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Au TNS, une saison 2014 d’énergie et de liquidation

C’est reparti pour un tour mais pour un tour seulement : la ministre de la Culture, Aurélie Filipetti, n’a prolongé le mandat de Julie Brochen à la tête du TNS que d’une année. Raison de plus pour la directrice de rester fidèle à ses habitudes en proposant une ultime saison qui pourrait bien s’intituler « réveillez-vous ! ».

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Au TNS, une saison 2014 d’énergie et de liquidation

Directrice du TNS depuis 2008, Julie Brochen devra rendre son tablier en juillet 2014, sans pour autant rompre son travail avec la troupe du TNS, qu’elle poursuivra jusqu’en décembre 2014, ni abandonner le cycle du Graal Théâtre. Cette dernière saison revêt donc un sens particulier et semble trouver son fil conducteur autour d’une interrogation nécessaire : que devient la conscience face aux pressions du monde ? Treize pièces, dont 2 spectacles étrangers et 5 coproductions du TNS exploreront le sujet en 2013 / 2014, par des remises en question du sens et des prises de risques scéniques.

 

Côté répertoire

Une saison qui se respecte ne saurait se passer de pièces issues du répertoire. C’est bien souvent cette connivence culturelle qui amène les innovations les plus grandes. On en attendra pas moins des classiques programmés.

MCBTH, du mercredi 2 au dimanche 6 octobre 2013 : même sans voyelles, on reconnaît le plus célèbre des régicides, dont s’emparent le metteur en scène flamand Guy Cassiers et le compositeur Dominique Pawels. Dans une pièce interdisciplinaire en néerlandais (surtitrée en français), ils mêlent chant, ambiances sonores et vidéos comme paysages scéniques. Si Shakespeare faire dire à son tyran « stars, hide your fires / let not light see my black and deep desires », on espère bien que l’entremêlement des arts nous fera enfin accéder à la conscience noire de Macbeth et de sa Lady.

Le Misanthrope, du mardi 11 au vendredi 21 mars 2014 : Molière « magnifie la scène, comme le dernier endroit où l’on peut réveiller cette part de nous-même qui ne s’est jamais laissée totalement apprivoiser », écrit Jean-François Sivadier, le metteur en scène. Avec une pièce aussi classique que cette « grande comédie » – qui au fond ne fait pas vraiment rire – le défi du renouvellement est de taille. Sivadier, ancien élève de l’école du TNS, choisit une mise en scène pleine de fièvre, entre Vivaldi et les Clash, où Philinthe et Alceste sont les facettes d’une même conscience, lecture qui devrait séduire tous ceux qui n’ont jamais su trancher entre les deux amis.

Folie Courteline, Les Marionnettes de la vie, du mardi 18 au dimanche 30 mars 2014 : Ivan Grinberg a pioché parmi les dizaines de courtes pièces de Courteline pour en tisser 5 (Théodore cherche des allumettes, Le Droit aux étrennes, Le Petit Malade, Les Boulingrin, Les Mentons bleus – scènes de la vie de cabots), « rapides, méchantes et drôles », résume Julie Brochen. Course-poursuite, prise d’otage, fantômes… ces petites mécaniques se présentent comme nos miroirs déformants, à condition d’allier burlesque et poésie, absurde et amour de la langue pour gratter la couche souvent superficielle du vaudeville.

Des portes qui claquent, des fantômes, un salon bourgeois... Folie Courteline, du vaudeville ou pas seulement? ® V. Arbelet
Des portes qui claquent, des fantômes, un salon bourgeois… Folie Courteline, du vaudeville ou pas seulement? (Photo V. Arbelet)

Les Serments indiscrets, du mercredi 7 au samedi 17 mai 2014 : après Têtes Rondes et Têtes Pointues de Brecht en 2012, Christophe Rauck s’attaque à Marivaux. On retrouve dans ce texte peu monté les ingrédients essentiels:  faux-semblants, conflit de l’amour et de la liberté, et, portant tout cela, le langage. Un appel à « se glisser entre les lignes pour arriver à faire entendre le rythme cardiaque des amoureux » proclame Rauck. Belle définition du marivaudage, qu’on espère portée et non affadit par le choix d’une mise en scène épurée.

