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Au Resto bébés de la Meinau, pas de vacances pour les bénévoles

Depuis 15 ans, le Resto bébés du cœur de la Meinau à Strasbourg vient en aide aux parents des enfants de moins de 18 mois en distribuant des couches et des colis alimentaires. Les beaux jours ne sont pas toujours synonymes de mieux pour les personnes défavorisées, qui viennent encore en nombre à l’association.

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Quartier de la Meinau, au matin d’un jour de juin. Naeil, petit bonhomme de deux ans, passe une porte d’entrée avec sa poussette et regarde sa mère remplir des papiers compliqués. Naeil s’impatiente, ne tient plus en place, regarde avec attention l’étagère des jouets et montre du doigt une peluche. Sa maman l’extrait de la poussette et Naeil se dirige droit vers le nounours qu’il convoite pour en vérifier les attraits.

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L'étagère à jouets du resto Bébés de la Meinau monopolise l'attention des enfants (Photo AC)

Les parents de Naeil sont arrivés de Mayotte à Strasbourg en avril 2011, juste après l’accession de l’île au statut de département d’Outre-mer. Alors  que le papa suit une formation pour travailler dans le bâtiment et que la grande de la famille, 7 ans, est scolarisée dans une école élémentaire de Strasbourg, Naeil est gardé par sa maman, Aly, tous les jours faute d’accès à la crèche.

Aujourd’hui, ils sont au Resto bébés pour s’approvisionner en couches et en petits pots pour la dernière-née de la famille, qui, à moins de 18 mois, peut encore bénéficier de l’aide des Restos bébés. Quand le français d’Aly se fait hésitant, ce sont des sourires qu’elle échange avec les bénévoles du resto, « trop gentils ». C’est son mari, qui parle mieux le français, qui a trouvé via Pôle emploi une assistante sociale pour aider la famille dans ses démarches administratives. Cette dernière les a orienté vers les Restos à la naissance du bébé.

Grâce à sa trentaine de bénévoles, le Resto bébés de Strasbourg peut ouvrir plusieurs fois par semaine depuis 15 ans et distribue aux parents de nourrissons des couches, du lait, des petits pots, des habits et des jouets. Pour accéder à cette aide, qui fonctionne avec des points comme aux Restos du cœur, il faut que le dossier constitué par les demandeurs cadre avec les barèmes de précarité établis à Paris par la maison-mère.

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Naeil s'amuse avec les jouets que peuvent emporter les familles (Photo AC)

« Très bien habillés, très bien soignés »

« Plus de demandes que de capacités d’accueil », c’est ce que dénoncent très vite les bénévoles à propos de leur travail. Depuis son ouverture, le Resto accueille toujours plus d’enfants, français ou primo-arrivants (notamment en provenance de l’Europe de l’Est). La rengaine, pudique et fataliste, y est bien connue : « La crise n’a rien arrangé ». Plus de 400 bébés sont pris en charge tout au long de l’année, à raison de deux visites par semaine. A partir de 18 mois, on considère que les enfants sont propres (ce qui est en fait rarement le cas…) et ils sont alors pris en charge par les Restos du cœur.

Anna, petite dame retraitée au sourire lumineux et bénévole depuis plusieurs années, s’offusque du cliché selon lequel une enfance défavorisée serait forcément malheureuse. Au milieu des rangées de cintres sur lesquels sont suspendus des robes dernier cri et des petits pulls tricotés par des pensionnaires de maisons de retraite, Anna observe :

« Les enfants qui viennent sont toujours très bien habillés, très bien soignés. Leurs parents ont l’air très attachés à eux et, même s’il y a beaucoup de mamans que l’on a abandonnées, les papas mettent eux aussi la main à la pâte. »

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Anna aide les mamans à choisir les vêtements, issus de dons (Photo AC)

Le caritatif s’oblige au pragmatisme

Gaby, retraitée dont la douceur se dessine sur le visage,  a appris au fil de ses années d’engagement que « la misère est là où il y a beaucoup d’enfants ». Elle avoue qu’il est parfois « compliqué de parler de contraception » aux familles. Ainsi, il y a des moments plus difficiles que d’autres. Comme lorsque les bénévoles ont vu revenir une femme seule qu’elles avaient aidée il y a quelques années et qui a donné naissance à un septième enfant.

Il y a aussi les personnes, « très peu nombreuses », insistent les bénévoles, qui se montrent agressives parce qu’elles ne comprennent pas qu’on leur refuse des biens contingentés. Mais Gaby préfère parler de ce que sa présence ici lui apporte :

« Je viens une fois par semaine, le jeudi. Ce matin-là, je me réveille avec joie et je me dis que c’est la plus belle journée de ma semaine. »

Comme beaucoup d’autres à Strasbourg, le Resto bébés a la générosité pragmatique et s’adapte aux réalités des familles, contraintes socio-culturelles et religieuses incluses. Les dames de la distribution des denrées demandent toujours si le bébé peut manger du porc, distribuent des petits pots sans viande dans le cas contraire.

Ce jour-là, près de quarante familles ont passé la porte du Resto bébés. Elles sont deux fois plus nombreuses en hiver. A demi-mots, une bénévole avoue qu’on réfléchit d’ailleurs, pour des raisons d’économie, à mettre à disposition des familles des couches lavables. Le sujet est encore un peu tabou.


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