole sur lequel s’assoient ses clients (1 350€). Gilles lui trouve le socle en métal, une voisine lui apporte un tabouret, des ouvriers profitent d’un chantier voisin pour lui confectionner une boite… Et voilà qu’il démarre son activité en novembre 2014.
Mais voilà, l’occupation du domaine public est réglementé. Tentant de se mettre en conformité, Laurent Delahaye a contacté les services municipaux. Lors d’une réponse orale mercredi, il a compris qu’il n’aurait pas l’autorisation de rester sur son emplacement. Laurent Delahaye alerte alors tout son réseau, considérable, de soutiens via Facebook.
« Pas question qu’il soit délogé »
Paul Meyer, adjoint au maire (PS) de Strasbourg, s’empare du dossier depuis La Rochelle où il participe à l’université d’été du PS :
« Quelque soit la situation administrative, on aurait trouvé une solution. Il n’était pas question de déloger cette personne qui a créé son activité. J’ai été très surpris par la réaction des services, il semble qu’il y ait eu un quiproquo lors d’une mise en conformité avec le règlement des foires et marchés. Mais il sera reçu mardi pour que sa situation soit régularisée. »
Du côté de la Ville, on indique que Laurent Delahaye n’a jamais eu d’autorisation et que le règlement des foires et marchés n’incluent pas l’activité « cirage de chaussures », qu’il faut donc s’atteler à sa modification, etc.
Laurent Delahaye demande 3€ par chaussure, 5€ pour une botte, 10 ou 15€ pour un blouson. Les chaussures en ressortent comme neuves. Laurent Delahaye assure compter l’ambassadeur de Belgique auprès du conseil de l’Europe parmi ses clients, lequel ne supporte pas que les chaussures de ses collaborateurs soient mal cirées sur les moquettes des institutions européennes.
Un marché à prendre ? Laurent Delahaye prévoit d’étendre son activité aux entreprises et institutions, notamment pour pouvoir travailler les jours pluvieux. Il a besoin d’un nouveau coup de pouce, et il a débuté pour ça une campagne participative sur la plate-forme Ulule.
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