La ville de Strasbourg prévoit dans le quartier du Wacken un vaste projet à trois étages : un Quartier d’Affaires Européen (QAE) dont la procédure d’attribution de marché à Bouygues vient d’être annulée, une extension du Palais de la Musique et des Congrès (PMC) ainsi que la construction de vastes halls d’exposition sur 50 000 m² (PEX). La justification avancée par la majorité au pouvoir à Strasbourg est de créer une synergie, notamment entre congrès et foires ou expositions.
Circulation et stationnement
Premier point noir soulevé à l’évidence par ce projet : le sujet si brûlant à Strasbourg de la circulation et du stationnement. Certes, M. Ries est très attaché aux transports « doux ». Nous savons qu’il veut lutter contre la « voiture comme élément consubstantiel de l’être humain ». Or les projets du Wacken amèneront un flux automobile et logistique supplémentaire, dans un secteur déjà amplement saturé (Quartiers Wacken, Schiltigheim, Robertau). Pour le simple agrandissement du PMC, 26% d’augmentation en heures de pointe sont annoncés dans l’enquête publique actuellement en cours jusqu’au 27 juillet. Mais aucune étude prospective pour le futur PEX qui se construira dans la foulée n’est publiée par la CUS.
Le préfet du Bas-Rhin, dans l’avis de l’Autorité environnementale obligatoire pour l’enquête publique sur l’extension du PMC, signale :
« Le présent projet faisant partie d’un programme immobilier important dans le secteur (PEX en 2014-2017 et nouveau Quartier d’affaires QAE en 2012-2025), il aurait été intéressant d’examiner, même grossièrement, l’impact potentiel cumulé de tous ces projets connus par la CUS sur la zone globale concernée par ces travaux et notamment sur les continuités écologiques ».
Il y a donc une absence de vision d’ensemble de ce vaste projet à trois étages, qui se ressentira cruellement en particulier sur la circulation et son corollaire : les pollutions en tout genre. Comment se fera la régulation ? Voilà une question en suspens et la réponse ne se sera pas apportée par le seul tram, dont les arrêts, assez éloignés pour l’instant des futures installations, ne satisferont pas les besoins multiples et variés des usagers.
Synergie prouvée ou supposée ?
La décision de localiser des halls d’exposition en synergie avec un Palais de la Musique et des Congrès doit être le fruit d’une réflexion approfondie. Pourquoi plaider à Strasbourg pour une telle synergie alors que la plupart des grandes villes privilégient la fluidité de l’accessibilité à de telles infrastructures ?
Ainsi, Stuttgart a choisi d’excentrer ses infrastructures drainant les foules – et donc les véhicules – à proximité de son aéroport, sur un axe autoroutier majeur, tout prêt du réseau ferré express régional. La congestion est ainsi évitée et les flux sont optimisés.
A Bâle, souvent citée en exemple par les élus, la « Messe » (complexe urbain de foire exposition) est effectivement située dans la ville, mais le contexte est bien différent de celui de Strasbourg. A Bâle existe une véritable mixité : des logements, des hôtels, des restaurants, des commerces cohabitent avec la « Messe ». De plus, de nombreuses lignes de tram traversent en plein cœur ce vaste ensemble. Enfin, une gare ferroviaire lui est dédiée à son entrée.
Il serait judicieux de mentionner ce qui s’est fait à Lyon (où la Foire a déménagé à Chassieu pour laisser la place à la Cité Internationale), Bordeaux, Lille, etc.
Une motivation économique à prouver, une concertation inexistante
Au-delà des considérations pratiques concernant cette future densification urbaine, se pose de façon prégnante la question de la motivation économique du projet « Wacken ». Dans ce quartier strasbourgeois, des locaux tertiaires sont actuellement inoccupés en partie. Les très récents chiffres publiés par BNP Paribas Real Estate (publiés le 19 juillet) indiquent pour Strasbourg « une baisse de 40 % dans le niveau des transactions de bureaux par rapport à 2011 ».
