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En roue libre, le Giboul’Off célèbre le spectacle vivant de jeudi à samedi

Rencontre avec deux membres du Collectif Off, Anne Chabert et Marie Hattermann, pour évoquer le festival Giboul’Off, du 9 au 11 avril au Molodoï et dans la rue du ban de la roche. Impulsé à l’occasion des Giboulées de la marionnette du TJP il y a 12 ans, le festival a évolué pour proposer une sélection de la scène alternative du spectacle vivant.

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Collectif de bienvenue au Giboul'OFF image Pierre Frigeni

Collectif de bienvenue au Giboul'OFF image Pierre Frigeni
Collectif de bienvenue au Giboul’OFF image Pierre Frigeni

Rue89 Strasbourg : Quelle est la place de la marionnette dans le festival Giboul’Off ?

Anne Chabert (AC) : C’est le fondement du festival. On y tient. Il y a une grosse moitié, voire les trois quarts des événements et des gens qui tournent autour de la marionnette dans le festival. La marionnette a été ringardisée pendant un long moment, maintenant elle est revenue au goût du jour… On peut dire beaucoup de choses avec la marionnette. Elle est encore un peu estampillée « enfant », mais on est toujours surpris… Beaucoup de gens sortent du Giboul’Off en nous disant : « ah mais en fait la marionnette c’est bien aussi pour les grands ». Il y a une ironie dans la marionnette qu’on peut mettre à profit.

Marie Hattermann (MH) : C’est un festival pluri-disciplinaire autour de la marionnette. La marionnette est le noyau mais autour il y a tout un tas de copains, du cirque, de la musique… Parfois ça se mélange. Moi je suis toute récente au Collectif Off, du coup je me sens plus « en soutien » et encore un peu spectatrice, et chaque année vraiment ça donne un goût de « reviens-y ».

« Reprendre la place publique »

AC : Ce qui nous plaît aussi c’est de ne pas forcément faire un festival ultra-spécialisé. Il y a cette couleur marionnette qui fait partie de nous et qui nous permet de définir les bases de la programmation qu’on fait ensemble, mais aussi de tirer et d’élargir vers la musique et d’autres choses. Ça nous permet aussi de concerner plus de monde sur le quartier, en proposant des choses variées. Quelqu’un qui vient pour écouter de la musique peut ensuite se laisser naturellement surprendre par un spectacle de marionnette, et vice versa.

Il y aussi les apéropéra qu’on propose à nouveau cette année avec du chant lyrique : il y a un public qui se déplace rien que pour voir ça, et tout le monde est surpris des deux côtés.

Nous insistons sur une belle scénographie avec un espace habité, parce qu’on veut reprendre un peu la place publique, occuper la rue. C’est notre endroit de passage mais c’est aussi notre endroit de vie, comme une place, et on a envie de s’y retrouver, avec les gens du quartier, les copains, pour discuter et échanger.

Un esprit festif et familial image Pierre Frigeni
Un esprit festif et familial image Pierre Frigeni

C’est aussi pour ça qu’on pratique des prix très intéressants, pour ouvrir à un maximum de monde. On n’est pas là pour faire carrière avec ce festival, on est bénévoles. En ouvrant la rue on retrouve un espace de gratuité, ce qui nous tient vraiment à cœur. On invite les gens d’une autre façon, l’accueil est plus doux. Et puis il y a les concerts et la musique bien sûr, parce qu’on a beau dire, le théâtre c’est des sensations mais aussi un rapport assez cérébral, et passée une certaine heure on a tendance à décrocher un peu… La musique prend le relais, avec des sensations beaucoup plus immédiates, et on est vachement contents de danser tous ensemble.

D’où vient le thème de « Wonderland » pour l’édition 2015 du Giboul’Off ?

AC : Chaque année il y a un thème. « Wonderland » a un côté psychédélique qui nous plaisait bien, un monde renversé. Dans l’idéal, ça correspond aussi à des valeurs qu’on a envie de partager, et qui n’ont pas toujours pignon sur rue.

