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Pour Stéphane Dedieu, accro aux chariots, Caddie, c’est pas fini

Stéphane Dedieu ne se résout par à lâcher Caddie. Il fut jusqu’en 2012 le PDG de cette entreprise à Drusenheim fabricant les chariots mondialement connus avant d’être poussé vers la sortie par le repreneur d’alors, le groupe Altia. Il revient aujourd’hui, par amour pour la marque dit-il, et aussi parce que ses affaires actuelles dépendent étroitement de la bonne santé de Caddie. Jugement ce lundi devant le tribunal de commerce de Paris.

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Stéphane Dedieu a dirigé Caddie de 2009 à 2012 et pour lui, c'est sûr, le chariot qualité France a un avenir (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Stéphane Dedieu a dirigé Caddie de 2009 à 2012 et pour lui, c'est sûr, le chariot qualité France a un avenir (Photo PF / Rue89 Strasbourg)
Stéphane Dedieu a dirigé Caddie de 2009 à 2012 et pour lui, c’est sûr, le chariot qualité France a un avenir (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

Il y a des choses que Stéphane Dedieu, l’ancien PDG de Caddie jusqu’en 2012, peut faire. Être devenu à 31 ans en 1999 le directeur export de l’entreprise, il peut le faire. En devenir PDG en 2009, passer de 750 employés à 520 en trois ans et fermer le site historique à Schiltigheim sans une grève, il peut le faire. Quand l’entreprise dépose le bilan en 2012, pour être rachetée par le groupe Altia pour 1,9 million d’euros, il peut rester pour n’être plus que directeur commercial, c’est sa formation après tout. Stéphane Dedieu peut même partir sans bruit, constatant sa mise à l’écart, pour se replier sur Hebeco, un fabricant de pièces en plastiques à Colmar, en décembre 2012.

Mais il y a une chose que Stéphane Dedieu ne peut pas faire, c’est voir Caddie s’arrêter. Là, Stéphane Dedieu, 46 ans, trace une ligne dans le sable :

« Quand j’ai vu que les promesses d’Altia pour Caddie n’étaient pas tenues, et que cette entreprise allait droit vers le dépôt de bilan, je me suis dit, je ne laisse pas faire. Pas question, j’ai vu grandir cette entreprise, elle a marqué mon enfance, elle a fait vivre toute ma famille pendant 25 ans. J’ai vendu des chariots Caddie en Australie, et là bas ils connaissent et reconnaissent cette qualité made in France et m’en parlent encore aujourd’hui. Ça ne peut pas s’arrêter. Dans les années 70, Caddie était la référence européenne, nous étions la source d’inspiration même pour Wanzl (constructeur de chariots allemand, leader du marché ndlr). »

Entendre Stéphane Dedieu parler de Caddie, c’est comme s’il s’agissait de la conquête spatiale :

« Construire des chariots, c’est une industrie à part. Vous changez un millimètre sur une cote et paf, vous chariots ne s’emboîtent plus comme il faut. C’est un vrai métier. Le personnel ici est au top niveau, ce sont souvent des ouvriers dont l’oncle, le père a déjà travaillé chez Caddie… On ne devient pas numéro un avec une soudeuse vous savez. Et les employés de Caddie connaissent toutes les astuces pour gagner en productivité. »

Un épineux problème de rentabilité, pas réglé

Avec un tel argumentaire, on se demande vraiment comment Caddie peut en être aujourd’hui et depuis le 1er août à son deuxième redressement judiciaire en trois ans. Pourtant, les causes sont connues. L’entreprise n’a guère innové depuis la mort de son fondateur, Raymond Joseph en 1984. Et Caddie ne gagne pas assez d’argent sur ses ventes, voire en perd. En cause, un aller-retour entre les ateliers, à Drusenheim et Oberhausbergen où les chariots doivent subir une phase de galvanisation pour éviter leur corrosion.