Une étude sur la viabilité financière et économique du futur Palais des Expositions de Strasbourg a bien été réalisée par un groupement d’entreprises en charge de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, constitué des sociétés Inexia Menighetti, Ernst & Young, Interland et Soberco Environnement. Mais ses conclusions sont restées confidentielles, alors que les investissements pour leur part s’élèveraient selon la presse à 250 millions d’euros. Nos associations – comme d’autres structures similaires – n’ont pas pu avoir connaissance de cette étude. A ce jour, notre demande auprès de M. Bigot, président de la CUS n’a pas abouti.
Pourtant, ce projet est initié par une municipalité qui déclare fréquemment préférer la « concertation à l’information ».
L’ampleur du projet et ses impacts sur le quotidien des strasbourgeois mérite pourtant, à nos yeux, que tout un chacun soit informé et que soit menée une très large concertation, au-delà même des limites de la ville. En effet, c’est Strasbourg ainsi que les autres communes de la CUS, notamment Schiltigheim, qui seront impactées par ce futur blocage à une extension naturelle de la ville. Sur une zone allant du Parlement Européen au nord de la place de Haguenau, il n’y aura pas de commerces, pas d’espaces verts, pas de lieu de vie : ce seront les conséquences les plus visibles de cette totale absence de mixité.
Il semblerait que toutes ces considérations que nous soulevons depuis quelques mois commencent à porter leurs fruits, puisque le 25 juillet 2012, Mme Trautmann, adjointe en charge de ce dossier, annonçait une révision du projet « quartier d’affaire » pour y intégrer des logements sociaux, une crèche publique et surtout mieux coordonner ce projet avec celui de l’extension du Parc des expositions.
S’il faut éviter que le Wacken ne devienne une immense zone tertiaire morte le soir et les week-ends, il faut également garder à l’esprit que le projet comprend la construction d’un hall passerelle sur l’avenue Herrenschmitt. Ce hall passerelle formera un véritable barreau qui séparera pour longtemps ce côté de la ville des quartiers et des communes limitrophes.
Un bilan écologique incertain
Un tel barreau est le fruit d’une conception d’un urbanisme d’un autre âge, peu convivial pour les piétons et les cyclistes. Dans ce vaste projet Wacken, ce n’est d’ailleurs qu’un des aspects qui mettent à mal la trame verte et la trame bleue de Strasbourg, dans l’un des derniers espaces encore arborés de la ville. Il y est notamment prévu le déplacement, voire la suppression de terrains sportifs. Quel sera le bilan écologique de ce projet comme le souligne de Préfet du Bas-Rhin ?
Sur ce point également, la question est posée, et là aussi, les réponses se font attendre. Ce vide justifie à lui seul une interrogation forte : pourquoi un tel silence ?
En conclusion, les associations du collectif s’efforcent de :
- demander à la CUS de rendre public les études affirmant qu’une Foire Exposition doit se faire en synergie avec un Palais de la Musique et des Congrès,
- obtenir une vision d’ensemble de ce projet à trois étages (QAE remis hier en question par la CUS, PMC, PEX) là où tout se fait de manière morcelée sans étude d’impact générale sur le site.
Elles attendent aussi que :
- les Strasbourgeois soient informés des mesures réelles qui seront prises pour assurer la circulation automobile dans un quartier déjà saturé.
- soit défini le maillage d’un plan de développement des transports en commun dans cette zone.
Arnault Pfersdorff, président, Association Résidents de la rue du Tivoli
René Hampé, président, Association pour la Défense des Intérêts de la Robertsau
Stéphane Boof, président, Strasbourg Résidents et Amis du Centre-Ville
Clarisse Siefert, présidente, Association Pour Neudorf
Laurent Wachsmann, vice-président, Union des Commerçants Schiltigheim
Jacques Marzolf, président, Association des Résidents du Tivoli
Caroline Martin, présidente, Association Villa 17
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