Fin juillet, les membres de l’association Racing Club de Strasbourg adoptaient une nouvelle dénomination pour le club : le RCS devenait le RCSA, A pour Alsace. Cette décision constitue le prélude au changement de blason présenté officiellement lundi en conférence de presse par Marc Keller (président du Racing), Roland Ries (maire de Strasbourg) et Philippe Richert (président de la Région). Après avoir changé le nom du club, il fallait ensuite intégrer le nouveau nom au logo. La manœuvre n’est évidemment pas désintéressée : incruster la marque « Alsace » dans l’identité symbolique du club lui rapportera 100 000 euros en communication en plus des 500 000 octroyés par ailleurs, soit 600 000 euros de subvention de la Région. De quoi faire péter le champagne dans les loges !
Triste défiguration
Pour tout supporter qui se respecte, ce petit manège ne peut qu’interpeller. De prime abord, le nouveau logo est une triste défiguration de l’écusson historique : le lettrage « RCSA » ne présente aucune originalité, tandis que la cathédrale miniature se voit affublée d’une sorte d’aileron fort disgracieux. Bref, du travail bâclé que n’importe qui aurait pu bricoler sur Photoshop.
Il faut cependant aller plus loin que la considération purement esthétique. La légèreté avec laquelle Marc Keller évoque une « modification mineure » du blason historique témoigne d’une méconnaissance totale de ce qu’il représente réellement. Un écusson de club n’est pas un vulgaire croquis griffonné sur un bout de table, c’est un visuel qui synthétise des symboles forts et rappelle une histoire riche. En 1979, c’est avec ce blason sur le cœur que la bande à Gilbert Gress conquit le seul titre de champion de l’histoire du RCS.
L’écusson, c’est sacré !
Le Racing n’est pas un simple club de football. C’est une institution dont la persistance, en dépit de vicissitudes tourmentées, repose sur quatre grands piliers symboliques auxquels les supporters demeurent particulièrement attachés : le nom, l’écusson, le stade et le maillot. Si la transmission de la passion Racing continue de se faire de génération en génération, c’est que ces vecteurs transitionnels permettent en un clin d’œil de relier les époques. Un nom : le Racing Club de Strasbourg (tout court), apparu en 1919. Un écusson dit « historique », lancé en 1976, témoin des grands succès populaires que sont le titre de 1979, la remontée de 1992 et la Coupe de la ligue de 1997. Un stade, la Meinau, autrefois jardin Haemmerlé, où est basé le Racing depuis les années 1910. Un maillot – siège des couleurs bleu et blanc – sur lequel est arboré le blason du club.
Pour les supporters, ces quatre grands piliers revêtissent un caractère sacré. Quand certains s’insurgent et lancent « Pas touche à mon logo ! », c’est contre une profanation qu’ils se dressent. Ce cri du cœur sonne d’autant plus vrai en période de crise institutionnelle et sportive. Alors que le Racing se débat en quatrième division avec une stabilité directionnelle incertaine, il paraît d’autant plus sot de porter atteinte aux piliers symboliques que le club peine à se construire un futur. Cet écusson historique, tout le monde l’aime, car il synthétise à merveille l’identité plurielle du club : la cathédrale représente Strasbourg de même que la bande rouge correspond au blason de la ville ; la cigogne, véritable animal-emblème de la région, est un habile clin d’œil à l’Alsace ; les couleurs bleu et blanc y figurent en bonne place, tandis que la dénomination complète – Racing Club de Strasbourg, section football – s’y déploie sans équivoque. Pourquoi diable vouloir dénaturer un graphisme aussi lourd de sens ?
Le RCS, tout court !
Le changement de logo va de pair avec l’irruption du RCSA.
« Changer de nom, c’est plus grave que le nouveau logo. »
C’est l’avis de mon pote Conan sur Racingstub et il n’a pas tort. Au même titre que le blason, la dénomination est un pilier symbolique et, donc, c’est sacré. En l’occurrence, vouloir subitement s’appeler RCSA (comme Jean voudrait devenir Jean-Paul) est d’autant plus stupide que le Racing est déjà, depuis longtemps, le club préféré des Alsaciens. Le Racing est le club de Strasbourg, certes, mais est apprécié de Wissembourg à Saint-Louis.
Pour Pierre Perny, auteur du bouquin Racing 100 ans, le Racing devient le club phare de toute l’Alsace dès les années 1950, suite à la chute de Colmar en division amateur. Avant la montée en puissance de Mulhouse dans les années 1980, Strasbourg demeure des décennies durant le seul club pro alsacien. Des générations d’Alsaciens se sont identifiés au RCS sans attendre que l’on vienne lui accoler un A. Le rebaptiser RCSA est une belle fumisterie : tout le monde continuera à parler du Racing et du RCS, tout court.
Mentalité détestable
Je regrette que Marc Keller ne prête pas plus attention à la culture club. Lorsqu’il était manager général du Racing, lui et son équipe n’avaient daigné réhabiliter le logo historique, enterré par la team Proisy en 1997. Avec le retour des « Alsaciens » à la tête du club entre 2003 et 2006, les fans avaient en vain demandé et espéré ce geste de la part de la direction. Cause toujours… Pour sa seule action positive aux commandes du RCS, c’est l’un des principaux fossoyeurs du foot pro à Strasbourg – Philippe Ginestet – qui en 2006 nous ramena le blason, notre blason.
Le cas actuel est révélateur d’une mentalité bien détestable. Que la Région subventionne le Racing ne l’autorise pas à souiller son identité symbolique.
« En ces périodes de disette, je pense que les supporters ont besoin de s’accrocher à des repères forts et le logo en est une des meilleures expressions. Le Racing n’est pas une catin. C’est quoi ce chantage (de surcroît d’une institution) « tu me changes le logo et tu y mets mon nom sinon tu meurs ? »
C’est ce qu’écrit un autre pote – I.D – sur Racingstub. Le Racing a peut-être besoin d’argent, mais effectivement il n’est pas une catin. Du moins pas pour tout le monde…
Aller plus loin
Sur RacingStub.com : l’historique du blason du RCS
Sur Rue89 Strasbourg : Tous nos articles sur le RCS
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