Marie-Lorraine Muller, actionnaire majoritaire de la brasserie Schutzenberger, a déposé mercredi 1er octobre auprès de la Ville de Schiltigheim une demande de permis de construire pour réhabiliter le site historique de la marque, fermé depuis 2006. Le projet est dans les cartons depuis que la bière du même nom, brassée à Saverne par La Licorne, est réapparue en 2012 sur les rayons (lire notre article) alsaciens. Actuellement, seuls des bureaux et un entrepôt de stockage sont en état de fonctionner sur cette friche industrielle de 2,8 hectares datant de 1847 et dont certains bâtiments menacent de s’écrouler.
Un bâtiment classé mais délabré
Comme la brasserie est un bâtiment classé à l’inventaire des monuments historiques, il est nécessaire d’attendre six mois au minimum pour savoir si cette demande est acceptée ou non, contre trois en temps normal. Les Bâtiments de France comme la mairie ont chacun trois mois pour se prononcer. Un délai auquel s’ajoute deux mois de recours des tiers. Marie-Lorraine Muller ne cache pas son enthousiasme :
« Trois millions d’euros ont été rassemblés. La demande s’est déroulée dans un climat apaisé à la mairie. Nous voulons à nouveau réaliser le brassage et l’embouteillage de la bière Schutzenberger sur ce site et l’assurer pour quelques autres petites marques. Quelques projets sont déjà dans les tuyaux. Si le permis est donné, il faudra compter environ 9 mois pour la commande des cuves et la production pourra se mettre en route ensuite. »
Si le projet aboutit, Schutzenberger compte employer trois personnes et l’activité devrait engendrer d’autres emplois induits, il est question d’un musée, d’un hôtel, d’un spa… Marie-Lorraine Muller prévoit jusqu’à 68 emplois rue de la Patrie si l’ensemble de ses projets se réalisent.
Le nouveau maire de la cité des brasseurs, Jean-Marie Kutner (UDI), s’est dit « ravi » par cette demande :
« J’ai toujours voulu la résurrection de la bière à Schiltigheim et non sa mise en… bière. Sous réserve que les mesures de sécurité soient biens respectées, je me réjouis à l’idée de délivrer ce permis de construire. »
« Le maire a fait des promesses contradictoires »
L’ancien maire Raphaël Nisand (PS), qui était réservé en 2013 sur le projet de Marie-Lorraine Muller, a accueilli la nouvelle « favorablement ». Il reste néanmoins circonspect sur les choix de la municipalité :
« J’espère que le projet aboutira. Je suis également pour le renouveau de la bière à Schiltigheim. Personnellement, j’avais différé l’attribution de ce permis de construire, car je souhaitais une zone d’aménagement concerté (une ZAC, comme au Port du Rhin, ndlr) sur l’ensemble de la zone et non une surenchère d’autorisations sans cohérence comme désormais. Le maire actuel avait d’ailleurs voté pour cette ZAC, qui se serait terminée quelques mois après les élections municipales. Au conseil municipal du 16 septembre, les plans du projet de grande route qui traverse la ville ont été votés par la majorité. Ils passent sur le site actuel de la brasserie Schutzenberger et il n’y a pas la place pour passer ni au nord, ni au sud. Le maire a fait des promesses à tout le monde et maintenant, il va devoir trancher. Dans ces conditions, je crains que la renaissance de la brasserie ne tarde un peu plus longtemps… »
Des craintes que Jean-Marie Kutner réfute :
« Compte tenu des finances de la CUS, qui sont asséchées, le projet de la zone d’aménagement concerté autour de la friche n’aurait pas été finalisé avant une dizaine d’années. Plusieurs investissements de la CUS sont actuellement reportés de quelques années, voire d’un mandat et celui-là n’aurait probablement pas été prioritaire. Cette solution est plus rapide et ne demande pas d’argent public. Concernant la future route, deux options, qui ne menacent pas la brasserie Schutzenberger, sont possibles : une qui passe légèrement par le nord du site, qui nécessite la démolition d’une maison sur le tracé et dont il faudra exproprier et indemniser les habitants, et l’autre au sud qui passe sur l’actuel hangar de la brasserie, qui doit être détruit de toute façon. »
Réponse dans six mois et quelques. Quoiqu’il en soit, le secteur s’apprête à connaître des embouteillages. Reste à savoir s’ils seront dans l’usine, sur la route ou les deux.
Article mis à jour à 10h14 pour intégrer la réaction de Jean-Marie Kutner.
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