La bombinette a été lâchée par une journaliste des DNA. Chargée du suivi du Racing Club de Strasbourg Alsace (RCSA), elle était amenée à commenter les bons résultats des basketteurs strasbourgeois :
« Les gens n’en ont pas grand-chose à faire, sérieusement. Aujourd’hui, tu fais un papier sur la SIG pour le web, tu ne vas pas avoir plus de 300 vues. Pour le Racing, ça monte à 12 000 très rapidement. »
Près de 20 000 copies seraient même vendues juste pour les pérégrinations du club de football strasbourgeois. Ces propos rapportés par le magazine So Foot. ont vexé le monde de la balle orange. Peu importe que sur le site de ce même journal les audiences oscillent entre 3 000 et 5 000 vues pour la SIG, quand aucun des quatre derniers articles sur le RCSA n’a dépassé les 4 000, le mal est fait.
Même en cinquième division, le Racing reste le Racing
Cette flagrante distorsion de réalité, volontaire ou non, serait révélatrice de l’état d’esprit alsacien, des amateurs de sport aux dirigeants politiques comme économiques, en passant donc par les journalistes. Sur le forum Infrarouge, les supporters ne manquent pas de relever à chaque occasion l’écart d’exposition médiatique entre l’un des favoris de la Pro A de basket et le club du ventre-mou de National. Des choix coupables d’une stagnation du club dans les cœurs des Strasbourgeois pour certains internautes utilisateurs des forums.
Oui mais voilà, c’est sûrement injuste, mais même relégué en cinquième division en 2011, la Racing reste le Racing. Une institution. Il a le droit à son sketch annuel dans la revue de cabaret alsacien de La Choucrouterie, un honneur que ne connaissent pas les basketteurs, qui ont pourtant aussi connu quelques saisons décevantes dans les années 2010.
À l’heure où l’on parle de rayonnement pour tout, les sportifs alsaciens brillent davantage sur les parquets
Alors que les footeux ont encore le titre de 1979 en tête, celui ramené en 2005 par les basketteurs semble, lui, déjà loin. Sauvés administrativement sans que l’on ne sache vraiment pourquoi d’une relégation sportive en CFA (la quatrième division), les bleus et blancs pataugent en milieu de classement cette année encore, après un bon début de saison. À l’heure où l’on parle de rayonnement européen et même international de Strasbourg pour tout et n’importe quoi, ce sont plutôt sur les parquets, que les sportifs alsaciens brillent ces dernières années.
Et pour cause, après deux finales du championnat de France, la SIG réalise encore un exercice de haut vol. Ce dimanche 28 décembre, elle partage la tête du championnat de France ex æquo avec Limoges avec un bilan de 12 victoires et 3 défaites. Non contente de sa domination hexagonale, les seigneurs des anneaux l’ont assortie d’un première place dans leur groupe d’Eurocup, la deuxième coupe d’Europe dans la hiérarchie. L’an dernier, les rouges et blancs s’étaient même frottés aux plus grands du vieux continent, certes sans grand succès. Le Real de Madrid, Istanbul ou Milan ont écumé les planches du Rhénus. Spectacle ou résultats, il n’y a pas grand chose à redire de la SIG ces deux dernières années. Il ne manque qu’un titre.
En tribune, il n’y a pas match
Si l’on regarde côté tribune, il semblerait pourtant que si une équipe d’élite évolue à Strasbourg, c’est bien à la Meinau, forte d’un affluence de 10 000 spectateurs que certains clubs professionnels en Ligue Un envient. En dehors des matches de phase finale au printemps (les play-off) où cette jauge pourrait être atteinte, la SIG peine à remplir régulièrement les 6 000 places du Rhénus Sport malgré ses succès. Il est pourtant question que la SIG joue un match au Zénith dans une configuration de 10 000 places cette année , mais pour l’instant, la proposition reste au stade de projet. Saison après saison, l’inexplicable se poursuit. En décembre certains matches ont même été bradés sur Groupon.
La faute peut-être aux matches à répétition (3 pour la première semaine de décembre) ou ces rencontres décalées à 20h50 en semaine pour satisfaire les diffuseurs, alors que le public de la SIG est pourtant composé de beaucoup de familles.
Alors que dans certaines communes (on pense à Limoges, Pau, Roanne Gravelines ou Le Mans) les supporteurs sont revenus à la raison, voyant que le foot était peine perdue dans leur ville, pour investir le basket, le Strasbourgeois, tel un Sisyphe des temps modernes, continue de s’époumoner dans le froid pour son 11 majeur, pour des résultats au mieux en dents de scie, avec l’espoir de rallumer « la flamme de 1979 ».
Que les rouges et blancs se consolent, quand l’Étoile noire de Strasbourg s’était aussi hissée en finale du championnat de France de hockey en 2011, ses joutes sur glace à l’Iceberg se sont déroulées dans un anonymat encore plus grand que celui du Wacken.