MH : L’idée c’est aussi de créer quelque chose de festif, et de populaire au sens noble du terme. On se ré-approprie aussi à chaque fois l’espace du Molodoï, toujours méconnaissable. On a des thèmes assez forts chaque année, poussés, je dirai même un peu barrés. L’année dernière le thème était « Camping », et on en a fait quelque chose d’exceptionnel, bien à nous. Je pense que cette année on ira à nouveau assez loin aussi dans les couleurs et la folie.

Il y a beaucoup de choses dans le festival en direction des enfants et des familles, vous pouvez nous en dire un peu plus ?

MH : La programmation pour les enfants c’est surtout le samedi [11 avril], et cela commence par un repas de quartier le samedi midi, qui est nouveau cette année : tout le monde est invité à nous rejoindre avec son repas tiré du sac. Cela ouvre l’après-midi avec les enfants où des choses seront proposées dehors et dedans. Pour la deuxième année consécutive, le festival s’ouvre sur la rue avec des caravanes, plein de surprises et plein de belles choses.

Repas de quartier, propositions pour les enfants, les scolaires et les grands

La programmation du jeudi et du vendredi est moins axée jeune public. Il y a un ton vraiment différent chaque soir. Nous avons notre cabaret du vendredi, qui est un rituel maintenant : quasiment deux heures de scène ouverte autour de la marionnette. Le samedi soir ensuite est plus festif, mais reste familial.

AC : Le vendredi matin aussi, c’est une grande première, on fait une séance scolaire. On est très contents d’accueillir, sur le spectacle Couleur Corbeau de la Compagnie Moska, l’école St Aurélie. C’est un spectacle de marionnette et de projection d’images. On est ravis de commencer à s’ouvrir aux écoles, même si ça demande beaucoup d’organisation supplémentaire.

Le quartier ici est populaire, assez hétérogène et mixte dans sa population, dans ses niveaux sociaux et dans ses désirs, et on a envie de représenter ça. On ne fait pas d’animation, ce n’est pas l’idée, mais plutôt du culturel au plus proche des gens. On espère aussi, en étant en proximité avec les gens, les sensibiliser au spectacle et à la marionnette, et leur donner envie de retourner ensuite voir des spectacles ailleurs.

Toute la programmation est faite avec des artistes locaux ?

AC : Généralement, en tout cas depuis quelques années, il y a une majorité de locaux, comme le spectacle Entrailles de la compagnie Paires d’Elles de Marie Hattermann. Nous nous sommes aussi fortement ouverts à la Lorraine cette année. Nous sommes réunis maintenant donc nous allons dans ce sens. [rires] Il y a donc des artistes qui viennent de Nancy et de Metz.

On se laisse aussi la possibilité de programmer des compagnies qui viennent soit de plus loin en France, soit carrément d’ailleurs, parce que ça nous fait une oxygénation du réseau en amenant d’autres pratiques et d’autres manières de penser. Cette année il y a des gens de Belgique, on a aussi quelqu’un de Charleville-Mézières, des Ardennes. Et on a la chance de « choper » au passage Ariel Doron sur sa route vers Reims depuis Israël. Il fait un spectacle vraiment magnifique avec des petits jouets un peu « Barbie », une guérilla miniature, qui parle clairement de ce qu’il vit entre Israël et Palestine. Un sacré défi ! On est vraiment ravis de l’accueillir et de pouvoir montrer son travail.

Qui compose le Collectif Off qui organise le Giboul’Off chaque année ?

AC : Pour l’historique, c’est un collectif qui a été créé en majorité par des artistes, dont beaucoup de marionnettistes. Le collectif s’est créé il y a douze ans. C’était un peu en réaction au festival des Giboulées de la Marionnette. C’est un festival qu’on aime bien tous, parce qu’on connaît bien le Théâtre Jeune Public (TJP) et qu’on pratique la marionnette, mais les gens du collectif se disaient : « Il y a une belle émulation créée par les Giboulées de la Marionnette, mais nous on ne joue pas, et on aimerait bien jouer, alors on va se faire un festival »…. Une idée toute simple en somme.