Dans son plan de reprise, Stéphane Dedieu n’a pas de solution à cet épineux souci :

« J’ai essayé de trouver des sous-traitants, car construire une ligne de zingage est devenu extrêmement complexe en raison des contraintes environnementales. Mais aucun ne fait un aussi bon boulot que Caddie – Revêtements Industriels à Oberhausbergen, donc j’ai décidé d’inclure l’entreprise dans le périmètre de notre reprise. Seulement, on ne fera fonctionner qu’une ligne au départ, avec 23 salariés sur 33. »

127 salariés repris… sur 400

Car avec le plan de reprise de Stéphane Dedieu, on redescend brutalement sur Terre. L’ancien PDG ne prévoit que de reprendre 127 employés sur les deux sites, pour produire 200 000 chariots par an, recentrés sur les modèles pour les supermarchés, et viser un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros fin 2015. Pour une entreprise qui employait 750 salariés en 2009, et qui en compte encore 400 aujourd’hui, le coup est rude. Une seule autre proposition connue a été faite au tribunal de commerce de Paris, lequel doit se prononcer ce lundi sur l’avenir de Caddie, qui prévoit de reprendre 130 salariés.

La nouvelle identité visuelle proposée par Stéphane Dedieu (doc remis)
La nouvelle identité visuelle proposée par Stéphane Dedieu (doc remis)

Pour boucler son projet de reprise autour de 5 millions d’euros, Stéphane Dedieu a mobilisé des distributeurs de Caddie, en Italie (Aldo Bertoldi) et dans les pays de l’Est (Armed Stepanian), et un prestataire de services aux supermarchés dont il dirige déjà la filiale française, Shopbox. Avec Hebeco, qu’il a racheté en décembre 2012 et qui produit entre autres des roulettes en plastique pour les chariots, tous ont intérêt à ce que Caddie survive.

Avec un tel tour de table, Stéphane Dedieu espère regagner la confiance des clients :

« Peut-être que je manque un peu d’ambition avec ce projet. Mais l’usine est à l’arrêt, des commandes ont été annulées à cause de délais qui n’ont pas été tenus… Et certains fournisseurs n’ont pas été payés. Il faudra tout relancer, je préfère proposer à 127 salariés une garantie d’emploi de 24 mois, et une priorité d’embauche pendant 36 mois pour les autres, que faire miroiter des emplois et ne plus pouvoir payer les fournisseurs quelques mois plus tard. Donc, on redémarrera lentement, mais sûrement, si notre projet est choisi par le tribunal. »

Des chariots à louer pour les supermarchés

Pour trouver les gains de productivité nécessaires, Stéphane Dedieu fera appel à un directeur général, un Alsacien qu’il a recruté par l’intermédiaire d’un cabinet spécialisé. Mais le vrai plan de Stéphane Dedieu pour l’avenir de Caddie, sa carte maîtresse, c’est d’ajouter aux chariots vendus toute une batterie de services, dont leur nettoyage :

« Je viens avec ShopBox, entreprise spécialisée dans le nettoyage des chariots de supermarchés. On a des camions tous équipés qui traitent les chariots sur site. Donc l’idée, c’est de proposer à nos futurs clients un pack : les chariots avec leur maintenance et les services associés. On sera les seuls à faire ça. Et à moyen terme, proposer aux distributeurs de nous louer les chariots, qui seront toujours propres et fonctionnels. »

Dans son projet de reprise, Stéphane Dedieu est allé très loin. Il a même prévu un nouveau logo (voir ci-contre) et choisi le nom de la société : Les Ateliers Réunis, soit l’ancien nom de l’entreprise avant sa vente à Altia :

« On a choisi ce nom pour rendre hommage à ceux qui ont créé cette boîte et l’ont fait prospérer. On a essayé de retrouver les gènes de la maison. Je dois être un vieux paternaliste ou un doux rêveur… »

Rêver de produire des chariots de supermarchés, il faut le faire quand même. De leur côté, les salariés ne rêvent pas et bloquent ce qui reste de production. Si le tribunal choisit une solution de reprise, 270 d’entre eux seront licenciés.

Aller plus loin

Sur Le Monde.fr : Deux offres de reprises déposées pour Caddie

Sur L’Usine Nouvelle.com : Fin de course pour Caddie (accès abonnés)

Sur l’Édition du Soir : quel avenir pour nos chariots Caddie ? (dossier)


#Caddie

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