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Le délicat budget de crise du conseil général du Bas-Rhin

Le Conseil général du Bas-Rhin tente ces jours-ci de boucler une équation budgétaire complexe : avec la crise, les charges augmentent et depuis 2010, le département n’a plus guère de prise sur ses recettes… Du coup, son président Guy-Dominique Kennel doit limiter les investissements et faire le dos rond, en attendant le conseil unique d’Alsace.

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Le délicat budget de crise du conseil général du Bas-Rhin

L'hôtel du département (Photo Cosaque67 / FlickR / CC)

Boucler le budget d’un conseil général est devenu un exercice de haute voltige comptable depuis 2010. Pour faire simple, depuis la suppression de la taxe professionnelle, les conseils généraux n’ont quasiment plus la main sur leurs recettes (voir ce document), mais voient leurs dépenses sociales s’envoler (RSA, aides aux personnes dépendantes, handicap…) parce que c’est la criiiiiise.

Cette semaine, l’Assemblée des départements de France (ADF) est allé tendre la sébile auprès de l’Etat pour qu’elle abonde un fonds de soutien aux départements nécessiteux. Environ 170 millions d’euros ont été trouvés, l’ADF en réclamait 400, trois départements menaçaient de se déclarer en cessation de paiements. Tout ce petit monde se retrouvera en 2013 parce que ce n’est pas avec 170 M€ que l’Etat va sauver les départements.

Dans le Bas-Rhin, l’aide à la personne est le premier poste budgétaire du conseil général, elle devrait représenter en 2012 480 M€, presque la moitié du budget. Parmi les aides versées, le RSA dont les allocations en 2011 représentent 111,2 M€, une somme qui atteindra 116,8 M€ en 2012 sans que le conseil général n’ait aucun moyen d’intervenir sur cette dépense puisque l’éligibilité à cette allocation et ses montants sont définis par l’Etat.

Il est censé rembourser les départements, mais ne le fait pas. La compensation versée par l’Etat aux départements est inférieure de près de 30% à la dépense réelle. En 2011, le conseil général a donc déboursé de sa poche 33,9 M€ et prévoit 40,3 M€ en 2012.

Fatalité due au vieillissement de la population, toutes les autres dépenses sociales progressent (aide personnalisé à l’autonomie, fonds de solidarité pour le logement, prestation de compensation du handicap…). Le deuxième poste budgétaire est constitué par les salaires des 3 400 agents (129,2 M€ en 2011). Pour le président du conseil général, Guy-Dominique Kennel, aucune économie n’est à faire de ce côté là non plus :

« En 2011, les dépenses de personnel ont progressé de 3,4%, et en 2012, nous prévoyons 0,5%. Et une moyenne de 1,2% jusqu’en 2016. On s’accorde à dire qu’une masse salariale augmente mécaniquement de 3% l’an. Donc on est déjà dans un effort de réduction des coûts très important. »

L’agence Fitch Ratings, à laquelle le CG a demandé de noter sa situation financière ne croit pas à cet objectif, elle prévoit dans son rapport de juillet 2012 une augmentation de 1,8 à 2%.

Réduire l’investissement, seule option

La seule possibilité qui reste est donc de réduire l’investissement : entretien des routes (environ 45 M€), rénovations de collèges (27 M€), aides aux communes (30 M€), la 2e tranche du TGV-Est (20 M€), etc. De 212 M€ en 2012, le conseil général ne devrait dépenser que 190 M€ en 2013. Guy-Dominique Kennel et le vice-président chargé des finances, Bernard Fischer, ont passé toute la semaine à essayer de grappiller des millions ici ou là :

« On réduit les budgets de tous les organismes satellites qui dépendent de nous, comme l’Agence de tourisme ou le Vaisseau. On regarde ligne par ligne. On s’est aussi aperçu que pour quelques associations, leur dotation leur permettait d’épargner. Or on ne finance pas ces associations pour qu’elles stockent cet argent en banque… On est donc en train de vérifier leurs comptes et le cas échéant, on adaptera notre subvention. »

Plusieurs projets d’envergure ont été enterrés, comme l’extension de l’hôtel du département, ou reportés comme celle du Vaisseau. Le volume des « contrats de territoires » avec les communes sera réduit de 45,3 M€ sur la période 2013-2016. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il reste encore 5 millions d’euros à trouver.

625 M€ de dette

Il y a toujours la possibilité de l’emprunt. Mais chaque année, le conseil général emprunte déjà environ 120 M€ et la dette fin 2012 va atteindre 625 M€. Un niveau d’endettement encore acceptable. L’agence Fitch a accordé au conseil général une note AA (pour les emprunts à long terme) et F1+ (court terme), mais avec une « perspective négative » :

« L’encours de dette s’élevait à 592 millions d’euros en 2011 avec une durée de vie moyenne de 11 ans et 10 mois et une capacité d’extinction de 4 ans. Le département souhaite maintenir cette capacité de désendettement inférieure à 6 ans jusqu’en 2016. Avec un volume d’investissement de 184 millions d’euros par an en moyenne sur la période 2012-2016, Fitch table sur un maximum de 7 ans. »

Et évidemment, il y a la tentation de l’impôt. Mais Guy-Dominique Kennel aimerait éviter d’augmenter la seule taxe sur laquelle il peut encore agir, la taxe sur les droits de mutation du foncier bâti. Son taux est actuellement de 11,27% (le 6e le plus bas de France) et qui devrait rapporter 83 M€ en 2012. Car toutes les autres recettes du conseil général proviennent soit de taxes sur lesquelles le département n’a pas de prise (479 M€ prévus), soit des reversements de l’Etat (272,96 M€). Il n’avait pas encore tranché jeudi soir.

Pour l’opposition, il y a encore des économies à faire, comme l’explique Raphaël Nisand, conseiller général PS et maire de Schiltigheim :

« C’est vrai que les départements sont au feu en temps de crise. Mais on est loin d’avoir tout envisagé. Ainsi, on aurait pu refuser le transfert du Haut-Koenigsbourg de l’Etat, on aurait pu refuser de participer au fonctionnement du musée Lalique à Wingen-sur-Moder, on pourrait aussi envisager de réduire le nombre des « maisons de territoire », qui coûtent très cher et ne sont pas forcément utiles, comme celle implantée à Bischheim.

Et puis Guy-Dominique Kennel n’est guère monté au créneau lorsque le précédent gouvernement a réformé la fiscalité des départements en supprimant la taxe professionnelle… »

Guy-Dominique Kennel balaie ces remarques d’un revers de main :

« Le Haut-Koenigsbourg est une structure rentable. Il y a 6 M€ de travaux à faire, 3 sont pris en charge par l’Etat et la structure dégage un bénéfice annuel de 500 000€. Sur Lalique, nous nous sommes engagés dans ce beau musée, qui dépasse ses objectifs en termes de fréquentation. Quant aux maisons de territoire, elles sont très utiles. Imaginez qu’on doive faire partir toutes les saleuses de Strasbourg en plein hiver ! »

Un brin agaçante, l’agence Fitch note dans ses conclusions que l’incertitude institutionnelle qui pèse sur le conseil général, et sur sa dette, à cause du conseil unique d’Alsace pourrait être de nature à dégrader la note du département. Pourtant, s’il est compréhensible que les départements soient très inquiets pour 2013, ceux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin disposent d’une belle voie de sortie avec l’assemblée unique. S’il est créé, le Conseil unique d’Alsace pourrait permettre à la collectivité ainsi créée d’avoir une meilleure prise sur ses recettes…

Aller plus loin

Lire la note de l’agence Fitch Ratings


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