Les Serments indiscrets, ou comment réinterpréter l'art du marivaudage par d'autres langages. ©Anne Nordmann
Les Serments indiscrets, ou comment réinterpréter l’art du marivaudage par d’autres langages. (Photo Anne Nordmann)

Crises de conscience

Qu’il s’agisse de pièces accueillies ou de créations, le panorama proposé multiplie, avec redondance peut-être, les manières d’interroger l’homme dans sa relation au monde et semble se construire … sur la déconstruction. Symptôme d’un mal du siècle?

Hannibal, du jeudi 10 au samedi 19 octobre 2013 : cette pièce contant le parcours du célèbre carthaginois qui a traversé les Alpes à dos d’éléphant nous vient de Christian Dietrich Grabbe. Quasiment inconnu en France, l’auteur a pourtant été traduit par Jarry et admiré par Brecht. Bernard Sobel, directeur du théâtre de Gennevilliers, peut se targuer d’être son découvreur et a le mérite de se confronter à un texte réputé injouable. L’impatience de découvrir la prouesse d’une pièce qui s’étale dans le temps et l’espace se double de l’attente d’une mise en perspective offrant plus qu’une chronique. « Grappe est aussi nécessaire qu’Eschyle » déclare Sobel. C’est mettre la barre haut et promettre l’Histoire comme matière poétique creusée de sens.

Que faire ? (le retour), du mercredi 13 novembre au dimanche 1er décembre 2013 : Que faire? est d’abord le titre d’un traité de Lénine. Il s’agit ici d’un couple de jeunes retraités qui, lisant une phrase de Descartes, se rend compte de la vacuité de la vie occidentale. Du constat au soulèvement, Benoît Lambert, co-auteur et metteur en scène, résume la pièce comme un passage de « Tu ne fais pas tes mots fléchés ce soir? » à « tu rajoutes de la soude dans le cocktail Molotov? ». Conte philosophique mêlant les matériaux (pantomime, numéros de cabarets, textes non théâtraux), Lambert  fait de notre héritage culturel le ferment d’une révolution dans une cuisine. Au-delà des poncifs, on espère ni plus ni moins qu’une salutaire claque en pleine poire dans cette poursuite du travail du Théâtre de la Tentative, « lieu de la résistance face aux platitudes de la raison marchande ».

Que faire? Eh bien commençons par faire le tri dans notre héritage culturel... ©Vincent Arbelet
Que faire? Eh bien commençons par faire le tri dans notre héritage culturel… (Photo Vincent Arbelet)

Love and money, du mercredi 15 au dimanche 26 janvier 2014 : après avoir fait l’objet d’une création radiophonique sur France Culture en 2011, cette pièce de Dennis Kelly, l’un des auteurs les plus joués à Londres, est pour la première fois montée sur une scène française. Encore un couple, plus jeune celui-là, qui lutte pour accorder sa quête d’amour à une société des pressions financières. Le duo se disloque, à l’instar de la narration qui nous propose une romance via mails interposés. Espace et langage contemporains sont au menu de cette mise en scène de Blandine Savetier, qui aime partir de la vie pour faire émerger les grandes questions. C’est donc le réel et le réalisme qu’on attend de voir creusés au-delà du « correct politiquement incorrect » sans thèse ni didactisme.

Pulvérisés, du mardi 4 au vendredi 21 février 2014 : éclatement encore, avec la jeune dramaturge Alexandra Badea, mise en scène par Jacques Nichet et Aurélia Guillet. 4 personnages, 4 villes au coin du monde, 4 métiers mais une seule réalité: un grain de sable dans le rouage mondial qui n’est pas beau à voir. 24 heures auprès d’eux, qui apparaissent incarnés sur scène mais aussi sur grand écran, tandis qu’une voix s’adresse à eux tel un monologue intérieur extériorisé. Un choix de mise qui pourrait s’avérer très pertinent pour donner du poids à cette fissure de l’être.

Requiemachine, du vendredi 28 mars au mardi 1er avril 2014 : éclatement toujours, sous la forme d’un chœur revisité, dans cette pièce de Marta Gornicka, révélation du festival Premières 2012. Dans ce troisième volet de son Magnificat, elle réinvestit la fonction critique du chœur antique, qui devient ici bouche collective de travailleurs dans laquelle se mêlent poèmes, discours, lettres, réflexions philosophique ou slogans publicitaires. La voix des hommes devient un cri rageur et attise la curiosité quant à la manière, sur le fond et la forme, d’investir cette multitude en terme de révolte.

Le chœur déterminé de Requiemachine détourne les discours pour amener une réflexion sur les liens de la langue et du pouvoir. DR
Le chœur déterminé de Requiemachine détourne les discours pour amener une réflexion sur les liens de la langue et du pouvoir. (doc remis)

Place de l’art ?

