Base ovale, façades vitrées, bouclier solaire métallique rouge. Un restaurant dans sa base, neuf étages et quelque 300 occupants. Située dans un quartier tertiaire de Dijon, la tour Elithis n’a, à première vue, rien d’exceptionnel. Pourtant, il s’agit là de la première tour à énergie positive – ou « Bepos », qui consomme théoriquement moins d’énergie qu’elle n’en produit – du monde. Inaugurée en 2009, elle abrite aujourd’hui les locaux de plusieurs des filiales du groupe Elithis qui en est le concepteur, mais également le siège de l’ADEME Bourgogne ou des cabinets médicaux.
A l’intérieur, les bureaux sont en open space, parfois séparés par des vitres pour améliorer la confidentialité des échanges. Les espaces de travail sont organisés de façon circulaire autour d’un cœur de tour où sont concentrées les parties techniques, l’ascenseur, les escaliers (de type Chambord, à double révolution) et les toilettes. Objectif : profiter au maximum de la luminosité extérieure (apport d’énergie gratuite) et limiter les besoins en éclairage, consommateurs d’électricité.
C’est là l’un des multiples exemples qui caractérisent la conception de cet édifice de 33,5 mètres pour 500 m² au sol, sur 10 niveaux. Avant de produire de l’énergie grâce à des panneaux photovoltaïques situés sur la toiture, le principe est d’en nécessiter le moins possible. Si les chiffres de consommation sont connus avec une grande précision – 1 600 capteurs installés dans et sur la tour permettent de la piloter et de l’étudier – ils ne sont que rarement communiqués. Concurrence étrangère, chinoise ou anglo-saxonne, oblige, assure-t-on.
L’efficacité énergétique au coût de construction standard
Ce que l’on sait, c’est que la tour a été conçue pour produire 4 kilos Watt/heure par mètre carré et par an de plus que sa consommation (chauffage au bois, éclairage, ventilation, eau chaude sanitaire, bureautique) estimée. Or, elle consomme finalement un peu plus, environ 10 KW/h par mètre carré et par an, ce qui la place néanmoins très en deçà des exigences d’un bâtiment passif. La consommation des bâtiments en France étant d’environ 450 KW/h/m². Le coût de construction de la tour Elithis a avoisiné les 7 millions d’euros (coût standard) pour un prix de sortie de 14M€ (au-delà des prix du marché). Thierry Bièvre, PDG d’Elithis, ne regrette pas les risques pris :
« En 2006, quand nous avons lancé le projet, j’ai eu beaucoup de mal à trouver des investisseurs et des ingénieurs avec lesquels travailler. J’ai donc pris des jeunes avec un an d’expérience et investi nos fonds propres. Au final, cette tour au bilan énergétique proche de zéro a fait énormément progresser notre société [passée de 20 collaborateurs en 2003 à 180 aujourd’hui]. Les imperfections et le fait de vivre dedans nous ont permis d’analyser tout un tas de paramètres que nous n’avions pas pris en compte au départ, relatifs au confort et à la qualité de vie. »
Exemple important : le chauffage. Il était prévu de chauffer les bureaux à 19°C en hiver. Mais la première année, les usagers se sont plaints du froid, ont ramené une petite laine, ont eu des rhumes. Du coup, ils étaient peu réceptifs aux autres conseils d’Elithis, comme le fait d’appuyer le soir sur l’interrupteur de bureau pour éviter de laisser les ordinateurs en veille. Aujourd’hui, la température en hiver est calée à 21,4°C et 70% des usagers s’en disent satisfaits.
Du photovoltaïque aussi en façade pour compenser la hauteur
Dans la tour Danube à Strasbourg, où 66 logements sur 300 m² par niveau remplaceront les bureaux dijonnais, la température devrait également avoisiner les 21°C en hiver. C’est en tout cas ce qui sera préconisé par les « coachs » spécialistes du « management latéral de la performance énergétique », qui accompagneront et l’investisseur qui rachètera et commercialisera la tour (son identité est encore confidentielle) et les futurs habitants. La consommation moyenne est « prometteuse », assure Thierry Bièvre, même si une grande part de la réussite du projet – l’équilibre de la balance énergétique – dépend beaucoup des usagers, comme l’a enseigné le laboratoire grandeur nature de Dijon.
Pour arriver à l’énergie positive sur la tour Danube, Elithis tient plusieurs ficelles : la production sera assurée par du photovoltaïque en toiture mais également en façade, car « la difficulté du passif dans une tour, c’est le rapport toiture/nombre d’étages », note-t-on chez Elithis. A Danube, 16 étages pour 50 mètres de haut. Des outils domotiques permettront à chaque habitant de connaître et d’agir sur sa consommation, poste par poste (audiovisuel, électroménager, chauffage…) ou de savoir quand il sera opportun d’ouvrir sa fenêtre.
Dans un logement, c’est l’habitant qui paie
Un intranet sera mis à disposition pour suivre les consommations individuelles et celles du bâtiment, sans pour autant connaître celles de son voisin de palier. Enfin, pour Jonathan Chemouil, directeur de l’une des filiales d’Elithis et responsable du projet Danube, « la sensibilisation des utilisateurs de la tour devrait être beaucoup plus simple à Strasbourg qu’à Dijon ». Pour la bonne raison qu’à Dijon, « c’est le patron qui paye la facture, alors qu’à Strasbourg, ce sera l’usager lui-même ». Le jeune ingénieur reprend :
« Dans un logement, on consomme plus en chauffage, mais moins en éclairage. Il y a moins de matériel informatique (qui consomme beaucoup), mais moins de personnes au mètre carré… C’est donc assez différent. Concernant l’électroménager par exemple, nous allons proposer à l’investisseur de trouver un partenariat avec un fournisseur qui pourrait proposer du matériel de classe A, avec du choix pour l’habitant en fonction de ses besoins. »
Alsace Nature dans la base d’Elithis Danube ?
La tour Danube, dont on ignore encore le coût de construction, devrait être livrée en 2016. Dans sa base, au rez-de-chaussée, 600 mètres carrés seront dédiés à de l’activité. Depuis quelques semaines, les associations de protection de l’environnement alsaciennes sont pressenties pour investir ce lieu. Alsace Nature, dont le président et le directeur ont fait le déplacement à Dijon ce lundi, ainsi que plusieurs de ses associations fédérées comme la LPO ou le Gepma, installeraient là leurs bureaux, mais également, dans l’idéal, un centre de documentation. Le projet n’en est qu’à sa phase d’étude et notamment celle du montage financier. Les associations, installées aujourd’hui rue Adèle-Riton à Strasbourg, proche de la gare, sont à la recherche d’un espace plus grand et fonctionnel depuis 4 ans.
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