Les magistrats de la chambre régionale des comptes (CRC) n’aiment pas se répéter. Aussi, quand ils débutent leur rapport d’observations sur les dépenses de personnel de la CUS par « les travaux poursuivent ceux présentés le 27 juillet 2000 (…) qui sont très largement demeurés sans suite », on peut craindre que les termes employés laissent transparaître un brin d’agacement (voir le document en fin d’article).
Et c’est le cas dès le début du rapport, qui pointe :
“La période examinée est caractérisée par un constat qui demeure unique dans les annales de la gestion d’une entité publique de cette importance. Abandonnant la production des justifications réglementaires sous la forme de microfiches en juillet 2007, l’ensemble Ville – CUS s’est totalement affranchi de la production de la moindre pièce justificative depuis cette date.”
Ça commence bien ! Les magistrats critiquent ensuite le système informatique de gestion du personnel qui n’a pas été capable de répondre à leurs questions, sauf à devoir être reconfiguré… Dans ces conditions, l’objectif affiché par l’actuelle majorité d’une hausse moyenne des dépenses de personnel de 2,8% par an ne peut guère être vérifié puisque “les instruments de pilotage sont absents”. Ça, c’est fait.
Recours aux contractuels, ces intérimaires de la fonction publique
Persévérants, les magistrats sont parvenus à compter le nombre d’agents embauchés par la collectivité et notent qu’ils étaient 6 050 agents titulaires en 2005 contre 5 989 en 2011, soit une baisse de 61 agents. Une performance louable notent les magistrats, si elle n’était contrebalancée par une forte hausse des embauches contractuelles. Car en prenant ces effectifs en compte, le nombre d’emplois permanents de la CUS grimpe de 574 postes sur la même période.
Pour les magistrats, il s’agit là d’une stratégie de “contournement du statut de la fonction publique territoriale” :
“Cette pratique est irrégulière au regard du statut de la fonction publique et coûteuse au vu de l’existence, dans les faits, d’un avancement des agents contractuels et d’un régime indemnitaire individualisé très favorable. La Chambre, comme elle l’a fait dans ses deux précédents rapports de 2000 et 2006, rappelle que le recours aux non-titulaires est par définition dérogatoire au principe de l’occupation des emplois par des fonctionnaires. (…) 86 agents ont été repérés comme CDisables et une quarantaine intégrables. (…) Au 31 décembre 2011, sont dénombrés 928 agents sur des emplois permanents et 1362 agents contractuels sur des emplois qualifiés (…) qui se révèlent être en très grande majorité permanents. 27,6% de l’effectif est composé d’agents contractuels (2 290 agents contractuels sur un effectif total de 8 279 agents). La collectivité est largement au-delà de la moyenne nationale.”
Rappelons que les contractuels ont l’avantage de pouvoir être virés, contrairement aux fonctionnaires, et qu’il s’agit de CDD. Pourtant, dans leur lettre en réponse, Jacques Bigot, président de la CUS, et Roland Ries, maire de Strasbourg, affirment justement être engagés dans une « politique de déprécarisation » :
« Dès 2011, la CUS a anticipé la CDIsation des contractuels permanents. Sous l’effet de la loi, 84 agents en CDD justifiant d’une durée de service d’au moins six ans ont bénéficié d’une transformation de leur contrat en CDI. »
38 jours d’absences par agent en 2010
La chambre régionale des comptes a profité de l’occasion pour plonger dans le temps de travail effectif des agents :
« Le nombre moyen de jours d’absences par agent permanent titulaire ou non-titulaire, tous motifs confondus, pour la Ville-CUS, est d’environ 37 pour 2007 et 38 en 2010. Il était de 22 lors de la mise en place du plan de réduction de l’absentéisme en 1999. (…) Le taux calculé pour la Ville-CUS est de presque 16% supérieur à la moyenne nationale. »
A noter que ces absences – 35,8 jours par an pour les agents titulaires – sont quatre fois plus élevées chez ces derniers que chez les non-titulaires. En cause, la pyramide des âges « qui peut expliquer une partie de cet écart », mais également une « tolérance » jugée comme « un point extrêmement sensible par l’ensemble des chefs de service » qui sollicitaient déjà dans une délibération de 1998 la « fermeté de l’institution ».
Autre incongruité relevée par la Chambre, le maintien d’une absence institutionnalisée à l’échelle de la totalité des effectifs : celle pour cause de… Foire européenne. Chaque année, tous les agents de la collectivité peuvent s’absenter 3,5 heures de leur poste de travail pour aller arpenter les allées de la Foire. Le tout coûtant la modique somme de 300 000€ chaque année à la CUS, ou, converti en équivalents temps plein, 7,4 postes sur l’année.
La Chambre reconnaît néanmoins les efforts de la CUS pour réduire certaines de ces absences, notamment par la mise en place du jour de carence qui a permis de réduire les absences pour maladies sans certificat à partir de l’été 2012.
Les charges de personnel en hausse de 18% pour la CUS
« Les charges de personnel représentent 189,5 M€ pour la Ville et 121,2M€ pour la CUS, soit un total de 310,7 M€ pour la Ville-CUS en 2011. En hausse de 17,9% pour la CUS par rapport à 2005, et de 12,9% pour la Ville. Le poids des primes représentait 18% de l’ensemble des rémunérations en 2005, 26% en 2011, soit une augmentation de 44%. »
La chambre a chiffré l’étendue des surcoûts pour l’ensemble Ville-CUS :
“Le surcoût engendré par l’ensemble des libéralités et irrégularités de gestion peut être chiffré à 12,42 M€ en 2007 et de 14,2 M€ en 2010.”
Un bon point : la gestion de la médiathèque André-Malraux
Après avoir tapé sur la gestion du personnel sur 66 des 76 pages que compte le rapport, la Chambre régionale des comptes distribue quelques bons points, notamment sur la gestion “maîtrisée des charges de fonctionnement” de la médiathèque André-Malraux, qui se montent à 4,5M€ par an. La Chambre salue la fréquentation en constante progression de cette nouvelle institution culturelle et son rôle de tête de pont dans le réseau des bibliothèques de la CUS.
Outre des observations sur certains marchés (le balayage ou la gestion de crises climatiques) et sur certains tarifs fixés par la collectivité, la Chambre termine son rapport par un topo sur les relations Ville-CUS et Racing club de Strasbourg, en égrenant la litanie des pertes sèches pour la collectivité qu’a entraîné la chute du club phare de la ville. Pas un scoop sur ce terrain, sur lequel le rapport reste sobre.
Marie Marty
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Sur Rue89 Strasbourg : Téléchargez le rapport complet de la chambre régionale des comptes.
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