Des stars à la pelle
Enfin, si l’on demande des stars, ce n’est pas ce qui manque au Rhénus. Le géant Alexis Ajinça a pu faire admirer son talent deux ans avant de déployer ses ailes chez les Pelicans de la Nouvelle-Orléans. Il a été remplacé par l’Australien David Andersen, passé par les plus grands d’Europe et la NBA.
Cette année, la SIG compte trois internationaux français avec Ali Traoré, Antoine Diot et l’entraîneur Vincent Collet. Les deux derniers étaient aussi de la partie l’an dernier et ont été sacrés champion d’Europe en 2013, avant de finir troisième à la Coupe du Monde 2014. Sans leur faire injure, c’est un autre calibre que Gauclin, Sikimic et autres Marques de notre bon RCSA. Pour certains observateurs, l’équipe actuelle serait peut-être la meilleure que la SIG n’ait jamais connu.
Cadeau de Noël avant l’heure, la SIG s’est offerte les services de Mickaël Gélabale pour le mois de décembre. Lui aussi international français et passé trois années par la grande ligue américaine, ainsi que par le Réal de Madrid ou la Russie. Les deux parties semblent vouloir poursuivre l’aventure, mais il faudra s’entendre financièrement. Et là, il y a eu quelques mauvaises nouvelles en décembre…
Lâché par les collectivités ?
Le Conseil général a en effet annoncé ne verser que 15% de sa dotation 2014 promise, « dans l’attente d’un éventuel complément qui pourrait être décidé lors de la session budgétaire d’avril 2015 ». Des termes peu rassurants et à la clé un différentiel possible de 150 000 euros, qui compromet l’acquisition d’un renfort éventuel. On imagine déjà le kop du Racing défiler dans Strasbourg si un tel sort était réservé au RCSA.
La part de l’argent public a beau avoir diminué de 50 à 34% en 4 ans, cela reste une ligne importante dans un budget de 6 millions d’euros, peu ou prou, l’équivalent de celui Racing (5,7 millions), plus gros budget de la troisième division française.
Toujours sur Infrarouge, un forumer estime, non sans une once de jalousie, que c’est à la Région de faire l’appoint. Pourquoi ? Car en 2012, elle a plus ou moins sauvé le Racing avec 600 000 euros. Un soutien si important, que le feu-RCS, devenu une association, a même été quitte pour changer de nom et de logo en ajoutant la mention Alsace et devenir le RCSA. L’ombre du Racing n’est jamais bien loin des arceaux.
L’inquiétude est redoublée lorsque l’on voit le sort réservé au rallye d’Alsace, pour lequel le Conseil général arrête de verser 240 000 euros annuels. La CUS divise son enveloppe par deux (de 300 000€ à 150 000€) et seule la Région maintient sa subvention (460 000€). Le sort de la course automobile semble scellé et les clubs pro craignent que l’idée fasse des émules.
« Chaque euro investit rapporte bien plus » ne semble plus vrai
Pourtant il y a quelques années, tout le monde en Alsace s’accordait que dans le sport « chaque euro investit en rapporte bien plus ». En conseil municipal le 22 septembre, Serge Oehler adjoint au maire de Strasbourg chargé des sports estimait que pour le rallye, les 300 000€ investis par la CUS offraient un retour de 7 millions d’euros, tandis que la Région, d’après une savante formule mathématique secrètement gardée, affirmait que les 1,5 millions d’euros d’argent public ont généré 18 millions de retombées. Bien que le coefficient diffère, la même formule est pourtant utilisée par les mathématiciens des cabinets politiques locaux pour ses clubs professionnels.
Si l’adage est encore vrai en 2014, il faudrait donc… augmenter ces investissements et non les supprimer pour faire face aux problèmes budgétaires des collectivités territoriales. La Cour des comptes en 2009 comme le Sénat cette année ont noté que de manière générale, les retombées pour les collectivités des subventions au sport professionnel étaient finalement très incertaines.
Profitons du spectacle tant que ça dure
Malgré une professionnalisation flagrante ces dernières années, la SIG n’est donc pas beaucoup en mesure de se projeter. Ambitieux pour la SIG, son président Martial Bellon aimerait que le budget passe de 6 à 9 millions d’euros en 5 ans pour rivaliser avec de grosses écuries européennes, mais ces recettes dépendront de la bonne volonté des sponsors (souvent liée aux résultats) et des collectivités.
Côté sportif, après cette saison, plus aucun joueur, ni entraîneur n’est sous contrat. Les meilleurs talents (le coach Vincent Collet, Ali Traoré, Antoine Diot voire la révélation Matt Howard) auront des propositions des cadors européens, d’autres cadres vieillissent, tandis que les plus jeunes peinent à exploser pour se voir confier de plus grandes responsabilités à l’avenir.
Quoiqu’il en soit, profitons du spectacle offert au Rhénus, car les saisons suivantes seront certainement conditionnées par la réussite de celle-ci. Un titre peut permettre de fortifier la dynamique actuelle, tandis qu’un nouvel échec marquerait probablement la fin d’un cycle. Le jour où la SIG sera le premier club de sport de la capitale alsacienne semble, lui, bien loin.
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