Apporter un minimum de confort et de sécurité aux personnes sans domicile fixe, aider à leur réintégration douce vers un cadre de vie plus traditionnel, avec un logement et, si possible, une activité. Voilà pour quoi se bat le Collectif SDF Alsace (voir sa page Facebook), dont le noyau dur est formé d’une dizaine d’anciens de la rue, pour certains issus du mouvement des Enfants de Don Quichotte.
Chaînon manquant entre le 115 et l’HLM
Alors que le Collectif montait un projet de cabanes pour SDF qui pour le moment n’a pas abouti, l’école d’architecture de Strasbourg, l’Ensas, a embarqué Monique Maitte, pilier du Collectif, dans une collaboration inédite avec les étudiants de quatrième année du professeur Markus Hastenteufel. Objectif : proposer aux pouvoirs publics une douzaine d’idées d’abris temporaires ou permanents, chaînons manquants entre les places d’hébergement d’urgence – accessibles par le 115 – et le logement social.
Lundi 4 novembre, devant une assemblée de professeurs, de personnalités politiques et de responsables associatifs, 13 trios d’étudiants en architecture ont présenté leur projet, avec une constante, l’envie de rendre aux SDF leur « droit de cité », de signifier leur présence dans la ville, au même titre et avec les mêmes droits que ses autres habitants.
Alors que trois jeunes présentaient d’abord des wagons stationnés sur des voies de chemin de fer peu ou pas utilisées, à la Montagne Verte, l’Elsau, le quartier Gare ou le Port-du-Rhin, d’autres abordaient la question des dents creuses – exemples boulevard Clémenceau ou de Nancy – dans lesquelles pourraient s’empiler de petits modules cubiques, loués quelques euros par semaine avec gardiennage tournant.
Autre groupes, autre projets, des « cocons » installés place de l’Université, petits cylindres en bois octogonaux équipés de rangements sous une couchette et de parois douillettes, ou des « urban wall » (murs urbains) places Kléber ou Broglie, « des espaces forts de la ville », servant le jour de panneaux publicitaires, la nuit de cabines dépliables dont la clé serait donnée au SDF par une association relais.
Œufs dorés, abris parasites et cabanes accordéons
D’autres équipes ont pensé à des « œufs dorés », mobilier urbain transformable en abri, à des échafaudages et containers modulables au gré des demandes, à des cabanes construites à base de matériaux de récupération (palettes, pneus…), à des abris « parasites » que l’on installerait en contrebas des quais de l’Ill, à des tricycles tractant des maisonnettes pliables, à des abris en accordéons pour s’adapter aux besoins d’un solitaire avec animal, d’un couple, d’une famille, etc.
A l’adresse des politiques présents, Fabienne Keller (UMP), Pernelle Richardot et Christian Spiry (PS), Alain Jund, Marie-Dominique Dreyssé et Eric Schultz (EELV), dont la plupart a applaudi le caractère « rafraîchissant » de la démarche des futurs architectes, le message lancé par Monique Maitte était clair : « Emparez-vous de ces idées, nous sommes prêts à faire des prototypes dans des délais très courts » !
Mais « on a déjà du mal à installer des bancs publics sans accoudoirs », glissait Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg en charge de l’urbanisme. Et d’ajouter, prudent :
« La question, c’est comment sortir des normes, les faire évoluer, pour gérer l’urgence. Mais attention à ne pas créer un monde à part, un nouvel Apartheid, qui dans 10 ans, nous amènerait à faire de la résorption d’habitat insalubre… »
Un kit de survie pour remplacer le barda de 40 kilos
« Ni une question de normes, ni une question d’argent, mais une question politique », ont jugé d’autres intervenants. « Il faut ouvrir le champ des possibles, plutôt que de ne voir qu’une somme de contraintes », a continué Eric Schultz, conseiller municipal écolo. Chiche ? Monique Maitte l’espère, mais tempère :
« On est capable d’aller assister des populations victimes de tsunami dans la minute, alors qu’ici, on a une gestion au thermomètre de la très grande précarité ! Le plan hivernal ne propose jamais assez de places et la préfecture le sait.
Il n’est pas question de sauver tout le monde tout de suite, mais de proposer des solutions intermédiaires. Pour les personnes qui vont être longues à passer à autre chose [que la rue], on a aussi imaginé un système de sac-à-dos ou sur roulettes, parce que nos bardas pèsent très lourd, de 25 à 40 kilos… Dans ce kit de survie, il y aurait une tente, un tapis de sol ultra léger, un duvet grand froid, un nécessaire de toilette, une thermos, etc., le tout bien compartimenté. »
Ce projet de kit pourrait être développé par une entreprise privée, tandis qu’en parallèle, auprès des associations, le Collectif souhaite promouvoir « l’accueil inconditionnel », sans demande de papiers, « sans règles, sans flicage ». Suite à la table ronde de lundi, 3 à 6 projets de jeunes pourraient être sélectionnés et des prototypes réalisés cet hiver avec une aide publique.
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