« Sandwich Emmanuelle », « succion d’huître en duo », « pièce très bien montée » ou « Eros burger », le tout servi dans la grande salle de l’Aubette pour la modique somme de 69€ « par amoureux ». « Les plus belles déclarations d’amour » à coucher sur flyers, un « blind test love and trash » au bar l’Atlantico ou une dégustation d’un « philtre d’amour » à la cave historique des Hospices civiles… Le programme de l’opération « Strasbourg mon amour » (le site internet dédié) ne brille pas par son raffinement.
La conseillère municipale Chantal Augé, du groupe Europe écologie – Les Verts et citoyens, s’en est d’ailleurs offusquée lundi en conseil municipal, sous les quolibets de certains de ses collègues socialistes.
Affaire de goût… ou de gros sous ?
Affaire de goûts ? Sûrement. Mais pour l’adjoint au maire et vice-président de la CUS en charge du tourisme Jean-Jacques Gsell, il s’agit plutôt d’une affaire de gros sous, voire de prestige personnel. L’élu espère voir accoler son nom à un nouveau succès commercial « Strasbourg capitale de l’amour », 20 ans après son coup de maître « Strasbourg capitale de Noël ». Il note en tout cas :
« Le but, c’est d’attirer des touristes à Strasbourg au moment où le taux d’occupation des hôtels est le plus faible, à 52% [le chiffre serait plutôt de 45%, note un hôtelier]. Cette année, on lance l’opération de façon restreinte du 14 au 17 février, mais dès l’année prochaine, on voudrait que ça dure deux ou trois semaines et faire de Strasbourg la capitale des amoureux ! »
Rien que ça. Mais qui est « on » ? Jean-Jacques Gsell et, à l’évidence, les professionnels du tourisme, du moins ceux qui croient dur comme fer à ce love-projet. Au premier rang desquels son initiateur, François Garcher, patron des hôtels Mercure et Ibis de la rue du Maire-Kuss :
« C’est moi qui ait eu l’idée et organisé une première réunion en 2010. On était cinq, dont trois personnes de l’office de tourisme. Et puis un mois après, on était 20, c’était déjà monté en puissance. L’OT a lancé un appel d’offres et en mai 2011, on a choisi l’agence Passe-Muraille. »
300 000€ demandés, 118 000€ obtenus
Au final, une cinquantaine de professionnels sont derrière cette opération, « les plus gros ». A l’automne 2011, les hôteliers sollicitent directement Jacques Bigot, président de la CUS, et lui demandent 300 000€ pour financer le projet (voir courrier). 18 mois plus tard, c’est une subvention de 118 000€ qui sera votée ce jeudi. François Garcher s’énerve :
« Quand j’ai su ça, j’ai dit on annule tout ! Pour lancer un projet aujourd’hui, le « public » doit participer, après à nous de trouver des sponsors pour les autres éditions… Le souci, c’est qu’on était obligé de démarrer en 2013 parce que l’année prochaine, ce sont les municipales et qu’on n’aurait rien pu faire. Ce qui repoussait tout à 2015. Sachant que ce genre d’opération met 2 ou 3 ans à prendre, ça aurait commencé à porter ses fruits en 2018 ! »
Le courrier adressé par le groupement des hôteliers
Sur les 287 400€ de budget pour 2013, 80 000€ sont versés par l’office de tourisme, dont le conseil de CUS vote également ce jeudi la subvention annuelle de 1,406 million d’euros. La Région Alsace ajoute 15 000€, les hôteliers environ 56 000€ (10€ par chambre réservée pendant la durée de l’opération), et les restaurateurs un certain montant sur les recettes. Des sponsors, tels Electricité de Strasbourg ou une banque, sont également dans le tour de table. Le conseil général du Bas-Rhin et la CCI n’ont pas donné suite.
Une crainte : la surcapacité hôtelière
Seuls 41% du total serait donc financés par la CUS selon Jean-Jacques Gsell, 52% selon le budget prévisionnel intégré à la délibération. Difficile de s’y retrouver dans ces chiffres, que la direction de la communication de la Ville de Strasbourg a refusé de commenter. Selon l’élu, malgré son insistance, la participation de la collectivité a été revue à la baisse… Ces 118 000€ seront par ailleurs ponctionnés sur les 2 millions d’euros de taxe de séjour encaissés par la communauté urbaine, qui doivent légalement être réinvestis dans des opérations de promotion touristique de la ville.
118 000€ : juste assez donc pour rassurer un peu les hôteliers, qui se plaignent de la crise, du manque d’accessibilité de la ville (TGV Est cher, plus de liaison aérienne avec Roissy, etc.) et, surtout des futures ouvertures d’hôtels prévues en 2013-2014. Et notamment le Marriot et sa centaine de chambres cinq étoiles, l’Holiday Inn du Heyritz et ses 150 chambres, l’hôtel des anciens haras et ses 55 chambres…
François Garcher confirme :
« Ces annonces d’ouverture, ça commence à faire un petit peu trop, il y a de plus en plus surcapacité. Aujourd’hui, certains ont des soucis de remplissage, surtout ceux qui sont mal implantés… C’est pourquoi avec « Strasbourg mon amour » on vise les CSP+, ceux qui ont des sous et n’hésitent pas à dépenser beaucoup dans des séjours romantiques. »
Une évaluation devrait être menée dès le mois de mars pour déterminer si l’opération sera reconduite ou non l’année prochaine.
BHNS fin 2013 entre la gare et l’Espace européen de l’entreprise
Autre sujet phare de ce conseil de CUS, le bus à haut niveau de service (BHNS) qui reliera la gare centrale de Strasbourg à l’Espace européen de l’entreprise à Schiltigheim fin 2013 ou début 2014. « Concept intermédiaire entre le tram classique et le bus, précise le maire de Strasbourg Roland Ries, vice-président de la CUS en charge des transports, le BHNS sera à 80% en site propre et ses stations ressembleront beaucoup à celles d’un tram. » Le coût de cette ligne G est évaluée à 30 millions d’euros. Elle sera longue de 5 kilomètres et comptera 12 stations.
A noter que ce BHNS, comme demain le tram sur pneus/fer entre Vendenheim et Eckbolsheim et les bus 67 interurbains, transformeront considérablement la physionomie du carrefour Wilson à l’arrière des Halles. Objectif pour la collectivité : élargir le centre-ville à cette zone et ne pas augmenter la densité de circulation place de l’Homme-de-Fer, déjà engorgée.
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