Pascal Mangin, conseiller municipal et communautaire UMP de Strasbourg, vice-président du conseil régional d’Alsace, n’a pas trop apprécié la tribune publiée par Alain Fontanel, adjoint aux finances à Strasbourg et conseiller politique d’Harlem Désir à Paris, dans Libération. Dans une interpellation au maire de Strasbourg qu’il lira en conseil municipal lundi 29 avril, il revient sur l’affaire de Bamako et l’éviction de l’adjointe Chantal Augé début 2012. Nous publions l’interpellation dans sa quasi-intégralité :
« C’est avec un grand intérêt et à la fois une certaine crainte que nous avons pris connaissance de la tribune de votre adjoint aux finances intitulée « Redonner crédit à la parole publique » parue dans le quotidien national Libération [notre article sur cette tribune, ndlr]. Crainte car dans cette tribune, Monsieur Fontanel ose parler de transparence, de moralisation de la vie politique et d’Anticor or, nous croyons savoir que par le passé telle audace a été fatale à deux de vos adjointes. (…)
Il est temps, par respect pour l’ensemble de nos concitoyens, que vous cessiez de répondre à des interrogations légitimes par des indignations surjouées ou le mépris. Nous ne voulons pas ici vous rappeler les multiples fois où nous sommes intervenus pour nous étonner du choix de tel ou tel délégataire, dénoncer l’absence de recours à une mise en concurrence transparente… Je voudrais, après le dernier conseil municipal et les réponses évanescentes qui furent les vôtres sur le travail de la Chambre régionale des comptes concernant le dossier de la coopération avec Bamako, revenir sur quelques points.
1. Pourquoi une telle précipitation dans la conclusion de ce partenariat ? Vous avez géré ce dossier en dépit de toutes les règles et procédures habituelles. Vous avez suivi une sorte de procédure « d’exception » qui ne saurait être justifiée par le moindre impératif réel lié à une quelconque urgence.
2. Vous avez souvent accusé votre opposition de « néocolonialisme » pour ne pas répondre sur le fond. Or, vous avez vous-même signé le bon de commande de 21 810€ à la société Transitec dans le cadre des études pour le tramway à Bamako. C’est donc que vous portez crédit à l’expertise de cette entreprise. Pourquoi ne pas entendre alors l’analyse de Fabien Garcia, responsable du projet Bamako chez Transitec qui déclarait à Médiapart le 20 février 2012 :
« Le projet me parait surdimensionné quand on voit qu’une ville comme Dakar, bien plus avancée que Bamako sur les problématiques de transport collectif, réfléchit seulement aujourd’hui à mettre en œuvre une ligne de bus à haut niveau de service. On a essayé de mettre tout le monde en garde. Mais je sais qu’il y avait des enjeux politiques, d’affichage ? »
3. Vous arguez souvent que les 50 000€ étaient une dépense de coopération internationale non soumise aux marchés publics. Cette explication ne serait acceptable que si vous aviez versé cette somme sous forme de subvention directement à la Ville de Bamako. Pourquoi ne pas l’avoir fait ? Vous avez déclaré : « J’ai eu quelques doutes sur l’utilisation qui pouvait en être faite ». En somme, vous sembliez douter de l’honnêteté de vos partenaires ou votre motivation était-elle différente ?
4. Pourquoi avoir ignoré la note du 31 janvier 2010 adressée par madame Augé et madame Ctorza alors respectivement adjointe en charges des marchés publics et adjointe à la sécurité juridique ? Dans cette note, vos adjointes vous ont alerté sur 4 irrégularités graves, je les cite : délit de favoritisme ; absence de procédure respectant le code des marchés publics ; saucissonnage ; présence d’un sous-traitant non déclaré, en l’occurrence votre ami Rolland Boehler et sa société Atheo. Dans cette même note, vos adjointes écrivent :
« Nous t’alertons sur les risques que la municipalité encourt dans ce dossier : risque de mise en examen pour le signataire et au-delà pour les élus dont la délégation a trait à cette affaire. Après le dossier du rapport sur le marché de Noël, pour lequel nous t’avons alerté le 3 novembre 2008, il apparaît donc que des pratiques non respectueuses de la loi persistent et font courir un risque pénal et aussi un risque politique fort pour l’ensemble de la municipalité. »
5. Pourquoi avoir, de la même manière, ignoré la note de votre directeur général des services de l’époque Bernard Debry en date du 7 avril 2010. Vous avez mis fin à ses fonctions, le 12 avril 2010, soit 5 jours plus tard. En juin 2010, c’est ce même Bernard Debry qui en tant que DGS était l’un de vos collaborateurs les plus proches qui alerte la justice en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale qui dispose que « tout fonctionnaire qui dans l’exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». Il ajoutera d’ailleurs n’avoir jamais vu telle irrégularité dans d’autres collectivités tout au long de sa carrière.
6. Pourquoi, dans ce contexte et malgré les alertes, avoir signé vous-même les bons de commande aux 3 entreprises Serue, Transitec et Nogha Consulting alors que cela n’est pas une pratique régulière et commune au sein de la collectivité. Vous ne pouvez vous prévaloir de l’ignorance ou de la méconnaissance de la règle.
7. Pourquoi avoir autorisé le versement de 8000€ d’argent public à Rolland Boehler et Atheo pour la mise en page de l’étude sur le tramway à Bamako alors que quelques mois auparavant une enquête avait été ouverte et un conflit généré entre la Ville et cette même entreprise au sujet de l’étude sur le marché de Noël de 2 pages réalisée par la même entreprise ?
8. Considérez-vous que 8000€ est une somme raisonnable pour la simple réalisation d’une présentation power point et de travaux de mise en page et de reliure ?
9. On retrouve ici la même disproportion ente le travail fourni et l’argent public dépensé que dans le cas de l’étude sur le marché de Noël. D’autant plus que vos adjointes dans leur note du 31 janvier 2010 pointaient le fait que « cette étude comprend 49 pages dont la moitié de photos aériennes, photos, plans, tracés sommaires et croquis ». 50 000€ pour 49 pages soit 1020€ par page d’étude, est-ce raisonnable ? Surtout qu’il n’est pas permis d’être sûr aujourd’hui que cette étude n’a pas coûté davantage.
10. En effet, cette même note pointait un coût de l’étude de 75 950€, ce qui porterait à 1550€ la page, alors que le conseil municipal n’avait accepté qu’une dépense de 50 000€. Comment le différentiel a donc été réglé ? D’autant qu’aux dépenses pour l’étude il faut ajouter les 7650€ de vos frais de déplacement à Bamako.
11. Pourquoi avoir engagé notre collectivité et donc sa moralité dans des relations transactionnelles avec monsieur Boehler qui ouvertement se présentait comme consul honoraire du Mali alors qu’il usurpait ce titre et que vous le saviez?
12. Vous avez invité l’équipe du basket du Mali à Strasbourg et avez signé à Bamako une convention de coopération dans le domaine du sport alors même que le conseil municipal ne vous avait pas donné mandat pour ce faire. Pouvez-vous nous informer du cadre juridique de cette coopération, ainsi que du mode de financement de la venue à Strasbourg des joueurs maliens? (…) »
Comme habituellement en ce qui concerne les interpellations en conseil municipal, le maire de Strasbourg ne devrait pas y donner suite en amont. Réponse(s) de Roland Ries lundi 29 avril dans la soirée, donc.
Aller plus loin
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