Lutte de pouvoir, entrechoc des égos, priorités politiques divergentes… Les causes de la bataille qui fait rage entre les ténors socialistes depuis quelques semaines prend racine dans le passé, mais également dans la projection de ces « professionnels » de la politique – la plupart des acteurs cités n’ont pour seule activité professionnelle que leur(s) mandat(s) – à court, moyen ou long terme.
Roland Ries veut faire durer le plaisir
Trois candidats concourant pour mener la liste PS aux élections municipales de 2014 pourraient s’affronter à la primaire interne au Parti socialiste à Strasbourg, les 10 et 17 octobre, à moins d’un accord entre-temps. En lice, Roland Ries, maire sortant (2008-2014) et candidat à la candidature depuis le début de l’été, Robert Herrmann, premier adjoint au maire depuis 2008 et candidat déclaré depuis le 18 septembre, et Jean-Michel Augé, directeur de cabinet de Roland Ries en 2008-2009, leader d’un courant minoritaire au PS du Bas-Rhin et candidat officiel depuis lundi 23 septembre, date de clôture des candidatures auprès de la fédération.
La candidature du maire à sa propre succession – un revirement par rapport à un engagement pris en 2008 de ne faire qu’un seul mandat – a plusieurs explications. D’abord, Roland Ries est à l’aise dans son costume de maire, responsabilité qu’il a déjà exercée entre 1997 et 2000, alors que la maire élue en 1995, Catherine Trautmann, était ministre de la Culture. Ensuite, le premier magistrat argue que sa politique doit être poursuivie sur un second mandat. « Pendant 6 ans, on lance des projets, puis les 6 années suivantes, on les inaugure », glissent certains, sarcastiques.
La nouvelle génération n’est pas prête
Mais surtout, Roland Ries a été soutenu dans cette candidature par une partie de son équipe, jeune garde comprise, qui juge que le temps du renouvellement générationnel n’est pas encore venu. Celui que les jaloux nomment son « dauphin », l’adjoint aux finances Alain Fontanel, n’est – de l’aveu général – pas encore mûr pour briguer la tête de liste. Pas plus qu’Olivier Bitz, un autre proche du maire, et encore moins l’aile gauche du PS, Paul Meyer ou Syamak Agha Babaei. Mais ce beau monde aura pris de l’épaisseur dans 6 ans.
Le maire sait aussi qu’un autre groupe est sur les rangs pour occuper les postes et mener une politique sans doute un chouya plus à gauche en 2020. A sa tête, le député Philippe Bies qui, s’il se défend d’avoir autre chose en tête que la victoire en 2014 pour son camp, est le candidat idéal dans une primaire en 2019 face à Alain Fontanel. Lequel aura eu le temps de combler un déficit de légitimité auprès des militants, en se frottant par exemple au scrutin uninominal aux élections territoriales de 2015, à Neudorf où il réside (terre d’élection de Philippe Bies), où à la Robertsau, son quartier natal. Là où l’actuelle adjointe de quartier, Nicole Dreyer, dit s’être lassée des querelles avec l’opposition de droite.
Ces parlementaires qui ont poussé Robert Herrmann
Philippe Bies, autour duquel gravitent d’autres élus (Mathieu Cahn, premier secrétaire fédéral du PS du Bas-Rhin, Pernelle Richardot, adjointe au maire et conseillère régionale) et militants socialistes, a sans doute « partagé certains constats » avec Robert Herrmann, dans les mois qui ont précédé la candidature de ce dernier à la primaire. Dans ces constats, un problème de « gouvernance » du maire, c’est à dire un processus de décision dont a été exclu une partie de l’équipe municipale (eux, précisément, au profit du camp Fontanel-Bitz).
Catherine Trautmann, elle aussi, aurait exprimé des griefs à l’encontre du maire, ainsi qu’Armand Jung, l’autre député PS de Strasbourg et mentor de l’adjoint Eric Elkouby. Des convergences de vue qui ont sans doute validé la prise de risque (ou le coup de pression) de Robert Herrmann, qui, en annonçant sa candidature à la primaire, est pourtant apparu très seul. L’aventure pourrait d’ailleurs prendre fin avant le vote du 10, en cas de solution trouvée pour concilier toutes les parties. Le 1er adjoint a laissé la porte grande ouverte dans cette optique la semaine dernière.
Fontanel-Bies, le duel de 2020
Du coup, quels scénarios sont envisageables pour 2020 ?
- Roland Ries garde la ville à gauche en 2014, Alain Fontanel devient son 1er adjoint et le clan Bies travaille en retrait de la municipalité pour asseoir son ascendant sur le parti. A la primaire de 2019, partent Alain Fontanel, Philippe Bies, et pourquoi pas Eric Elkouby ou Jean-Michel Augé. Avantage à Fontanel.
- Robert Herrmann (ou Roland Ries) est élu maire en 2014, Alain Fontanel figure dans son équipe mais pas à un poste aussi en vue, Philippe Bies et ses alliés ont le champ plus libre, mais la primaire en 2019 est potentiellement tout aussi sanglante. Bies-Fontanel, ex æquo.
- La gauche, menée par Roland Ries ou Robert Herrmann, est battue, Alain Fontanel consacre son temps dans les 6 ans qui suivent au PS national à Paris, où il est conseiller politique d’Harlem Désir. Philippe Bies trace son sillon dans l’opposition municipale et au PS strasbourgeois. Seul risque, que le député perde son siège en 2017… Avantage à Bies.
Que les caciques du PS se rabibochent ou pas avant le 10 octobre, la ligne de départ pour 2020 est et restera un enjeu, notamment dans le montage de la liste pour 2014. Une seule certitude, les deux figures de la nouvelle génération, comme leurs alliés, seront à n’en pas douter sur la « short list », celle des 9 (en cas d’alliance de second tour avec les écolos) à 13 (sans les écolos) élus que la gauche conservera au conseil municipal de Strasbourg, qu’elle gagne ou perde les élections au printemps prochain.
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