Des arbres à abattre, du jeudi 3 au samedi 19 octobre 2013: Claude Duparfait et Célie Pauthe s’emparent ici du roman éponyme de Thomas Bernhard, un règlement de compte de l’écrivain avec le milieu artistique qu’il fréquentait à Vienne dans les années 50. Après l’enterrement d’une vieille amie, artiste marginale, le personnage narrateur (nouvel Alceste) s’installe dans un fauteuil et passe au vitriol du ressassement ce groupe d’artistes qui étaient 30 ans plus tôt ses amis… jusqu’à la fêlure de la solitude et du réquisitoire. Tout l’art tiendra alors dans ce délicat équilibre entre mise en scène et texte, pour donner tout son poids à ce large soliloque sans jamais perdre de dynamisme.

Un fauteuil à oreilles, un soliloque cinglant et beaucoup de rancœur,  Des arbres à abattre ne manque pas d'humour désintégrateur. ® Elisabeth Carecchio
Un fauteuil à oreilles, un soliloque cinglant et beaucoup de rancœur, Des arbres à abattre ne manque pas d’humour désintégrateur. (Photo Elisabeth Carecchio)

Liquidation, du vendredi 29 novembre au jeudi 19 décembre 2013: le titre de cette pièce d’Imre Kertész – prix Nobel de littérature en 2002 -, mise en scène par Julie Brochen, sonne comme un glas. Pour cette création avec la troupe du TNS, la directrice a choisi un texte qui s’est imposé à elle « par la nécessité vitale de la littérature qu’il évoque, qui ne doit pas être subordonnée à un prosélytisme politique ». Véritable casse-tête à mettre en scène cependant: un éditeur mène l’enquête pour retrouver le manuscrit de son ami écrivain, après le suicide de celui-ci. Il cherche également des indices dans une de ses pièces, Liquidation, qu’il met en scène. Dans une mise en abyme qui rappelle Les Faux-Monnayeurs, se mêlent récit, théâtre, lettre; réflexions sur l’édition, la censure, et tous ceux qui font exister la littérature. Une quête tortueuse qui devrait mener à l’origine de l’être.

Cycles et épisodes

Une faille saison 1: haut-bas-fragile, du vendredi 4 au samedi 12 avril 2014:  le metteur en scène Mathieu Bauer décide de jouer avec l’art populaire du feuilleton. Un « montage » transporte les spectateurs du haut – la surface du monde – au bas – le dessous des décombres – après l’effondrement d’un immeuble. Drame, enquête, succession de 8 épisodes, tout est là… sans oublier cette impression de familiarité si chère aux séries à succès: le lieu supposé de la catastrophe sera Strasbourg et des Strasbourgeois figureront le « chœur citoyen ». Une formule théâtrale inédite qui aiguise l’envie de voir comment va se traduire sur scène ce feuilleton urbain ancré dans le présent.

5 survivants sous les décombres, une enquête, des épisodes... Une faille, c'est une série à l'américaine... sur scène. © Pierre Grosbois
5 survivants sous les décombres, une enquête, des épisodes… Une faille, c’est une série à l’américaine… sur scène. (Photo Pierre Grosbois)

Perceval le gallois, du mardi 6 au vendredi 23 mai 2014 : comme les années précédentes, la saison se termine sur le Graal Théâtre mis en scène par Christian Schiaretti avec la complicité de Julie Brochen. Il s’agit justement du deuxième volet des aventures du Graal proprement dit. Nous suivons cette fois les traces de celui qui lance la quête, le pur et chaste Perceval, « enfance de la chevalerie. Il est le premier et le seul à pouvoir prétendre toucher le Graal, mais il fait l’erreur de se taire. Il est primitif, et nous avons besoin de sa crédulité et de sa vertu pour entrer dans l’histoire », note Julie Brochen.

L’histoire de Perceval nous apprend aussi, et ce pourrait être la conclusion de toute cette saison, que le Graal est bien souvent juste devant nous. Encore faut-il savoir éviter toutes formes d’aveuglement.

Aller plus loin

Ouverture billetterie et abonnements le 26 août sur le site web du TNS ou par téléphone au 03 88 24 88 24, par email à billetterie@tns.fr. Tarifs de 5.50 à 27€ à la location. De 5,50 à 14€ pour les formules d’abonnement. Voir la programmation du TNS sur l’agenda des sorties culturelles.


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