Des marionnettistes, des comédiens, des techniciens et de beaucoup de bénévoles

Il reste encore aujourd’hui composé de marionnettistes, de comédiens, de techniciens, bref de gens qui gravitent autour du spectacle. Il y a aussi des gens qui ont tout simplement envie d’organiser un festival. On est aujourd’hui un noyau de dix personnes environ, et en période de festival il y a une trentaine de bénévoles. Sans eux, il faut le dire, il n’y aurait pas de festival. Dans l’ensemble on est quand même des acteurs un peu culturels on va dire… Sans étiquette. [rires]

Le Collectif Off anime le Giboul'OFF image Pierre Frigeni
Le Collectif Off anime le Giboul’OFF image Pierre Frigeni

Quel est le lien avec le Théâtre Jeune Public – Centre Dramatique National aujourd’hui ?

AC : Il n’y en a jamais vraiment eu. Quand André Pomarat a créé le TJP, il n’y avait pas encore de Giboul’Off, mais je pense qu’il y aurait été assez ouvert… Je crois qu’il n’y en avait pas besoin à ce moment-là, car la pratique du théâtre était différente. Grégoire Caillies, l’avant-dernier directeur du TJP, a regardé le Giboul’Off d’un air plus circonspect, ou disons qu’il a manifesté une absence d’intérêt. Mais j’exagère sans doute un peu car le TJP a toujours mis une petite ligne dans sa communication à propos du Giboul’Off.

Depuis l’arrivée de la nouvelle équipe menée par Renaud Herbin, on s’est rencontrés, on essaie de mettre en place des choses, mais ce n’est pas évident ni pour le TJP ni pour nous puisque le festival du TJP-CDN est devenu biennal, et s’appelle dorénavant Corps-Objet-Image. Il faudrait donc peut-être qu’on revoie aussi des choses de notre côté, mais comme nous fonctionnons en collectif de bénévoles, tout prend plus de temps. On va se revoir après le Giboul’Off avec les gens du TJP-CDN pour continuer à essayer de trouver un endroit de rencontre. Ce serait bien qu’on en trouve un. On verra !

Est-ce que le Giboul’Off est soutenu ?

AC : Oui, la Ville de Strasbourg nous soutient. On attend la réponse du Conseil Général, mais tout est décalé avec les élections. Cependant je compte bien sur une réponse positive, sinon ça va être compliqué pour nous. Depuis ce matin on sait que la Fondation Alsace Passion nous soutient aussi, ce qui est une excellente nouvelle. Et puis nous avons nos petits fonds propres Giboul’Off qui vont nous aider cette année. Une association de jongleurs nous fait aussi un petit don d’argent, ce qui est assez incroyable. Et puis nous avons des partenariats, avec la Semencerie par exemple pour le stockage de matériel, ou avec Météor qui chaque année nous fait des dons en nature. C’est la force du collectif bénévole : on a énormément de coups de main.

« Le petit Berlin »

Marie Hattermann et Anne Chabert, au milieu des préparatifs à la Semencerie image Marie Bohner
Marie Hattermann et Anne Chabert, au milieu des préparatifs à la Semencerie image Marie Bohner

Rue89 Strasbourg : Est-ce qu’il y a un lien entre le Giboul’Off et la Semencerie ?

AC : Non, pas vraiment, si ce n’est qu’on est quatre ou cinq à faire partie des deux, et qu’on partage cet esprit du recyclage, de la bonne débrouille et probablement aussi l’envie d’un monde meilleur. Place à l’avenir et pensons autrement. [rires] On est contre rien, mais on est pour que les choses évoluent. On réfléchit beaucoup, on agit aussi beaucoup, et tant qu’à faire, ensemble, au profit de chacun. La mairie de quartier lorgne un peu sur ce qu’on fait à la Semencerie depuis quelques années et nous appelle « le petit Berlin », ce qui nous fait beaucoup rire.

Nous on veut éviter toute forme de récupération. Et on doit le dire, si le lieu de la Semencerie existe aujourd’hui, c’est parce qu’un propriétaire privé nous a fait confiance, auquel on paie notre loyer tous les mois en tant que collectif d’artistes. Le Bastion de la Ville de Strasbourg, c’est très bien aussi, mais c’est un autre système. Moi je pense que c’est en donnant plus d’autonomie aux gens qu’ils sortent ce qu’ils ont de meilleur.

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