Les estimations finales parlent de plus de 3,7 millions de personnes voire d’un comptage « impossible » à Paris pour le ministère de l’Intérieur. En France, la journée du dimanche 11 janvier est le plus grand rassemblement jamais recensé. Et il n’y a pas eu un seul incident. Ailleurs dans le monde, à Berlin, à Athènes, à Jérusalem, à Bruxelles ou ailleurs, l’hommage était partagé.
Deuxième plus grand rassemblement depuis la Libération
À Strasbourg, la marche collective en hommage aux 17 victimes tombées entre le 7 et le 9 janvier et contre le terrorisme est le deuxième plus grand rassemblement depuis la Libération. En 1997, 50 000 personnes avaient battus le pavé dans les rues contre la tenue du congrès du Front national à dans la capitale alsacienne.
D’autres villes moins peuplées ont su davantage fédérer (Rennes, Brest, Grenoble, Saint-Etienne…). Il est vrai que d’autres rassemblements en Alsace, à Obernai, Colmar, Mulhouse ou même des plus petites communes ont aussi mobilisé.
Des citoyens se relayent en tête
Bien qu’il n’y avait pas de consigne officielle, beaucoup d’organisateurs comme de participants avaient émis le souhait que personne ne vienne avec des symboles d’organisations. Cette volonté est devenue quasi-unanime. Des citoyens se sont relayés en tête de cortège, sans récupération ostensible. Comme un symbole, la sociologue turque de l’Université de Strasbourg Pinar Selek a ouvert le cortège pendant une partie de la procession.
Rue89 Strasbourg s’est demandé avec les Strasbourgeois, comment cette impressionnante unité du jour peut perdurer et empêcher notre société de se diviser à l’avenir. Car c’est bien l’un des buts de ces attaques : que notre société, dont l’équilibre est déjà fragile, se déchire demain sur ces questions, une fois que l’émotion sera passée et que le nécessaire débat commencera.
Plus de dialogue, plus de tolérance, pas d’amalgame, telles sont quelques unes des pistes dressées. S’il y a bien un constat unanime, c’est que cela ne sera pas facile.
Thomas, qui a passé la journée avec le mégaphone sur la camionnette en tête de cortège
« Ca marque qu’il y ait tant de monde. Honnêtement on tablait plutôt sur 20 000 personnes et les organisateurs se félicitent du déroulement de cette journée, sans heurt, sans affichage et sans récupération. Demain comment aller plus loin ? Déjà parmi les associations organisatrices de ce rassemblement, il y avait des avis très divergents sur ce qu’il fallait faire. Je ne sais pas si aujourd’hui on portait tous le même message. Il faudra beaucoup de compromis pour arriver à quoi que ce soit. Quand on voit les réactions de soutien envers ces terroristes, quelque chose a échoué dans notre société. »
Christine Panzer, présidente de l’ASTU, l’une des associations organisatrices.
Silvio, à l’origine du rassemblement de mercredi et l’un des organisateurs de celui de dimanche
« Aujourd’hui, nous sommes encore sur une réaction émotionnelle. Les personnes ne sont pas là seulement pour un hommage, mais aussi affirmer des valeurs auxquelles on tient. Mais pour des valeurs, il n’y a pas forcément de mesures concrètes et immédiates à prendre. Il faut réfléchir aux suite que l’on peut donner à cette mobilisation. En tant qu’organisateurs nous sommes vraiment heureux de voir que les organisations partisanes et les élus ont abandonné leurs étiquettes pour construire un véritable mouvement citoyen. »
Hélène
« Je vois les Musulmans différemment, car ce sont les premiers concernés par ce qui se passe et les amalgames. Maintenant, il faut encadrer les jeunes, notamment dans les écoles, les familles, les mosquées et les autres institutions religieuses. Cela passe par l’éducation et l’information. Faire parler les armes ne sert à rien, même si ça prend moins de temps. »
Véronique
« Les mouvements politiques comme le FN font en sorte qu’il y ait de la division et de la stigmatisation et pourtant aujourd’hui il y a beaucoup monde dans les rues car on a touché à la liberté d’expression et d’opinion. Je pense que c’est le début d’une réconciliation entre les Français autour de ces valeurs. »
Mickaël
« L’unité doit appeler à plus de réflexion. Il faut faire preuve de plus de tolérance suite à cette prise de conscience, qui doit durer. Ce sera difficile. »
Senesie
« Il faut renouer avec le dialogue pour retrouver de l’harmonie. Organiser des débats, à petite échelle, dans chaque quartier et les petites communes. »
Dominique
« Une fois les pancartes reposées, il faut que tout le monde garde cet état d’esprit. Tant que les religions ne manifesteront pas contre ce qui est fait en leur nom les amalgames risquent de continuer. Pourquoi le font-elles pas plus ? Par peur ? »
Thomas
« Il faut un Patriot Act à la française, c’est à dire sans les dérives que l’on a connu avec la NSA aux Étas-Unis. La gauche veut moins de prison, mais la contrainte pénale ne concerne que les condamnations de moins de 5 ans, ce qui ne concerne pas les terroristes et la droite veut plus de prison pour tout le monde, alors que en fait c’est notre modèle carcéral qui ne fonctionne pas. Et pourtant, je travaille pour l’un de ces deux partis. Il faudrait se tourner vers un modèle à la Scandinave, des prisons semi-ouvertes à la campagne et qui mènent à moins de récidive. »
Mégane
« Il faut continuer à nous rassembler régulièrement, pas seulement lors d’événements tragiques. La société doit continuer à s’exprimer et à réfléchir. »
Sylviane
« Je crains que tout cela soit éphémère. L’humain ne réfléchit pas assez sur l’ensemble de la société. Il faudrait se mobiliser pareillement sur d’autres sujets comme la pauvreté. On en est arrivé là, car même en travaillant certains ne s’en sortent pas. Ma génération s’en sortait mieux, alors qu’il y a de plus de richesses aujourd’hui. L’union aiderait le monde.
Gilbert
« Le monde politique aura un rôle important à jouer. Continuer à avoir de l’unité et ne pas défaire ce que les prédécesseurs ont fait à chaque mandat. Dans l’association dont je suis membre nous allons continuer à évoquer le sujet. Il n’y aura pas de lendemain si ces journées ne sont pas suivies par des actes d’unité. Il faut continuer à défendre la laïcité, particulièrement ici en Alsace. »
Sabine et sa fille Cécile
Sabine : « Emmener ma fille était un déjà un geste important à ce niveau et elle était demandeuse pour venir. Je suis venu de loin, d’un village près de Marlenheim. C’est la première fois de ma vie que je manifeste. Il ne faut pas que cet élan retombe. »
Cécile : « Comme je suis dans une école de dessin, je me sens particulièrement touchée. Le dessin c’est l’expression. Avec notre classe nous avons fait beaucoup de travaux sur ce thème depuis mercredi. »
David et Sébastien
« Il ne faut pas se tromper d’ennemi désormais. On a senti un élan national et même international sur ce sujet. Il faut arrêter de culpabiliser les gens dès qu’ils s’expriment et de les mettre dans des cases dès que l’on est pas d’accord avec eux. Il faut apprendre à faire preuve de plus de discernement. »
Jeudi 8 janvier, le maire de Strasbourg, Roland Ries, a proposé que des représentants de l’ensemble des religions et des athées se rendent dans les écoles strasbourgeoises pour dialogue. Il est vrai que les enseignants, non préparés à ces situations, se sont trouvés désarçonnés.
Et vous quelles sont vos idées pour faire perdurer cette unité fragile ? Laissez-les en commentaire.
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