Comment est-on passé d’un portage privé à un projet public du projet de reconversion de la Manufacture ?
« Dès avant la fermeture de la Manufacture [en 2010], la Ville s’est d’abord préoccupée des salariés et de leur reclassement. Il est évident que la collectivité ne pouvait être qu’intéressée par ce bâtiment à la fois dans son usage futur et dans son aspect patrimonial. Dans les relations avec le propriétaire, si la ville avait des relations suivies avec la Seita et Altadis, il n’en était pas de même après la reprise par Imperial Tobacco. La passage vers un projet public s’est fait assez rapidement compte tenu de l’emplacement et des attentes de nombreux partenaires publics et associatifs. L’intérêt de l’Université dans le cadre du Plan Campus a été déterminant. Mais il me paraissait inconcevable que cet « objet » urbain ne puisse se développer en dehors d’une maîtrise foncière publique. Et Roland Ries [le maire] était partisan de cette orientation.
Dans ce type d’opération, c’est à la collectivité publique de déterminer le projet, les objectifs, les programmes dans un souci premier d’intérêt général et de gestion dans la durée. Il ne s’agit aucunement de « remplir rapidement » et à tout prix cet endroit. Seule une maîtrise publique peut assurer cette garantie dans la durée. »
Quelles différences selon vous entre le projet Scharf et le projet CUS ?
« La première différence tient au contenu. Nous avons décidé qu’il n’y aurait pas de logements dans ce site. Il est peu adapté pour en faire. Cela nécessiterait des restructurations architecturales peu compatibles avec le cadre patrimonial. Ensuite, ce sont principalement des usages d’intérêt général qui trouveront leur place sur ce site. L’équilibre financier de la structure serait assuré par un investissement public (Ville et CUS) de près de 20 millions d’euros. Enfin, avec la maîtrise publique, nous prenons le temps de la maturation des différents projets, certains pouvant se concrétiser rapidement (Université) d’autres plus tardivement (associations, création) et donc permettre des usages temporaires et éphémères.
Il n’est pas vrai qu’un projet porté par le public trouverait la même répartition des activités qu’un projet porté par un promoteur immobilier privé. C’est une forme d’illusion que de vouloir faire croire cela. Je suis pour ma part très réticent (c’est le moins que l’on puisse dire) aux formules de PPP [partenariat public-privé]. Ce qui ne veut pas dire que Strasbourg s’interdit de recourir aux opérateurs privés, bien au contraire. Mais dans la conduite de l’action publique urbaine, chacun doit jouer son rôle. C’est à la collectivité publique de fixer le cap et de s’assurer la maîtrise de ce cap. »
La collectivité a-t-elle d’autres sujets de friction avec Scharf Immobilier, comme par exemple l’affaire du Fuchs am Buckel, où Scharf a bâti un ensemble de standing en face duquel il s’est opposé à l’installation de gens du voyage ?
« Je n’ai pas, pour ma part, de sujet particulier de friction avec les promoteurs privés en général et Scharf Immobilier en particulier, avec lesquels je travaille quotidiennement. Mais chacun doit tenir la place qui est la sienne. L’intérêt général et l’utilité publique restent, pour moi, le cadre qui définit mon action à la ville. »
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Scharf sur la Manufacture : « Un même projet, mais sans argent public »
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