L’idée part d’un constat simple : la scène musicale alsacienne est riche, foisonnante et de qualité mais son écho peine bien souvent à franchir les Vosges pour venir titiller les tympans « français de l’intérieur ». L’Alsace jouit évidemment d’une identité forte mais musicalement, il ne faut absolument pas se limiter aux lieux communs de la blossmusik et des talents reconnus des Dampf’ Pfifla ou, dans des styles quelquefois sans lien, rester sur les succès anciens des Cookie Dingler, Herbert Léonard et autre Alain Bashung.
« Un tourneur, ça permet d’exporter un groupe »
La scène musicale d’Alsace est bien vive et vivante, elle remue, bouillonne, fédère des styles de tous horizons et compte surtout des acteurs qui pourraient aisément en être de dignes représentants au niveau national. A l’image de ces scènes locales qui font de temps à autre l’actualité française et s’installent dans les esprits, comme la scène clermontoise, celle de Caen, celle de Reims ou encore celles de Nantes, Rennes, etc. Les fédérations Hiéro Colmar, Hiéro Strasbourg et Artenréel #1 ont donc choisi de s’attaquer à la question comme l’explique Pierre Poudoulec, le président de la Fédération Hiéro Strasbourg :
« Les groupes alsaciens souffrent clairement d’un problème d’émergence au niveau national. Il manque une caisse de résonance efficace via, notamment, un profond travail de lobbying et de promotion. Et cela implique tout d’abord que les groupes alsaciens n’aient pas une vision uniquement cantonnée à la région et que les acteurs régionaux bien installés dans le paysage culturel contribuent à l’émergence de la scène alsacienne. »
Évidemment, cette prise de conscience existe chez ces acteurs et au sein de certaines structures, notamment les CRMA – Centres de ressources des Musiques Actuelles : quatre d’entre eux – sur les cinq que compte l’Alsace – portent d’ailleurs un regard positif sur l’initiative de Hiéro Colmar, Hiéro Strasbourg et Artenréel #1 et participent même au projet (le Réseau Jack, le CRMA de Colmar, Zone 51 et le Noumatrouff). Mais Pierre Poudoulec émet une réserve :
« Le reproche que l’on peut faire aux CRMA et aux salles, globalement, c’est d’axer leur vision sur la diffusion. Ce qui se comprend tout à fait car la sphère d’action d’une salle, c’est sa ville, c’est son territoire son public. Mais ce dont on a besoin aujourd’hui, c’est d’un regard plus lointain, qui permette d’exporter un groupe, comme le font les tourneurs. »
« La tournée, c’est le nerf de la guerre »
Et justement, la priorité réside dans l’embauche d’un tourneur, en complément des accompagnements qui existent déjà pour les groupes au sein du pôle dédié aux musiques actuelles chez Hiéro Colmar (environnement et enjeux du secteur, parcours artistiques, aspects techniques et administratifs, développement des réseaux). Ce besoin d’un professionnel du « booking « , les groupes eux-mêmes le ressentent. Ils sont six à prendre part à la création de Satori, cette nouvelle structure d’accompagnement : Mony and The Hatmen, 100% Chevalier, The Wooden Wolf, Blind Alley, Dirty Deep et Los Disidentes Del Sucio Motel. Julien Rimaire est le bassiste de LDDSM :
« Satori, c’est très intéressant, car la tournée, c’est le nerf de la guerre pour tous les groupes. Rechercher des dates, c’est un travail permanent et fatigant car bien souvent, tu envoies 300 mails pour n’obtenir que 10 réponses dont une seule positive ! Du coup, si cet aspect est géré par un salarié permanent, j’espère que ça va nous permettre de tourner dans de meilleures conditions, plus sereines. Et puis cela veut dire qu’une personne défendra l’intérêt du groupe, la valeur d’un groupe auprès des salles et des programmateurs. »
Même son de cloche pour Laurent Mothiron, alias Mony du groupe Mony and The Hatmen :
« Pour un groupe, le plus important c’est de faire des concerts, de jouer sur scène, de montrer ce qu’il sait faire car il y a énormément de concurrence. Trouver des dates – et surtout de vraies dates, avec des cachets –, c’est un travail fastidieux et ingrat par moments. On ne s’improvise pas bookeur du jour au lendemain, d’autant que c’est un métier qui demande d’avoir un réseau et de l’entretenir. Et puis bien souvent, quand tu es musicien, tu as des impératifs professionnels à côté pour gagner de quoi vivre. Tu n’as donc pas le temps de te consacrer pleinement à la recherche de dates de concerts. »
L’embauche d’un tourneur pour prendre en charge les agendas de Mony and The Hatmen, 100% Chevalier, The Wooden Wolf, Blind Alley, Dirty Deep et Los Disidentes Del Sucio Motel arrive donc à point nommé. Pour Pierre Poudoulec, de la Fédération Hiéro Strasbourg, « c’est l’occasion de faire un solide travail de lobbying et de promotion de nos artistes ». Satori apparaît donc comme un tremplin afin – pourquoi pas – de lancer certains groupes ou de mieux les orienter sur une rampe de lancement.
Second axe, la Fédélab pour les labels
L’autre rapprochement en cours vise à créer une synergie au sein des multiples labels de musique alsaciens. Rue89 Strasbourg vous parlait déjà de ce projet au mois d’avril 2013. Désormais, la Fédélab existe bel et bien, officiellement portée sur les fonts baptismaux le 7 novembre dernier. Cette « Fédération des labels, éditeurs et producteurs phonographiques » regroupe #14 Records – Artenréel #1, 1978 Records, 3rd Lab, Collectif Kim, Cosmopolite Records, Flying Cow Prod, Hell Prod, Press Eject and Give Me Tape et Ram Nation Records.
Cette fédération vise un objectif : aider au développement et à la promotion des labels indépendants en défendant « la juste place des structures qui composent la Fédélab au sein de la filière musicale en mettant en avant l’importance de leur travail dans le développement des groupes et artistes ». Cette Fédélab doit aussi favoriser la réalisation et la diffusion de la création musicale, la mutualisation des services et des compétences et la collaboration avec d’autres acteurs et réseaux de la filière phonographique.
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