Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Schiltigheim veut reconvertir sa brasserie Fischer sans dépenser

Vidéo – Six promoteurs sont en lice pour transformer le site désaffecté de la brasserie Fischer. La mairie veut en faire un nouveau quartier mais préserver l’emblématique bâtiment. Le tout sans un centime d’impôt.

Vidéo

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Schiltigheim veut reconvertir sa brasserie Fischer sans dépenser

Qui veut habiter dans l'ancienne brasserie ?(Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Qui veut habiter dans la malterie ? (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

« La page du Schiltigheim industriel est tournée. » Comme ça, le maire Jean-Marie Kutner (UDI) a planté le décor lors d’une présentation de l’avenir du site Fischer, avec Pascal Sabrié le PDG d’Heineken France. « La cité des brasseurs est entrain de devenir la capitale des friches », c’est-à-dire des usines abandonnées, ajoute-t-il.

Pour ne pas devenir un cimetière industriel, la municipalité veut que ses usines désaffectées deviennent de nouveaux quartiers. Après l’éco-quartier autour de l’ancien site d’Adelshoffen, voici le tour de la brasserie Fischer. Alors que la ville compte 34% de logements sociaux (le minimum obligatoire est de 25%) ces nouveaux ensembles doivent plutôt attirer des personnes « qui paient des impôts », dixit le maire.

Beaucoup de logements, des commerces et une école

Le site, propriété d’Heineken France depuis 1996, est à l’arrêt depuis 2009, lorsque la production a été transférée à la brasserie de l’Espérance. Heineken souhaite maintenant vendre ce terrain, mais la municipalité compte bien avoir son mot à dire sur l’avenir du lieu, à travers les permis de construire. Alors, elle a noué un partenariat avec le brasseur néerlandais pour se mettre d’accord sur un cahier des charges.

Jean-Marie Kutner décrit ses attentes :

« Le but n’est pas simplement de construire des dortoirs, mais de créer un lieu de vie avec des commerces et un pôle de loisirs. Ce quartier doit faire la jonction entre le nord de Strasbourg et Schiltigheim. Il sera à moins d’un kilomètre de la gare, donc bientôt à moins de deux heure de Paris (la mise en service de la LGV Est est prévue pour le 6 avril 2016 ndlr), à proximité du futur quartier d’affaires du Wacken et des institutions européennes. »

Les premières inauguration sont espérées  fin 2017. Dans le cahier des charges, figure 34 000m² de logements et 10 000m² de commerces. Une école élémentaire de 12 classes sera également construite. Autre condition imposée par la Ville, le restaurant du Fischer Stub et la malterie doivent rester intacts. Le maire verrait bien un restaurant panoramique s’implanter en haut de l’immeuble de 25 mètres.

Jean-Marie Kutner : « La Malterie est indispensable »

Une opération à plus de 100 millions d’euros

De son côté Heineken dit qu’elle aura un œil attentif sur la pertinence du projet sélectionné, car les bières Fischer restent leur propriété. Il ne faudrait pas qu’un quartier raté, dont la brasserie sera le symbole, donne une mauvaise image au groupe. La brasserie de l’Espérance n’est qu’à quelques centaines de mètres.

L’opération totale devrait s’élever à plus de 100 millions d’euros. Six promoteurs sont sur les rangs : Adim (filiale locale de Vinci), Bouygues, Cogedim-Est (filiale d’Altarea), Icade (filiale de la caisse des dépôts), Marignan et Sogeprom (filiale de la Société générale). Chacun est tenu de formuler deux ou trois alternatives dans son offre. Heineken choisira l’heureux élu en juin 2015.

Une taxe locale d’aménagement pour ne pas gréver le budget de la Ville

Alors que l’école doit coûter entre 5 et 6 millions d’euros, la mairie ne compte pas piocher dans son budget actuel. Comment ? Par une « taxe locale d’aménagement » de 10% (5% prélevées par l’Eurométropole et 5% par la Ville de Schiltigheim) pour le promoteur, qui ne manquera pas de la répercuter sur les prix. Autour d’Adelshoffen les mètre-carrés s’étaient monnayés entre 3 500 et 4 000 euros. La part de l’Eurométropole servira à financer les autres aménagements de voirie et d’installation. Une partie du terrain acheté pour l’école (5200m²) sera aussi revendu.

Dans un communiqué, l’ancien maire et principal opposant Raphaël Nisand (PS) a dénoncé un projet « improvisé, démesuré, précipité et coûteux » :

« On constate une absence totale de concertation avant la cahier des charges. Des milliers d’habitants sont censés arriver, mais rien n’est prévu pour les accueillir. Il a bien été question d’une école de 12 classes et  »d’équipements de loisirs », mais pas un mot sur les espaces verts. La question des voiries et circulation a été laissée dans le flou. Nulle mention n’a été faite de crèches, salles pour les associations, espaces de jeux et de respiration. La taxe locale d’aménagement rapportera beaucoup moins que la Zone d’aménagement concerté (ZAC) que nous prévoyions. Elle permettait de faire payer tous les équipements publics nécessaires par les promoteurs mais aussi de garder la main sur les permis. Elle ne permettra pas de financer les équipements publics et surtout les promoteurs pourront faire ce qu’ils veulent. Démolition de bâtiments historiques et bétonnage garanti. Le maire veut juste tenir une promesse électorale qui est de liquider toutes les friches pendant son mandat. »

Les habitants consultés (un peu)

Une fois l’entreprise selectionnée, Jean-Marie Kutner veut aussi associer les habitants au choix de l’alternative, mais pas question d’organiser un vote :

« Ce seront des réunions publiques où chacun pourra voir les différentes projets sur le modèle de ce qui s’est fait au quartier d’Adelshoffen. »

La décision finale reviendra à Heineken, mais si elle ne correspond pas au choix de la mairie et des habitants, Jean-Marie Kutner pourrait refuser de signer la modification du Plan d’Occupation des Sols (POS), qui permet de classer un terrain industriel en surface de logement, sorte de droit de véto qui bloquerait toute avancée.

À l’heure de la reconversion des friches brassicoles schilikoises, toutes ne sont pas amenées à devenir des nouveaux quartiers. Le 1er octobre, Marie-Lorraine Muller déposait une demande de permis de construire, pour que l’activité de la brasserie Schutzenberger, fermée en 2006, puisse redémarrer. Si le projet fonctionne, le site devrait accueillir diverses services, comme de la balnéothérapie, mais les premiers fûts sont espérés pour avril 2016. Ressuscitée en 2012, la Schutz est en attendant brassée à Saverne par La Licorne.


#fischer

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options