Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

98 millions de moins pour Strasbourg l’européenne

L’annonce par le préfet du Bas-Rhin du montant du prochain contrat sur les projets européens de Strasbourg est passée assez inaperçue. Tellement, que la Ville, l’Eurométropole et même… la Préfecture indiquent que les négociations sont encore en cours. Pourtant les signaux sur une baisse des crédits de cet outil d’investissement ont été nombreux.

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98 millions de moins pour Strasbourg l’européenne

(Photo European Parliament / Flickr /cc)
Qui veut encore investir dans la vocation européenne de Strasbourg ? (Photo European Parliament / Flickr /cc)

Les inquiétudes qui planaient sur le financement de la vocation européenne de Strasbourg ont été confirmées. La revue spécialisée Europolitics indique mercredi 21 janvier que le Premier ministre Manuel Valls viendra à Strasbourg en février pour signer le contrat triennal 2015-2017 d’un montant de 146 millions d’euros contre 244 pour la période précédente. Cette annonce par le préfet d’Alsace et du Bas-Rhin, Stéphane Bouillon, lors de ses vœux à la presse mardi 20 janvier a visiblement été éclipsée par celles sur les mesures de sécurité.

Ce plan d’investissements sur trois ans est signé depuis 1980 entre l’État français et les collectivités territoriales présentes à Strasbourg (la Ville, la CUS devenue Eurométropole cette année, le Département et la Région) dans le but de renforcer la vocation européenne de la capitale alsacienne. Il a pour objectif d’améliorer son accessibilité, d’en faire un pôle d’excellence dans l’Éducation, la Recherche et l’Enseignement supérieur et d’accroître son rayonnement politique et culturel à l’international. Le décret de création de l’Eurométropole du 23 décembre 2014 rend d’ailleurs ce contrat obligatoire, sans en fixer de montant minimal.

Étonnement pour les institutions encore en négociation

Du côté de la place de l’Étoile, on s’étonne qu’une telle annonce ait pu être faite étant donné que les services de la Ville de Strasbourg comme ceux de l’Eurométropole sont encore en pleines négociations. Aucune délibération sur un montant à ce sujet n’a été votée par les élus et cette question n’est au programme du prochain conseil municipal, lundi 26 janvier. Même les services de la Préfecture ont répondu qu’à leur connaissance l’accord n’était pas signé et donc les détails non divulgués.

Pourtant l’annonce du préfet n’est certainement pas une imprudence. En décembre, Rue89 Strasbourg expliquait déjà dans une enquête sur la « Task-Force » de défense du Parlement européen que le montant serait proche de 150 millions. Lors des périodes 2009-2011, puis 2012-2014, les montants de ces contrats atteignaient 244,48 millions d’euros puis 244 millions. C’est donc une baisse de plus de 40% qui se profile.

En décembre, le Conseil général annonce un fort désengagement

Et cela, c’était avant décembre. Le Conseil général du Bas-Rhin (CG 67) avait alors voté le lundi 8 décembre une baisse soudaine de sa participation. L’enveloppe bas-rhinoise est passée de 29 à 3 millions d’euros. Le maire (PS) de Strasbourg Roland Ries et le président (PS) de l’Eurométropole Robert Herrmann avaient tous deux exprimés leur « stupéfaction » et regrettaient de ne pas avoir été prévenus , après s’être croisés deux jours plus tôt avec la président (UMP) du CG 67, Guy-Dominique Kennel. Accusée de « torpiller » les négociations en cours, la décision du CG 67 avait donné lieu à plusieurs échanges virulents à coup de communiqués, tribunes et motions adoptée à l’unanimité à la CUS.

Enfin, il était reproché à Guy-Dominique Kennel de créer un clivage ville contre campagne, et ce juste avant de céder sa place lors des élections départementales en mars. Pour ajouter à la confusion, quelques élus de droite qui siègent à la fois au conseil général et au conseil de l’agglomération s’étaient abstenus lors du vote au Département, avant de cosigner la motion de la CUS remettant en cause la décision du conseil général.

