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Imitation Game : les enjeux de la science, quand l’histoire et la politique s’en mêlent

Durant la seconde guerre mondiale, le très mystérieux Alan Turing est engagé par le gouvernement britannique pour faire parler Enigma. L’urgence est vitale car cette machine conçue par les Allemands permet au IIIe Reich d’envoyer des ordres chiffrés grâce à un code inviolable.

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Un puzzle sur la multiplicité des enjeux de la recherche scientifique

Un puzzle sur la multiplicité des enjeux de la recherche scientifique
Un puzzle passionnant sur la multiplicité des enjeux de la recherche scientifique (Photo SquareOne Entrainment)

BlogLes sirènes retentissent sur Londres, la population se précipite aux abris et notamment dans les souterrains du métro. Et puis la vie reprend son cours, avec quelques immeubles en moins, et plusieurs tonnes de gravats qui barrent les rues en plus. Le décor d’Imitation Game est bien celui de l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale, ce qui plante directement le scénario dans un contexte très réaliste mais surtout tragique.

La science aux prise du pouvoir
La science aux prise du pouvoir (Photo SquareOn Entrainment)

Le ton est donné lors de l’embauche du génie incompris « il y a eu au moins trois morts, depuis… le moment où nous avons commencé à échanger… 4, 5, et cela continue, toutes les minutes, toutes les secondes ». Mais l’urgence et la course contre la montre deviennent rapidement une bataille à mener contre les investisseurs et les financiers du projet, bien davantage qu’à l’encontre du drame quotidien qui se joue dans la guerre.

La découverte scientifique, ses ressorts, ses obstacles psychologiques et techniques

Comme le disait Bachelard, éminent philosophe du XXe siècle : c’est toute la démarche scientifique qui doit dépasser des obstacles épistémologiques qui empêchent son progrès en la retenant dans des erreurs. Le piétinement de la recherche n’est pas tant dû aux difficultés internes à l’objet d’étude qu’aux ressorts mêmes de la pensée scientifique.

« Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder à la science, c’est, spirituellement rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. »

L'intelligence en action pour décrypter le code le plus meurtrier de l'histoire
L’intelligence en action pour décrypter le code le plus meurtrier de l’histoire (Photo SquareOne Entrainment)

La pensée de Bachelard est parfaitement illustrée par toutes les étapes qui racontent la naissance de la fameuse « Machine de Turing », premier ancêtre de l’ordinateur, ainsi que le combat que son géniteur mena corps et âme, malgré l’incompréhension de ses pairs, leur méfiance ou même leur jalousie. Son courage à braver les obstacles n’a d’égal que sa conviction de détenir la solution, même s’il ne la connait pas encore dans ses détails. Il pressent également toute la portée que sa machine aura dans l’avenir, et sur ce point non plus il ne s’était pas trompé.

Le savant marginal comme personnage central du récit.

Turing est mis en scène en savant génial, surdoué, incompris, mais surtout tellement investi dans la rationalisation du réel, qu’il s’en détache complètement au profit de formules mathématiques abstraites. À la limite du syndrome d’Apserger, il peine avec ce qu’il ressent et surtout dans la gestion des relations humaines. Il semble tout programmé pour comprendre le cœur d’une machine, et lui faire dire ses secrets, mais reste profondément handicapé pour communiquer avec ses semblables. Son personnage décalé relève l’académisme et le sérieux du film par un humour très british.

La Bande-Annonce

Le mystère au cœur de ce thriller, reste celui d’un homme, de ses traumatismes, de ses angoisses et de sa solitude. En définitive, c’est sa différence qui fait le véritable drame du récit. En effet, Alan Turing sera condamné à la castration chimique pour son homosexualité, alors qu’il fut l’acteur principal du sauvetage de près de 14 millions de personnes. La dénonciation de l’exclusion et de l’incompréhension d’un monde qui ne valorise que l’utile et l’efficace, reste le message le plus marquant du film, malgré le fait qu’il soit relégué en second plan.

Un film très riche en thèmes

On regrette que l’intrigue soit finalement beaucoup plus simple que prévue, en dépit de la très grande richesse des thèmes qui sont abordés. Dans le contexte historique de la seconde guerre, Morten Tyldum exacerbe la manière dont les relations entre développement scientifique et les intérêts politiques dépassent encore ceux des intérêts économiques. Mais on reste sur sa faim, car cet aspect passionnant même s’il est souvent évoqué, reste relégué dans le décor de l’intrigue.

Une leçon d'ouverture et de tolérance à tous les niveaux
Une leçon d’ouverture et de tolérance à tous les niveaux (Photo SquareOne Entrainment)

Le destin d’un surdoué, marginal psychologiquement, non-conforme aux normes sociales et politiques, se mêlant au cours de la grande histoire pose la question de la Providence. Plusieurs fois soulevée dans le film, l’interrogation est cruciale et donne beaucoup à penser : l’action politique comme la manipulation des savoirs encourage-t-elles les hommes à se substituer à Dieu, leur donne-t-elles le droit de décider de la vie et de la mort des individus ?

À voir à Strasbourg aux cinémas UGC Ciné-Cité et au Star Saint-Éxupéry


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