Trois ans. Il aura fallu trois ans et un dossier de 200 pages pour que Strasbourg récupère son titre. Labellisée sous le nom « Ville d’Art » en 1978, la Ville avait perdu cette appellation en 2005 quand le label avait disparu pour laisser place à un nom plus long, « Villes et Pays d’Art et d’Histoire »(VPAH). Tout était à refaire, et c’est ce que s’était fixé le maire (PS) Roland Ries en début de mandat. Un dossier avait donc été déposé, et à un mois des fêtes, c’est Aurélie Filippetti, ministre (PS) de la Culture en personne qui a annoncé la nouvelle.
La Ville avait déployé les grands moyens pour parvenir à cette fin. Au fil des pages du dossier de candidature, chaque quartier, chaque pan de mur est valorisé. L’accent est mis sur le patrimoine, l’architecture mais aussi l’ouverture vers l’outre-Rhin. Un axe qui a pu jouer en faveur de l’agglomération alsacienne. Yves Aubert, en charge de la culture pour la CUS, est plutôt fier du résultat :
« Avec sa réorientation vers le Rhin et l’Allemagne, Strasbourg est en train de tourner une page dans son histoire. Ce projet nous a servi de moteur pour fédérer les énergies autour d’une envie commune. Le conseil national chargé de délibérer s’est prononcé à l’unanimité. Et ils n’ont pas tari d’éloges ! »
Ceci dit, on avoue au service de la culture que l’annonce était attendue et qu’il aurait été surprenant qu’il en soit autrement.
Un office du tourisme bis
Mais aux côtés de la Grande-Île déjà classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, et de la Neustadt qui devrait l’imiter d’ici à 3 ans (le dossier est en cours), ce label Villes et Pays d’Art et d’Histoire pourrait bien faire pâle figure. Une sorte de médaille que l’on poserait sur une étagère mais qui n’impressionnerait personne. Pourtant, la Ville s’est engagée sur dix années, un peu long si la médaille est en chocolat.
Première obligation, la création d’un Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP, voir le mode d’emploi). Cette nouvelle structure doit à la fois accueillir du public afin de mettre en valeur le patrimoine et produire des documents de sensibilisation. Il ouvrira « d’ici à deux ans place du Château », selon Yves Aubert. Combien de personnes en seront chargés, combien ce centre coûtera aux services de la Ville ? Mystère.
Mais ce n’est pas tout. La Ville devra mener des missions auprès des habitants et surtout vers le public scolaire, pour que les Strasbourgeois prennent conscience du patrimoine qui les entoure. Elle doit créer un « service d’animation de l’architecture et du patrimoine », avec à sa tête un animateur de l’architecture. Mais là encore, combien d’euros ? Aucune réponse, mais sur cette dernière mission, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) peut financer la moitié d’un poste pendant cinq ans.
Edith Lauton qui s’occupe de la mission patrimoine pour la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) explique :
« Comme dans toutes les autres villes où le label est en place, les écoles sont au centre de nos préoccupations, c’est certain. Il est important d’intéresser les jeunes à leur cadre de vie. Mais ce label peut également nous donner de la visibilité, attirer d’autres visiteurs et même peut-être développer l’attractivité pour les entreprises. »
Beaucoup d’espoirs donc. Dans tous les cas, la Ville devra se conformer à ces obligations, faute de quoi elle pourrait perdre une seconde fois ce label.
Aucun changement à Bar-le-Duc, ville d’art et d’histoire depuis 2002
Bien qu’espéré, il est difficile de savoir si le label a un réel impact sur le tourisme ou l’économie. Du côté de l’Office du tourisme strasbourgeois, on n’a évidemment encore pas senti de différence. Le label n’a rien changé en tout cas à Bar-le-Duc, petite ville de 16 000 habitants dans la Meuse, reconnue « ville d’Arts et d’Histoire » depuis 2002. Bien que la ville affiche le logo bien en tête de son site web, juste à côté de « ville fleurie », Étienne Guibert, en charge du patrimoine à la ville de Bar-le-Duc, détaille :
« La visibilité n’augmente que peu avec l’obtention du label. C’est surtout pour les écoles, les groupes scolaires… Et on a un cercle de passionnés du patrimoine qui est demandeur d’animations autour de cette thématique, mais ce sont toujours les mêmes. »
Strasbourg n’a pas attendu le label pour être une ville chargée d’histoire et disposant d’un riche patrimoine. Plus de 6 millions de visiteurs traversent la capitale alsacienne chaque année. Seront-ils plus sensibles aux vieilles pierres désormais ? Rendez-vous dans quelques années.
(édité par Pierre France)
Aller plus loin
Sur Culture.fr : le site du label « ville d’art et d’histoire »
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