Guy-Dominique Kennel, réticent à l’idée de céder des compétences à la nouvelle métropole strasbourgeoise, avait réfuté l’idée d’un abandon. Dans une tribune publiée par les DNA, il rétorque que les dépenses sociales du Département ont augmenté de 110 millions d’euros par rapport à 2006 et que 22 000 des 26 000 bénéficiaires du RSA vivent dans l’agglomération strasbourgeoise. De plus, le Bas-Rhin ne serait plus habilité à participer à la plupart des domaines concernés par le contrat triennal. Il est vrai qu’avec la suppression de la clause de compétence générale à l’étude au Parlement, pourtant réhabilitée par Jean-Marc Ayrault dès 2012, les départements ne devraient plus pouvoir intervenir en dehors de leurs obligations.

Cette fois, les collectivités ne peuvent plus compenser

Mais 26 millions d’euros en moins n’expliquent pas une baisse de 98 millions d’euros. Toujours selon les informations d’Europolitics, l’État baisse aussi sa participation en passant de 47 millions d’euros à 40 voire 37 millions d’euros, alors qu’un temps il était envisagé que l’enveloppe reste quasi-identique. Lors de la dernière édition, l’État avait déjà agacé les autorités locales puisqu’en plus d’une baisse programmée de 40 millions d’euros suite aux remboursements liés à l’arrivée du TGV Est, les 80 millions d’euros promis en février 2012 étaient devenus 47 lors de la signature en décembre. Cette fois-ci, victimes par ailleurs d’une baisse de leurs dotations de fonctionnement par l’État, les collectivités ne sont plus en mesures de compenser ce désengagement.

Lors d’une conférence de presse en décembre, Roland Ries avait pourtant indiqué que la Ville et l’Eurométropole devraient contribuer à la même hauteur que lors de l’édition 2012-2014. Si l’engagement est tenu, cela fera figure d’exploit dans le paysage local. Un optimisme que ne partageait pas Guy-Dominique Kennel qui avait pourtant prédit que « la CUS passe de 50 millions à 15 millions d’euros et la Ville de 73 millions à 45 millions d’euros ». Les annonces du préfet semble aller dans le du président du Bas-Rhin.

La Région Alsace avait de son côté voté dès décembre la baisse de sa participation de 21,47 millions d’euros à 13,17 millions d’euros (-37%) et indique « ne pas avoir de commentaire à faire » sur cette diminution.

Lors d’un déjeuner de presse vendredi 23 janvier, Catherine Trautmann à la tête de la Task-Force pour Strasbourg ne s’est pas alarmée de cette baisse :

« La défense du siège du Parlement européen à Strasbourg n’a pas besoin de plus de moyens. C’est une lutte politique. Les montants sont plus faibles, mais au moins ils seront désormais sincères. Certains projets n’avaient rien à faire dans le contrat triennal. Cela l’a affaibli. »

Un nouveau festival de musique

Parmi les projets de ce nouveau contrat, une modification des lignes de tramway place de la République pour avoir une ligne directe entre la gare et le quartier européen, relancer des lignes aériennes subventionnées, des financements pour l’orchestre philarmonique, le Forum mondial de la démocratie et les expositions du lieu d’Europe, poursuivre les financements pour Musica et un nouveau festival, Saxopen, qui comme son nom l’indique fera la part belle au saxophone.

Article mis à jour vendredi 23 janvier pour ajouter la réaction de Catherine Trautmann

Aller plus loin

Sur Europolitics : Strasbourg revoit à la baisse son contrat triennal (accès payant)

Sur le site de la Préfecture d’Alsace : Les contrats triennaux 2009-2011 et 2012-2014

Rue89 Strasbourg : Les actions de la Task-force pour le Parlement européen : une plaquette en un an


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