Deaf Rock, c’est une tribu de moustachus qui (s’a)grandit lentement mais sûrement. Sept groupes ont été signés sur ce label depuis sa naissance en 2009 et un huitième ne saurait tarder avec, toujours, cette ligne de vie chevillée au cœur et au corps, farouchement et fièrement défendue par Julien Hohl, le directeur de Deaf Rock : se faire plaisir.
« On cherche une esthétique chez Deaf Rock : un son, une musique animés avant tout par le live, avec de l’énergie. Ma priorité avec un groupe, c’est ce qu’il exprime sur scène. En concert, je veux prendre une claque. C’est la première des choses qui me donnera envie ou non de signer quelqu’un. »
Julien Hohl est bien conscient de disposer de ce luxe baptisé « indépendance ». Voilà donc la quintessence de Deaf Rock, label indé strasbourgeois aux choix dictés par l’instinct, la passion et aussi un bon brin de folie (ainsi qu’une moustache bien fournie!). Bien évidemment et fort heureusement, Deaf Rock n’est pas un cas unique mais son éclosion à la France et sa naissance à l’international l’érigent tout de même en jolie réussite dont les fondations, solides, ne doivent rien au hasard.
Deaf Rock, un label français qui se diversifie
Il y a cinq ans, Deaf Rock Records crache ses premiers décibels avec Colt Silvers, combo colmarien au gros potentiel, dans un esprit Do It Yourself (DIY, à prononcer « di-aïe-ouaille ») hérité de cette culture punk-rock garage qui parle tant à Julien Hohl. Mais si le côté DIY présente des atours bien sympathiques de communauté libre à tendance post-hippie, la viabilité, puis la survie, du label appellent un cadre plus structuré :
« Le DIY, c’est comme une grosse tambouille, tu mets tout ce que tu veux dedans ! C’est ce qu’on a fait car on était dans une niche, avec une scène punk-rock très spécifique. En plus de cela, jusqu’en 2012, Deaf Rock était une association. On a enchaîné les sorties d’albums pendant trois ans, mais à partir d’un moment, pour passer un cap, il fallait que Deaf Rock ne soit plus seulement un label de Strasbourg mais un label français. Il fallait devenir bien plus pro et avancer sur d’autres rails. »
Deaf Rock devient alors une entreprise à part entière et investit dans un studio : 120 m² faubourg de Saverne à Strasbourg avec quatre cabines de prise de son, une régie principale, un petit espace détente et un producteur – ingénieur du son résident, Christophe Pulon, cofondateur du label et co-associé avec Julien Hohl et Thibault Dutt (toujours dans la structure même s’il est, depuis, parti sous d’autres cieux professionnels). Outre ce studio qui accueille les groupes millésimés Deaf Rock ainsi que des formations alsaciennes telles Lyre le Temps, Hermetic Delight, Caterva, Call Me Cherry ou Redlight Dreams pour des enregistrements, mixages, clips, etc, Deaf Rock s’est diversifié pour assurer sa survie dans un contexte économique qui l’exige : « Aujourd’hui, si je ne vendais que du disque, j’aurais déjà fermé », reconnaît Julien Hohl. Le label donne donc également dans le management (pour Colt Silvers et 1984) et l’édition, qui implique, en filigrane, la question des droits d’auteur des groupes signés.
Faire la fête, en famille, au Club Laiterie
Famille élargie quoique de taille encore modeste mais avant tout heureuse et bien dans ses baskets, Deaf Rock a bien gagné le droit de faire la fête. Jeudi soir, au Club Laiterie, c’est le Deaf Rock All Star Band qui ouvrira la soirée :
Chacun des sept groupes du label jouera ainsi deux titres extraits de sa discographie dans une formation scénique inédite rassemblant pêle-mêle des membres de Colt Silvers, Plus Guest, 1984, Electric Suicide Club, La Mort de Darius et Alpes.
Birdy Hunt, de son côté, se montrera brièvement en ouverture de soirée avant de tenir le haut de l’affiche durant la seconde partie. Derniers débarqués dans la famille Deaf Rock, ces Parisiens frais et bondissants sortent leur premier album après deux EP’s publiés en 2011. Les onze titres de ce Shoplift d’excellente facture exhalent un savoureux parfum de fièvre, de légèreté et d’urgente fureur de vivre, à l’image de ce premier extrait au dynamisme contagieux et dont le clip karaoké-kitsch vaut furieusement le détour :
On pense aux Vaccines qui firent sensation il y a trois ans avec un premier album très brut (What Did You Expect from The Vaccines ?) ou encore à Foals et Future Islands. Avec ses mélodies efficaces, Birdy Hunt pourrait bien porter Deaf Rock vers de nouveaux horizons, tout comme le groupe niçois Alpes avec son nouvel EP Dream Ocean ou comme ont déjà pu le faire les « anciens » du label dont certaines dates de tournées se sont avérées exotiques et pour le moins inattendues : 1984 et Colt Silvers en Chine et aux États-Unis, par exemple, ainsi que la Russie pour Colt Silvers avec une date unique, le 12 juillet dernier, au festival Voice of Nomads sur les rives du lac Baïkal à Ulan-Ude.
Avec une fin de mois d’octobre active, Deaf Rock restera sur sa lancée en novembre : 1984 dévoilera le 17 novembre un nouvel EP, Night Phases (dont voici le clip du premier single, Curtains in Our Nights) qui succédera à Influenza (publié l’an dernier) et Alpes sortira le clip Dream Ocean, du nom de son dernier EP éponyme.
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