L’exposition Interférences/Interferenzen s’intéresse aux relations franco-allemandes dans l’architecture. Au-delà de l’histoire politique, l’exposition met en lumière les échanges d’idées, d’influences et de rencontres architecturales de part et d’autre du Rhin. En partenariat avec le Deutsches Architekturmuseum de Francfort, l’exposition a reçu le label de l’Année franco-allemande – Cinquantenaire du Traité de l’Elysée.
La Neustadt et le jardin des Deux-Rives
Elle a été conçue par Jean-Louis Cohen, historien de l’architecture et professeur à New York University, et Hartmut Frank, historien de l’architecture et professeur à la Hafen-City Universität de Hambourg. C’est en quelque sorte l’aboutissement de 30 ans de recherches, un projet très important donc pour les deux architectes.
Strasbourg, elle-même, est au cœur de cette exposition. De la Neustadt au jardin des Deux-Rives, la capitale européenne a vu s’entremêler les influences architecturales allemandes et françaises.
Régler les questions d’hygiène
L’espace urbain est un fil rouge de l’exposition Interférences/Interferenzen. Celle-ci met en valeur plusieurs projets, réalisés ou non, qui permettent la modernisation des villes. Haussmann à Paris, Hobrecht à Berlin, il s’agit avant tout de régler les questions d’hygiène, d’embellir les villes, ou de pouvoir accueillir les nouveaux habitants. L’idéal du phalanstère de Charles Fourrier et Victor Considérant inspirent aussi des architectes des deux côtés du Rhin : Wilhelm Stier pour l’Armenstadt à Berlin, ou le Familistère de Jean-Baptiste Godin à Guise.
En France comme en Allemagne, de nouveaux matériaux et techniques apparaissent : le fer, l’acier et enfin le béton. Gustave Eiffel, de son vrai nom Bönickhausen, réalise la fameuse tour en 1889, symbole de l’âge industriel.
L’Alsace et la Moselle, provinces devenues allemandes en 1871, participent au tournant architectural de la fin du XIXe siècle. L’exposition évoque en particulier l’édification de la gare de Metz, la Neustadt et la Grande Percée à Strasbourg.
Reconstruire et moderniser
L’exposition souligne l’omniprésence d’une réflexion autour de la restauration et de la conservation des monuments au XIXe siècle. En France, Viollet-le-Duc complète la restauration du château de Pierrefonds. Bodo-Edhardt, lui, s’attèle à la restauration du Haut-Koenigsbourg. Le XXe siècle et ses deux conflits mondiaux laissent apparaître la problématique de la reconstruction, bien présente dans l’exposition. Les édifices religieux sont parmi les projets de reconstruction, comme l’église mémoriale de l’empereur Guillaume à Berlin.
Toujours dans la dimension urbaine de l’exposition, les grands ensembles se multiplient à partir des années 1950 pour faire face à une crise des logements. Dès 1951, Eugène Baudouin réalise l’îlot Rotterdam à Strasbourg. Martin Schulz van Treeck, lui, s’occupe de la rénovation de l’îlot Ricquet à Paris avec l’opération « Les Orgues de Flandre » (1967-1976).
Echanges artistiques et regards croisés
L’exposition témoigne d’échanges entre architectes des deux pays dès le XIXe siècle. Des architectes allemands, tels Karl-Friedrich Schinckel, sont présents en France. Ils se forment à l’Ecole des Beaux-Arts et à l’Ecole Polytechnique.
L’exposition met aussi l’accent sur le sacré. Des mentions de bâtiments religieux construits ou restaurés jalonnent l’exposition : la cathédrale de Cologne, le Sacré-Cœur à Paris, ou encore l’église mémoriale de l’empereur Guillaume.
Tout au long de la période, on observe que des artistes des deux pays scrutent l’architecture outre-Rhin. Victor Hugo dessine notamment le château du Furstenberg en 1840. Gerhard Richter s’intéresse, lui, aux grands ensembles dans Stadtbild TR en 1969.
Miroir de la construction européenne
L’exposition montre aussi que ces diverses interactions architecturales constituent un miroir de la construction européenne. Les coopérations sont toujours d’actualité : Jean Nouvel pour les Galeries Lafayette de Berlin (1992-1996) ou la passerelle Mimram en 2004.
En somme, l’exposition Interférences/Interferenzen évoque l’histoire franco-allemande à travers le prisme de l’architecture. Elle présente des œuvres peu connues du grand public. C’est une exposition dense, riche et complexe. Estelle Pietrzyk, directrice du Musée d’art moderne et contemporain, explique qu’il faut du temps pour la visiter et bien l’appréhender. Plusieurs visites, et surtout une visite commentée paraissent nécessaires.
Y aller
Jusqu’au 21 juillet au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, 1 place Jean-Hans-Arp à Strasbourg. 03 88 23 31 31.
Aller plus loin
Sur Rue89 : protection de son patrimoine allemand : Strasbourg tâtonne encore
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